En Jordanie, des camps de football sèment les graines de l’amitié et de la cohésion

Pour les réfugiées et réfugiés syriens en Jordanie, l’intégration dans la société jordanienne présente de multiples difficultés. La méfiance et les rumeurs affectent la façon dont chaque groupe perçoit l’autre. Un projet d’ONU Femmes a organisé des camps de football destinés aux adolescentes, où des Jordaniennes et des Syriennes nouent des amitiés et bâtissent la cohésion sociale.

Date:

Syrian refugee and Jordanian girls participate in a mixed-nationality football camp in Jordan. Photo: UN Women/Christopher Herwig
Photo: ONU Femmes/Christopher Herwig

Rawan et Samah ont beaucoup de points communs. Elles ont à peu près le même âge ; elles vivent dans la même ville — Mafraq, dans le nord de la Jordanie —, à quelques kilomètres de la frontière syrienne. Elles ont des filles qu’elles adorent et auxquelles elles se consacrent, et qui fréquentent la même école. Les responsabilités, les joies et les luttes qui ponctuent leur vie quotidienne sont similaires. Mais il y a une différence cruciale qui sépare leurs deux mondes.

Rawan est jordanienne ; elle a vécu à Mafraq toute sa vie. Samah est syrienne ; elle est venue se réfugier dans la ville avec sa famille après avoir fui les ravages de la guerre en Syrie.

La fille de Rawan, Lana, une Jordanienne, va à l’école le matin avec d’autres enfants jordaniens tandis que la fille de Samah, Hanan, suit des cours dans la même école l’après-midi, avec ses camarades syriens. Pendant très longtemps, leurs chemins ne se sont pas croisés. En effet, la plupart des écoles jordaniennes ont réintroduit la scolarisation à double vacation pour répondre à la hausse de la demande d’éducation. Bien que ce système garantisse l’accès d’un plus grand nombre d’élèves à l’école, il sépare quelquefois les enfants syriens des enfants jordaniens.

Syrian refugees and Jordanians play football together in Jordan. Photo: UN Women/Christopher Herwig

Photo: ONU Femmes/Christopher Herwig

En mars 2016, Lana et Hanan se sont rencontrées lors d’un camp de football de trois jours, organisé dans le cadre du projet d’ONU Femmes Autonomisation des filles et construction de la cohésion sociale par le sport et l’éducation physique. Elles ont joué au football dans des équipes regroupant des nationalités différentes, ont appris la communication non violente et noué des amitiés. À la fin de ces trois jours, lorsque les organisatrices et organisateurs ont demandé aux élèves de concevoir leurs propres activités et de former leurs groupes, Lana et Hanan ont choisi d’aller dans le même groupe. Née dans le camp de football, leur amitié continue de croître aujourd’hui.

Plus d’un million de réfugiés syriens — dont plus de 630 000 sont inscrits comme personnes relevant de la compétence du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) — vivent en Jordanie aujourd’hui et leur intégration dans la société jordanienne présente de nombreuses difficultés. La méfiance et les rumeurs affectent la façon dont chaque groupe perçoit l’autre et viennent s’ajouter aux défis structurels de la vulnérabilité et du statut juridique. La cohésion sociale est la nécessité du moment.

Syrian refugees and Jordanian girls build positive relationships during a mixed-nationality football camp in Jordan. Photo: UN Women/Christopher Herwig
Photo: ONU Femmes/Christopher Herwig

Avec l’aide du ministère de l’Éducation, du Projet de développement du football en Asie et de l’Association jordanienne de football, ONU Femmes a formé 25 monitrices et moniteurs d’éducation physique, et entraîneuses et entraîneurs de football à la communication non violente et aux compétences de négociation pour qu’elles et ils puissent s’en inspirer afin de construire des relations positives entre les élèves. Trois camps de football organisés de février à mars 2016 ont rassemblé 400 filles venant des gouvernorats de Mafraq, Ramtha et Irbid pour renforcer la confiance mutuelle, surmonter les stéréotypes et apprécier les différences.

« Cette compréhension de l’autre est le premier pas vers une société plus équitable et davantage de cohésion sociale, affirme Giuseppe Belsito, le représentant d’ONU Femmes en Jordanie. ONU Femmes soutient les initiatives qui visent à promouvoir le dialogue, la compréhension et l’égalité entre différentes communautés — les réfugiés et les Jordaniens, les femmes et les hommes — au moyen du sport, du théâtre et d’autres plates-formes créatives, en plus des interventions qui répondent à leurs besoins d’urgence en matière d’emploi et de services. »

Syrian refugee and Jordanian girls practice football and become friends in Jordan. Photo: UN Women/Christopher Herwig
Photo: ONU Femmes/Christopher Herwig

Lorsque Rawan et Samah ont accompagné leurs filles à leurs réunions, elles ont commencé à discuter et ont découvert qu’elles avaient plus de points communs que de différences. Petit à petit, elles ont abandonné leurs craintes et sont devenues amies. « Notre ville se situe à la frontière syrienne et est plus proche de Dara'a que d’Amman... nous sommes un peuple et nous vivons comme voisines et voisins depuis des centaines d’années, alors nous ne pouvons pas laisser les différences et la haine nous diviser », déclare Rawan.

« Je n’avais jamais pensé que je jouerais ou que je parlerais avec des filles syriennes, dit Maha, qui participe au même projet et qui a eu de violentes disputes avec des Syriennes le premier jour du camp de football. Le camp m’a donné l’occasion d’apprendre à mieux les connaître et de comprendre que nous avons beaucoup de choses en commun. »