Consultations pour l’Amérique latine et les Caraïbes sur la CSW57 à San Salvador

Date:

Déclaration d’ouverture de Lakshmi Puri, Directrice exécutive adjointe d’ONU Femmes, le 11 février 213 à San Salvador, à El Salvador

[Seul le texte prononcé fait foi.]

Votre Excellence, M. Mauricio Funes Cartagena, Président de la République d’El Salvador,

Votre Excellence, Mme Vanda Pignato, Première dame d’El Salvador, Secrétaire à l’Inclusion sociale et Présidente de l’Institut salvadorien pour le développement des femmes, l’ISDEMU.

Excellences,

Mesdames et Messieurs,

Collègues et amis,

Buenos dias !

C’est un grand honneur et un plaisir de me trouver parmi vous aujourd’hui dans cette magnifique ville de San Salvador. Cette réunion de haut niveau des pays d’Amérique latine et des Caraïbes tombe à point nommé, à trois semaines de la Commission de la condition de la femme. Le moment est venu de nous rassembler et de réaliser le consensus afin que la CSW puisse aboutir à des résultats progressistes et orientés vers l’avenir en matière d’élimination et de prévention de toutes les formes de violence à l’égard des femmes et des filles.

Je suis ravie de voir tant de participants de haut niveau participer à ces consultations. Au nom de notre Directrice exécutive, Mme Michelle Bachelet, je souhaiterais vous faire part de toute la reconnaissance d’ONU Femmes pour votre coopération étroite, dans le cadre de notre travail collectif en vue d’éliminer la violence à l’égard des femmes et de promouvoir les droits de la femme et l’égalité des sexes.

Je souhaiterais vous remercier particulièrement, Votre Excellence, Monsieur le Président, de nous accueillir aujourd’hui et demain. Votre direction et votre engagement personnel en faveur de la promotion de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes ont fait considérablement bouger les choses pour les femmes d’El Salvador, de la région et du monde.

Je souhaiterais également remercier Votre Excellence, Mme Vanda Pignato, pour votre engagement inébranlable en faveur de notre agenda. Vous avez participé à notre Forum de haut niveau des parties prenantes, organisé à New York en décembre, et vous avez souligné, dans votre intervention, que des progrès en matière de prévention et de réponse à la violence sont de fait possibles, lorsqu’il existe un engagement politique.

Au fil des années, nous avons appris que l’engagement politique est un ingrédient-clé de l’élimination de la violence à l’égard des femmes. Il doit être une priorité de chaque dirigeant, État et communauté, en vue de lutter contre ce fléau.

Et la prochaine session de la Commission de la condition de la femme fournit une plateforme politique de premier plan pour ce faire. Par ses résultats, la Commission doit adresser un message fort selon lequel tous les pays sont unis derrière l’appel à la tolérance zéro vis-à-vis de la violence à l’égard des femmes. Ça suffit ! ¡Ya basta!

Les pays d’Amérique latine et des Caraïbes ont ouvert la voie à des progrès plus importants.

Nous avons été témoins d’une remarquable mobilisation dans cette région.

Nous avons vu des gouvernements et des parlements adopter des lois fortes pour prévenir, punir et poursuivre en justice les auteurs de violences à l’égard des femmes, ainsi que pour assurer les services nécessaires aux rescapées. Aujourd’hui, 32 pays de la région sont dotés de lois sur la violence domestique, et 21 pays disposent d’une législation nationale qui traite spécifiquement des agressions sexuelles.

Nous avons vu de nouveaux pays adopter des plans nationaux d’action qui mettent en exergue un programme d’activités global, cohérent et durable.

Et nous avons été témoins d’initiatives couronnées de succès, telles que la mise en place de centres intégrés et de refuges ainsi que de programmes favorisant un meilleur accès à la justice, l’amélioration de la collecte de données, et des initiatives visant à toucher les femmes et les filles les plus vulnérables et marginalisées, et les femmes handicapées et autochtones.

