Un mois après l’ouragan, les femmes d’Haïti s’attellent à la tâche de reconstruction

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  • Un mois après le passage dévastateur de l’ouragan Matthew en Haïti, 1,4 million de personnes ont besoin de l’aide humanitaire, et les risques de violence basée sur le genre et de rapports sexuels monnayés sont élevés.
  • ONU Femmes est en train d’y déployer un programme de rémunération en échange d’un travail pour les femmes ainsi que des espaces sûrs où elles peuvent notamment bénéficier d’un soutien psychologique et de formations professionnelles.

Cela fait déjà un mois que l’ouragan Matthew s’est abattu sur Haïti, coûtant la vie à plusieurs centaines de personnes dans les départements (districts) du Sud, de Grand'Anse et de Nippes, et plongeant plus de 1,4 million d’habitants dans un état de dénuement appelant à une assistance humanitaire. Mais dans les régions les plus durement frappées, les femmes et les filles se souviennent de cette catastrophe comme si c’était hier.

« Le toit de la maison s’est tout simplement envolé. L’intensité du vent et des pluies torrentielles était telle que je ne pouvais pas rester », déclare Bethie Bolivard, qui habitait à Jérémie, dans le département de Grand'Anse, et qui a perdu bien plus que sa maison. « Je suis allée dans la rue, et j’y ai trouvé ma cousine, qui se tenait là, debout. Puis il y a eu un déferlement de vagues qui l’ont emportée… elle a disparu », ajoute-t-elle.

Women washing clothes following Hurricane Matthew in Haiti. Photo: UN/MINUSTAH/Logan Abassi
Des femmes lavant du linge au lendemain de l’ouragan Matthew à Haïti. Photo : ONU/MINUSTAH/Logan Abassi

Pendant plusieurs jours, de nombreuses personnes des communautés erraient dans les rues ayant perdu leurs foyers, privées de nourriture et d’électricité, et sans moyen de communiquer avec leurs proches. La catastrophe a également affecté les familles plus aisées. « Avant l’ouragan, je vivais dans une maison en béton, mais les fenêtres et les portes ont été arrachées lorsque l’ouragan a frappé. J’étais chez moi avec mes enfants à ce moment-là, et j’avais peur, non seulement pour eux, mais aussi pour moi », se souvient Marie Carmelle Charlotin, une infirmière travaillant au service de santé de Grand'Anse. Aujourd’hui, ils sont hébergés dans des abris temporaires que des organisations locales ont mis en place.

Velyne Germain, une étudiante en sciences de l’information à l’Université de Jérémie, ajoute : « J’étais bien avancée dans mes études, mais maintenant j’ai perdu tous mes documents, mes papiers et mon travail, parce que ma maison a été détruite. Je suis obligée de manquer les cours parce que l’université a fermé ses portes ».

La situation est sombre, mais de nombreuses femmes se sont mises en devoir d’aider les autres sinistrés. Comme le déclare Floraine Louise, une bénévole pour le service haïtien de protection civile : « J’ai décidé de me porter volontaire afin de me rendre aussi utile que possible. J’ai offert mes services aux autorités locales et participé à la distribution de l’aide, notamment en fournissant des couvertures et des abris temporaires. J’ai également aidé à dégager les routes et à enlever les arbres et les débris en travaillant avec les sapeurs-pompiers ».

Situation qui se présente souvent dans les contextes de crise, ce sont les femmes et les filles qui ont été tout particulièrement affectées par l’ouragan Matthew. Car au lendemain de catastrophes, bien qu’elles assument souvent à elles seules la prise en charge de leurs familles et des survivants, elles ne sont guère consultées dans le cadre des interventions humanitaires, si bien que leurs besoins et priorités sont négligés.

Le chemin vers le relèvement en Haïti sera probablement long. « L’ouragan a tout changé. Il a même changé notre mentalité », affirme Velyne. « Aujourd’hui, il y a des gens qui ne peuvent même pas vous dire quel est le jour de la semaine ou le mois de l’année. Nous sommes dans une situation où nous n’avons rien à faire pendant la journée, et cela nous rend vulnérables ».

