Révolution Jeunesse Egypte: Construction d’un nouvel avenir

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Le 25 Janvier 2011 fut une journée hors du commun pour l'activiste égyptienne de 26 ans, Sally Zohney. A travers une campagne menée par des jeunes sur Facebook, elle reçut une invitation à venir protester contre la Pauvreté, le chômage et la corruption. Jeune femme brillante et couronnée de succès, issue de la classe moyenne, ses parents ne comprenaient ses raisons d'y aller. Pour elle, impossible de choisir d'ignorer la situation. Zohney s'est donc faufilée hors de chez elle pour se rendre au Place Tahrir, au Caire, où elle a retrouvé des milliers d'autres jeunes, tous unis pour une nouvelle Egypte.

Monologues Tahrir
Une reconstitution d'une scène de la place Tahrir au Caire, où des jours de contestations ont eu raison du régime égyptien en place depuis 30 ans. (Photo: Monologues Tahrir)

«Être dans sur cette place a été comme un élan d'adrénaline de 24 heures, c'était un lieu d'utopie sur lequel il m'est impossible de mettre des mots», décrit Zohney, en expliquant qu'il est impossible de faire marche arrière.

Ce qui ne devait durer que 24 heures initialement aura duré 18 jours au final et mis un terme définitif au régime d'Hosni Moubarak, en place depuis 30 ans. Certains appellent ce moment marquant de l'Histoire le « mur de Berlin égyptien » ou encore la « révolution des média sociaux », en grande partie à cause du rôle décisif joué par Facebook et Twitter dans la mobilisation des masses. Pour Zohney, comme pour beaucoup d'autres, c'est une « révolution de la jeunesse ».

«C'était la première fois pour beaucoup d'entre nous, la jeune génération, que nous descendions dans la rue et que nous constations à quel point nous étions nombreux», explique Zohney, qui est aujourd'hui devenue spécialiste des jeunes pour ONU Femmes. Bien avant les manifestations, la jeunesse était déjà mobilisée à travers des groupes sociaux sur Facebook, comme «We are all Khaled Said pour dénoncer la violence et la brutalité policière. Le plus marquant, dit-elle, a été la force et l'acharnement sans faille de ses compagnons, en particulier les femmes qui ont dissipé ce stéréotype de la femme à la « burqa ». Ces femmes « chantaient, menaient des manifestations et organisaient des réunions qui se tenaient tard dans la nuit ».

« Maintenant l'activisme permet la diversité », ajoute Zohney. Elle explique qu'avant la révolution, les mouvements de femmes étaient conduits par des femmes plus gées, la plus part du temps des femmes aisées appartenant à des ONG ou des institutions bien établies. Depuis les soulèvements, elle observe une population plus jeune, incluant des jeunes femmes aux origines socioculturelles variées, qui façonnent le dialogue de cette vision partagée de l'Egypte.

Activisme et participation politique: Garder une vision partagée Vivante

« La place Tahrir a réveillé quelque chose en moi. J'ai eu beaucoup de temps pour réaliser mes passions, pour devenir la personne que je suis vraiment. »

Zohney croit qu'il est essentiel pour la jeunesse de poursuivre cet élan, en particulier pour les droits des femmes dans son pays - un défi comportant de nombreux obstacles aux niveaux national et local. En réponse, les jeunes militants ont déjà pris des mesures de plusieurs manières différentes. En Juin, par exemple, un groupe de défenseurs des droits des femmes, dont Zohney faisait partie, a lancé un blogue et une campagne d'un jour sur Twitter(# EndSH) contre le harcèlement sexuel en Egypte, récoltant quelques 12.000 tweets et 150 posts. L'événement d'une journée a également attiré l'attention de personnalités notoires telles que Mohamed ElBaradei ou Amr Moussa, qui ont commenté le sujet grce aux «hashtags » sur Twitter.

Une scène des « Monologues de Tahrir », retraçant sur les planches, des histoires égyptiennes dans le contexte des 18 jours de protestation. (Photo: Monologues Tahrir)

« Les Monologues de Tahrir » est un autre projet dans lequel elle et d'autres jeunes sont fortement impliqués. Cette pièce de thétre est dirigée par une troupe de bénévoles indépendants, ayant des formations dans le conte, l'art et la mise en scène. « Les Monologues de Tahrir » font «revivre» sur scène les 18 jours en racontant à nouveaux les histoires vraies et expériences vécues par des égyptiens qu'ils soient vendeurs de rue, officiers de police, des familles ou des jeunes révolutionnaires.

ONU Femmes soutient également un certain nombre de ces initiatives de jeunes. Elle soutient notamment un groupe de jeunes du Caire, à l'origine de l'initiative éducative et de sensibilisation « commence par toi-même », dont le but est de promouvoir un comportement positif dans un nombre de situations variées. Forte de ses 1000 membres, l'initiative est soutenue par un développement stratégique et une formation offerts par ONU Femmes. Le harcèlement sexuel, une des questions abordées, a été lié au projet « Villes Sures » d'ONU Femmes, initiative regroupant plusieurs ville visant à rendre les rues plus sures pour les femmes.

Actuellement, ONU Femmes est également en train de mettre en place un module sur deux ans « Culture des Valeurs de Paix » - visant à enseigner le respect, la tolérance, le travail d'équipe, l'estime de soi, la gestion de crise et la médiation- dont l'objectif à terme est de munir les jeunes femmes d'outils de leadership et de communication solides. Avant les soulèvements, ONU Femmes travaillait déjà, depuis 2009, au sein des universités égyptiennes à la promotion de la Résolution du Conseil de Sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité, à travers un programme modèle de l'ONU.

Il ne s'agit là que de quelques exemples, parmi beaucoup d'autres, d'initiatives auxquelles les jeunes participent et doivent absolument participer s'ils veulent garder cette vision partagée d'une Egypte démocratique en vie.

« La révolution est loin d'être finie », dit Zohney, en ajoutant que la construction de nouvelles institutions prend du temps. « Notre génération doit prendre cette responsabilité très au sérieux. Manifester était la partie facile. Le plus dur sera de gérer la demande sociale, politique, économique et éducationnelle. »

Les élections présidentielles, provisoirement prévue à la fin de l'année 2011, ne sont pas une exception, dit-elle. A cette occasion, tous les jeunes gés de 18 ans et plus -ge minimum légal pour voter en Egypte- auront l'opportunité de se rendre aux urnes, de faire partie de la campagne, d'aider les partis politiques et de rapporter les évènements en tant que journalistes.

« Peu importe ce que vous faites, tant que vous contribuez par tous les moyens … et que vous participez à la révolution», affirme Zohney, en se rappelant de la vision partagée des « Monologues de Tahrir ».

Elle ajoute: «L'activisme n'est pas une option si vous êtes passionné pour une cause. »

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