Beaucoup de ces avancées ont été le fruit d’activités de plaidoyer intensives de la part des groupes de femmes et d’individus, qui ont œuvré sans relâche pour que la discrimination sexiste figure au premier plan de l’agenda politique.

Je rends hommage au rôle joué par une société civile dynamique en vue de promouvoir les droits des femmes sur le continent. Et je rends également hommage aux individus qui ont consacré leurs vies à l’amélioration de la condition des femmes dans leurs pays et à l’étranger.

Certains de ces personnes sont elles-mêmes des rescapées de la violence. Elles ont mis à profit leur tragique expérience pour promouvoir des changements positifs, en vue de mettre fin à l’impunité et à l’injustice, pour toutes les femmes.

Je pense par exemple à Maria da Penha au Brésil, qui a lutté pour la justice, non seulement pour elle-même, mais aussi pour toutes les femmes brésiliennes.

Avec elles, nous devons être en mesure de dire : « Ni Una Más » (pas même une de plus), car la meilleure manière de prévenir la violence est de l’empêcher de se produire en premier lieu.

La mobilisation des citoyens et des gouvernements de la région a contribué à la mise en place d’un impressionnant cadre régional normatif sur la fin de la violence à l’égard de femmes, exprimé dans les instruments relatifs aux droits de l’homme et dans les déclarations politiques.

La Convention de Belém do Pará stipule clairement que la violence à l’égard des femmes constitue une violation des droits de l’home et des libertés fondamentales. Les mécanismes de suivi de la Convention, tant au niveau de l’examen des progrès réalisés que du traitement des plaintes individuelles et collectives, forment un solide cadre de responsabilité.

Ce cadre est complété par de nombreuses déclarations politiques, dont le consensus de Quito, le consensus de Brasilia, la Déclaration de San José et la Déclaration de 2012 de l’Union des nations sud-américaines.

Tous ces documents appellent à donner un caractère de priorité politique aux efforts visant à mettre fin à la violence à l’égard des femmes et à la promotion de l’égalité des sexes.

Pourtant, malgré ces avancées, la triste réalité d’aujourd’hui est qu’aucun pays n’est exempt de violences à l’égard des femmes et complètement débarrassé de la discrimination basée sur le genre. Cela n’est pas seulement vrai en Amérique latine et au Caraïbes ; c’est le cas dans tous les pays autour du monde.

Nous sommes confrontés à d’énormes lacunes au niveau de la mise en application… des écarts entre les engagements et l’action.

Une étude récente menée par l’Organisation panaméricaine de la santé a montré qu’entre un quart et la moitié des femmes d’Amérique latine et des Caraïbes ont déclaré avoir été victimes de violence perpétrées par un partenaire intime.

La même étude a montré qu’une large proportion de femmes de la région déclarent avoir été victimes de violences sexuelles, perpétrées la plupart du temps par des hommes connues d’elles.

L’accès à la justice ainsi que l’impunité demeurent problématiques. À titre d’exemple, on estime que les taux d’impunité pour les cas de fémicides vont de 77 pour cent à plus de 90 pour cent dans certains pays de la région.

Et si l’on constate des améliorations au niveau de la fourniture des services, davantage doit être fait pour rendre les systèmes plus globaux et intégrés, et assurer l’accès de toutes les femmes, quels que soient leur situation géographique, leur ethnicité ou leur condition sociale.

Le moment est venu de traduire les engagements en des actions nationales concrètes.

ONU Femmes travaille avec vous pour veiller à ce que le droit de chaque fille, de chaque femme à vivre à l’abri de la peur de la discrimination et de la violence dans tous les aspects de sa vie soient protégés. Les agressions sexuelles, les violences domestiques, les mariages précoces, les grossesses non désirés, les fémicides, la traite et les autres formes multiples d’abus continuent de priver les filles des opportunités qui devraient être les leurs pour bâtir un avenir radieux.

Nous avons travaillé sans relâche en vue de la mise en place de lois et de politiques visant à mettre fin à l’impunité et à favoriser l’accès à la justice.