Women affected by  Hurricane Matthew in Haiti come together in safe and social women's spaces. Photo: UN Women/Maria Sanchez
À la suite de l’ouragan Matthew, des femmes haïtiennes participent à un cours de formation destiné à renforcer les capacités des organisations locales de femmes et à informer les femmes affectées de leurs droits. Photo : ONU Femmes/Maria Sanchez

Aux côtés d’une quarantaine d’autres femmes et de filles, Bethie Bolivard, Marie Carmelle Charlotin et Velyne Germain ont participé récemment à une session de formation organisée par ONU Femmes au lendemain de l’ouragan Matthew, afin de renforcer les capacités des organisations locales de femmes et d’informer les femmes affectées de leurs droits. Organisée aux Cayes et à Jérémie la semaine dernière, cette formation a également permis de mieux apprécier les besoins spécifiques des femmes et contribuera à adapter l’aide et les interventions d’ONU Femmes face à la catastrophe en Haïti.

« Cette formation nous a été très utile, car il arrive souvent que les femmes ne soient pas conscientes de leurs droits et qu’elles se leurrent en acceptant certaines situations par désespoir », explique Marie Carmelle. « Dorénavant, elles seront armées pour prendre les décisions appropriées et parviendront à mieux comprendre ce qu’elles ne devraient pas accepter ».

L’une des préoccupations des femmes est le risque de rapports sexuels monnayés, un phénomène très répandu à l’intérieur des camps établis à Port-au-Prince suite au tremblement de terre de 2010. « Après l’ouragan, dans un documentaire que j’écoutais à la radio, j’ai entendu une femme déclarer que, si elle trouvait un homme prêt à lui donner un peu d’argent, elle ferait tout ce qu’il lui demande », raconte Marie Mildenne Appolon, pour qui la solution doit être totalement différente. « Je ne suis pas d’accord avec cette femme, vous ne pouvez jamais savoir si cet homme sera bon. Je lui conseillerais plutôt d’aller demander de l’aide, à l’hôtel de ville par exemple, ou auprès des organisations ».

Parmi les mesures prévues, prises en collaboration étroite avec les partenaires, ONU Femmes lancera un programme de rémunération en échange d’un travail qui aidera à orienter les femmes les plus vulnérables sur la voie du relèvement économique. « Dans de nombreux cas, si les femmes affectées avaient un emploi, elles n’auraient pas à se vendre. Mais il ne s’agit pas seulement de leur trouver un emploi, il faut également déployer de nombreux efforts pour sensibiliser les femmes sur leurs droits », ajoute Marie Midrenne.

Women come together in a "Women's Space" in Grand'Anse. Photo: UN Women/Maria Sanchez
Participantes à un cours de formation tenu par ONU Femmes sur les droits des femmes affectées par l’ouragan Matthew. Photo : ONU Femmes/Maria Sanchez

À cette fin, les interventions d’ONU Femmes en Haïti comprendront également l’établissement « d’espaces pour les femmes » constituant des lieux sociaux sûrs dans des zones affectées, à commencer par le département de Grand'Anse. « Ces espaces sont destinés à regrouper un ensemble de services ciblés, y compris l’accès à un soutien psychosocial pour les victimes de violences basées sur le genre et à des informations en matière de droits des femmes, des activités récréatives, ainsi qu’à des formations professionnelles portant notamment sur la gestion des petites entreprises », explique Jean-Noël Melotte, l’un des formateurs d’ONU Femmes et un spécialiste des programmes de rémunération en échange d’un travail.

Les espaces sûrs et sociaux accueilleront 15 000 femmes, et les programmes de rémunération en échange d’un travail s’adresseront initialement à 2 000 femmes, avant d’être progressivement étendus en fonction des fonds disponibles.

Pour soutenir l’effort humanitaire mené par ONU Femmes en Haïti, veuillez faire un don ici.

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