Entretien avec Saran Keïta Diakité et Traoré Oumou Touré sur leur participation aux négociations de paix au Mali

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De Gauche à Droite: Maitre Soyata Maiga, Saran Keita Diakité, présidente du Réseau paix et Sécurités des Femmes du Mali (REPSFECO), et Diarra Afoussatou Thiero assistent à une formation d'ONU Femmes sur la médiation avant de participer au processus de paix à Ouagadougou.

Plongées dans une crise sans précèdent après le coup d'Etat militaire perpétré le 22 mars dernier par une junte militaire, les autorités maliennes ont entamé un processus de transition au sein duquel les femmes maliennes sont parvenues avec le soutien d'ONU Femmes à s'imposer à la table des négociations.

Soutenu par ONU Femmes, Saran Keïta Diakité et Traoré Oumou Touré ont participé avec deux autres femmes aux négociations du processus de transition malien en tant que médiatrices à Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso voisin, du 15 au 17 Avril.

Saran Keïta Diakité est avocate au barreau malien et présidente du Réseau paix et Sécurités des Femmes de l'espace de la Communauté des Etats d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), section du Mali.

Traoré Oumou Touré est Présidente de la Coordination des Organisations Féminines du Mali (CAFO) qui rassemble plus de 2.000 associations de femmes.

Aviez-vous déjà participé à un processus de négociation national ou international?

Saran Keïta Diakité: C'est une première expérience pour moi. J'avais assisté auprès de Femmes Africa Solidarité à des processus de négociations en qualité d'accompagnatrice mais cette fois je suis impliquée en tant qu'actrice principale au centre des débats et échanges.

Traoré Oumou Touré: Je ne parlerai pas de négociations mais j'ai participé à des processus de médiation avec la Coordination des et Organisation Féminines du Mali (CAFO) que je dirige depuis 20 ans. Nous avons été présentes dès les premières heures du processus démocratique au Mali.

Nous avons participé à tous les processus de médiation du pays : entre le gouvernement et les syndicats, entre le gouvernement et l'Association des Elèves et Etudiants du Mali sur différentes crises au sein du système éducatif mais également avec les leaders religieux, l'Association malienne des Droits de l'Homme, les syndicats etc.

Qu'avez-vous appris en participant à la formation organisée par ONU Femmes et en quoi cela vous ont été bénéfiques avant, pendant et après la rencontre de Ouagadougou?

SKD: L'atelier a été d'un grand apport à la fois pour les membres du Réseau Paix et Sécurité de l'espace CEDEAO (REPSFECO) mais aussi pour l'ensemble des femmes qui sont engagées sans le processus de négociation. Nous avons élaboré une stratégie qui va nous permettre de toucher l'ensemble des femmes jusqu'à la base afin qu'elles puissent apporter leur concours à la médiation et à la paix globale.

La formation nous a permis de conforter nos connaissances sur les différents textes juridiques et les différentes résolutions des Nations Unies notamment les résolutions 1325, 1820, 1880 et 1889.

TOT : Avant la rencontre de Ouagadougou nous avions en tête des connaissances sur la médiation grce aux informations communiquées le premier jour de l'atelier. L'exposé que nous avons reçus sur les techniques, les principes de la médiation et les qualités du médiateur ou de la médiatrice a été essentiel. Fortes de ces enseignements et connaissances nous avons très vite compris la position du médiateur.

Nous n'avons pas été étonnées de la manière de la conduite des débats et le profil qu'il a donné aux échanges. Réellement, nous étions dans une situation connue, exactement comme si nous appliquions les notions acquises auparavant. Les femmes doivent s'inspirer de ces expériences. Cette participation à la rencontre de Ouagadougou va nous permettre de bien jouer nos rôles dans le reste du processus, autrement dit sur la qualité des discussions et sur la poursuite de la médiation.

Quelle a été selon vous la plus-value que les femmes déléguées ont apportée dans les discussions de Ouagadougou?

SKD: Nous avons effectué des actions de plaidoyer dès que nous avons eu connaissance du contenu de la Déclaration de Ouagadougou par le médiateur délégué en la personne de Monsieur le ministre des affaires étrangères du Burkina Faso. Nous avons approché nos frères et sœurs délégués par les confréries religieuses du Mali pour faire bloc et convenir de l'essentiel sur la sortie de crise.

TOT : La plus-value que nous avons apportée est que nous savons pourquoi nous sommes allées à Ouagadougou : pour combler le déficit de participation des femmes. Car sur une délégation de 80 personnes, il n'y avait que dix femmes de sensibilités différentes (partis politiques, société civile, religieuses).

Nous sommes allées au nom du Réseau Paix et Sécurité de l'espace de la Communauté des Etats d'Afrique de l'Ouest secteur Mali, qui nous a mandatées, cela nous a donné une force. Et notre intervention a porté sur les revendications clés : d'une part l'implication des femmes dans le processus de médiation et à tous les niveaux et, d'autre part, l'arrêt des violences que les populations subissent depuis l'occupation des régions Nord du Mali et majoritairement les femmes et les enfants. Face à cela il faut une organisation de l'aide humanitaire et de la façon la plus urgente.

Quelles leçons tirez-vous du soutien dont vous avez bénéficié?

TOT : C'est grce l'appui du bureau d'ONU Femmes Mali qui nous a permis d'être à Ouagadougou. C'est un exercice pour l'ensemble des acteurs et actrices maliens que nous sommes allés dans un pays tiers, le Burkina Faso, pour de telles négociations et dans un contexte pareil.

Avant Ouagadougou, nous devions d'abord se comprendre entre nous et convenir de l'essentiel. Deux choses sont maintenant partagées par l'ensemble des parties : il faut, primo, instaurer la démocratie en remettant les institutions en place et, secundo, il faut instaurer la paix.

SKD: Nous remercions ONU Femmes pour la prise en charge des frais de voyage à Ouagadougou, un grand merci pour le financement de l'atelier qui a permis d'élaborer le plan d'action avec des stratégies et des activités.

Des stratégies de sorties de crises avec différents scénarios ont été élaborées. A partir de ces orientations, des plans d'action et de la définition d'un ensemble d'activités à mettre en œuvre allant de la sensibilisation d'information, à la prise en charge et l'insertion sociale des déplacés ainsi qu'à leur retour dans leurs foyers.

Le REPSFECO va finaliser son plan d'action qui sera soumis aux différents partenaires dont ONU Femmes afin de financer les activités prioritaires. Nous allons mobiliser l'ensemble du système des Nations Unies autour de ce plan d'action pour mettre en œuvre toutes les activités prévues en faveur de la paix.