La campagne Tous UNiS pour mettre fin à la violence à l’égard des femmes du Secrétaire général a mobilisé l’appui dans la région. Nous soutenons l’élaboration d’un protocole pour les investigations sur les fémicides. Nous avons également appuyé diverses stratégies éducationnelles et de mobilisation en vue de prévenir la violence à l’égard des femmes et des filles, y compris par le biais de la création d’espaces sûrs dans les écoles.

Nous travaillons avec une large palette de partenaires, des jeunes jusqu’aux organisations religieuses, en passant par les dirigeants autochtones, les artistes et les sportifs…

Nous appuyons tous le programme « Des villes sûres » lancé dans 15 villes à travers le monde en vue de prévenir la violence dans les espaces publics urbains, et nous réalisons d’importants progrès dans la ville de Quito.

Nous avons lancé l’initiative ENGAGEONS-NOUS, demandant instamment aux Chefs d’État et de gouvernement de mettre fin à la violence à l’égard des filles. Aujourd’hui, 16 pays ont pris des engagements, y compris la Jamaïque et la République dominicaine. J’encourage davantage de vos gouvernements à prendre l’initiative et à s’engager à passer à l’action.

L’appui que vous apporterez afin de permettre à la Commission de la condition de la femme d’aboutir à des résultats progressistes fera partie de cet engagement.

Les conclusions adoptées représentent l’engagement collectif pris par les pays de tous les continents de combler les lacunes au niveau de la mise en application. Le premier projet, qui a été diffusé vendredi, met en exergue les ingrédients principaux de ce qui est nécessaire pour réaliser des progrès, à terme.

Nous avons besoin de cadres juridiques et politiques plus solides, de plans nationaux d’action bien financés et de mécanismes de responsabilité clairs. Et ces cadres doivent traiter de la prévention et de la réponse d’une manière holistique.

Cela signifie qu’il convient de traiter des causes structurelles de la violence, notamment des rapports de force inégaux entre les hommes et les femmes ainsi que de la discrimination systémique et structurelle. La promotion de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes est au centre d’une stratégie de prévention efficace.

Un écosystème complet des politiques doit être en place et des liens doivent être établis avec d’autres politiques relatives au genre dans des domaines tels que l’autonomisation économique, la participation politique, la santé publique et l’éducation.

Nous avons été témoins de progrès au niveau de l’égalité entre les sexes globale en Amérique latine et aux Caraïbes. Des politiques couronnées de succès ont permis de renforcer la protection sociale, d’augmenter la participation des femmes dans l’économie et la vie publique, et d’améliorer les résultats au niveau de l’éducation et de la santé.

Parmi les pays à revenus faibles et intermédiaires, ceux de la région de l’Amérique latine et les Caraïbes occupent la première place au niveau de la réalisation de la parité dans l’éducation secondaire et tertiaire, de l’égalité de l’accès au marché du travail et de la représentation au sein du parlement.

L’élimination de la violence à l’égard des femmes doit être inscrite dans des programmes plus globaux qui promeuvent les droits de la femme.

Ici à El Salvador, l’exemple d’un tel programme global peut être trouvé dans « Ciudad Mujer ». La priorité n’est pas seulement de répondre à la violence à l’égard des femmes, mais également d’offrir des services susceptibles d’autonomiser les femmes dans tous les domaines de la vie, dont : la garde des enfants, le soutien financier, l’accès aux services de santé, y compris la santé sexuelle et procréative, ainsi que la promotion et la défense des droits de la femme.

Ce type d’initiative est essentiel pour une prévention et une réponse efficaces. Chaque pays doit assurer l’accès universel aux secteurs multisectoriels, y compris les secteurs de la police et de la justice, les refuges, l’aide juridique, les soins de santé, l’aide et le soutien psychosociaux, les lignes d’assistance téléphonique 24 heures sur 24 et l’appui à long terme.

De tels efforts doivent être associés à des initiatives visant à changer les attitudes, les comportements et les croyances qui perpétuent les stéréotypes basés sur le genre. La violence à l’égard des femmes demeure un phénomène psychosocial, lié à des discriminations et crimes multiples et différents. La lutte contre ces discriminations est une partie essentielle des efforts de prévention.

Cela exige également qu’aucune coutume, tradition ou pratique ne puisse être invoquée pour justifier quelque forme de violence que ce soit à l’égard des femmes. Nous avons tous la responsabilité de façonner nos cultures d’une manière qui respecte les droits des femmes.

Les stratégies de prévention spécifiques doivent intégrer la mobilisation de la communauté, les campagnes de sensibilisation, l’examen du rôle des médias et la promotion des programmes éducatifs, y compris l’éducation sexuelle.

Les initiatives doivent faire participer les hommes et les garçons, pas uniquement en les faisant s’exprimer contre la violence et arrêter cette dernière, mais aussi en leur permettant de changer les normes et stéréotypes sociaux qui perpétuent les pratiques discriminatoires et certaines visions de la masculinité qui ne respectent pas l’intégrité des femmes.

Cela est particulièrement vrai de ceux qui sont chargés de répondre à la violence. La police et les juges, les travailleurs sanitaires et sociaux, les enseignants et mêmes les employeurs doivent être sensibilisés grâce une formation obligatoire en vue d’apporter une réponse efficace, d’une manière qui respecte et protège les rescapées.

Des dispositifs et des systèmes clairs doivent être en place en vue de poursuivre les auteurs devant la justice et de fournir des services aux rescapées.

Et la protection et la promotion des droits fondamentaux de la femme, y compris de leurs droits procréatifs, doivent être au cœur de la prévention et de la réponse.

Je suis consciente des différentes sensibilités qui existent sur ce thème. Toutefois, les faits montrent que la protection et la promotion des droits procréatifs sont intrinsèques à l’élimination de la violence à l’égard des femmes et des filles.

Ici en Amérique latine et aux Caraïbes, nous avons vu la manière dont la violence perpétrée par un partenaire intime est étroitement liée aux indicateurs de santé procréative. La prévalence de la violence physique et sexuelle perpétrée par un partenaire intime est significativement plus importante chez les femmes qui déclarent avoir eu un premier enfant jeunes, chez celles qui ont un nombre plus élevé d’enfants et chez celles qui ont des grossesses non attendues ou non désirées. De même, les grossesses non désirées sont plus fréquentes chez les femmes qui indiquent avoir été victimes de violences. La violence pendant la grossesse est un autre problème répandu.

Les droits procréatifs incluent le droit des individus à choisir librement et de manière responsable le nombre, l’espacement et le moment d’avoir leurs enfants, et celui de disposer des informations et des moyens de le faire. Ils incluent également le droit à atteindre le plus haut niveau de santé sexuelle et procréative et le droit à prendre des décisions sur une procréation exempte de discrimination, de contrainte et de violence. De tels droits ne doivent pas être soumis à controverse. Ils constituent seulement une exigence de base pour que toutes les femmes puissent vivre dans la dignité.

Mesdames et Messieurs,

L’élimination de la violence à l’égard des femmes et des filles n’est pas une option mais doit être priorité.

C’est un impératif pour les droits de l’homme, la paix et la sécurité, et le développement durable. Elle est essentielle à la croissance économique, à la santé publique et à la cohésion sociale. Voilà pourquoi l’élimination de la violence à l’égard des femmes doit être reflétée dans le cadre de développement pour l’après-2015.

Le Parlement latino-américain a récemment adopté une résolution appuyant l’obtention de résultats progressistes au cours de la Commission de la condition de la femme de cette année. Nous nous félicitons vivement de cet appui.

Maintenant, nous avons besoin de votre soutien, et je vous appelle à être courageux et orienté vers l’avenir dans vos délibérationsdans trois semaines, lors de la Commission de la condition de la femme.

Vous êtes des dirigeants politiques, praticiens et militants de la région. Vous êtes nos porte-drapeaux. Nous avons besoin que vous soyez mobilisés et que vous mobilisiez les autres en vue de faire perdurer et d’accélérer les progrès en faveur des femmes et des progrès pour tous.

Merci de votre attention.