Les femmes dans les zones rurales explorent de nouvelles solutions pour lutter contre les coutumes et la pauvreté à l'origine de la situation de crise autour des MGF

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A whole village in Sierra Leone comes together to speak out against Female Genital Mutilation. Photo: UN Women/Cecil Nelson
Tout un village en Sierra Leone se réunit pour dénoncer les mutilations génitales féminines. Photo: ONU Femmes / Cecil Nelson

À l'échelle mondiale, au moins 200 millions de filles et de femmes vivant aujourd'hui ont subi une forme quelconque d'excision ou de mutilation génitale féminine (MGF). La Sierra Leone affiche l'un des taux de mutilation génitale féminine les plus élevés au monde, affectant neuf femmes et jeunes filles sur dix, dont beaucoup ont à peine cinq ans. Lors de la crise Ebola de 2014, un moratoire a été déclaré sur les MGF dans le cadre des mesures sanitaires imposées d'urgence. Mais maintenant, trois ans plus tard, la pratique est revenue, même si l'interdiction de cette pratique est toujours en vigueur. Si elle se fonde sur l'inégalité entre les sexes, les mythes et les croyances culturelles, pour de nombreuses femmes des zones rurales les MGF sont aussi une question de subsistance.

« Nous ne le faisons pas parce que nous aimons cela, mais sous le couvert des coutumes, de l'ignorance et de la pauvreté », explique Mabinty Kamara, du district de Port Loko, au nord de la Sierra Leone, qui a pratiqué des MGF pendant 30 ans comme cérémonie rituelle de passage pour les filles en transition vers l'âge adulte. « Mais cette pratique est très mauvaise. Elle est cause de souffrances chez nos enfants, c'est une procédure douloureuse », admet-elle. Dans cette région de la Sierra Leone, Mabinty Kamara et d'autres cheffes traditionnelles qui pratiquent ces rituels sont appelées des « Soweis ».

La pratique de Bondo Bush (le nom donné aux MGF en langue locale) est une source importante de revenus pour les Soweis. Ces exciseuses reçoivent des cadeaux des parents des enfants pour l'exécution de ce rituel. Elles bénéficient également d'un statut élevé dans la communauté en tant que gardiennes de leur culture, et craignent de perdre le respect dont elles bénéficient si elles arrêtent d'exercer ce rituel : « Nous le faisons parce que nous pensons que nous n'avons pas le choix », explique Mabinty Kamara.

Alors que la Sierra Leone se prépare aux élections de 2018, la question des mutilations génitales féminines est culturellement et politiquement sensible. Pour mettre fin à cette pratique, en collaboration avec ses partenaires locaux et nationaux, ONU Femmes s'emploie à changer l'opinion publique et à amener les chefs traditionnels et religieux, ainsi que les parlementaires, à comprendre les impacts négatifs des mutilations génitales féminines.

Par exemple, ONU Femmes a invité 35 journalistes et activistes anti-MGF sierra-léonais à participer à une formation de quatre jours, visant à améliorer la couverture des reportages sur la question dans les médias nationaux et locaux. Récemment, en octobre 2017, au cours des célébrations de la Journée internationale des femmes rurales, neuf villages et leurs chefs de la chefferie Yoni du district de Tonkolili, au nord de la Sierra Leone, se sont réunis pour discuter des expériences des femmes en matière de MGF. Ils ont dénoncé collectivement cette pratique, ce qui constitue une victoire significative dans une région où les MGF sont endémiques, et où même la police ne peut intervenir efficacement si les leaders traditionnels la soutiennent.

Ne laissez personne sur le bord du chemin... RÉSISTEZ

Fatmata B. Koroma. Photo: UN Women/Cecil Nelson
Fatmata B. Koroma. Photo: ONU Femmes/Cecil Nelson

Fatmata B. Koroma est une leader Sowe'i et cheffe de communauté dans le district de Tonkolili, en Sierra Leone, qui pratiquait les MGF sur les filles dans le cadre d'une cérémonie d'un rite de passage. Mais aujourd'hui, après avoir découvert les conséquences néfastes de cette pratique notamment les problèmes de santé , et assisté à des ateliers organisés par ONU Femmes, elle a changé d'avis sur les MGF.

“« Depuis que j'ai assisté à l'atelier d'ONU Femmes, j'ai arrêté de pratiquer des MGF et j'ai encouragé d'autres membres de ma chefferie à faire de même.

Mettre fin aux mutilations génitales féminines est possible, mais nous devons d'abord créer un moyen de survie optionnel pour celles qui considèrent déjà l'initiation comme un emploi. Si nous pouvons créer des programmes agricoles pour permettre aux femmes de commencer à gagner leur vie par différents moyens, nous pourrons éliminer les MGF de nos traditions..”

Nous avons besoin de tracteurs, de semences et d'engrais pour commencer à cultiver. C'est grâce à cette activité de Sowei [les mutilations génitales féminines] que nous avons pu financer l'éducation de nos enfants. Par conséquent, pour mettre fin aux MGF, les femmes doivent acquérir une autonomie économique. »”


«Mettre fin aux mutilations génitales féminines est possible, mais nous devons d'abord créer un moyen de survie optionnel pour celles qui considèrent déjà l'initiation comme un emploi », explique Fatmata Koroma, leader Sowei et cheffe de communauté dans le district de Tonkolili, qui s'est exprimée à l'occasion de l'événement. Elle a cessé de pratiquer les cérémonies de MGF et encourage les autres Sowei à suivre son exemple.

Des hommes comme le révérend Osman Jessie Fornah, surintendant national de l'église wesleyenne de Sierra Leone, ambassadeur du programme HeForShe d'ONU Femmes, sont également en première ligne de la lutte contre les MGF. Le révérend Osman est pasteur depuis 31 ans et a vu l'impact négatif des MGF sur les croyants de son église. « Cette pratique devrait être abolie en Sierra Leone », dit-il. « Plusieurs fois, j'ai vu des filles mourir d'une hémorragie à cause des MGF. »

Depuis 2009, le révérend Osman plaide contre cette pratique, et les résultats sont évidents. Il a réussi dans 50 congrégations de l'église à travers le pays à aborder le problème et à élaborer du matériel pédagogique qui clarifie la position religieuse de l'église contre les mutilations génitales féminines.

« Nous devons encourager les femmes à lutter, à être fortes et à adopter des changements qui créeront de meilleures opportunités pour elles et leurs enfants », déclare Mary Okumu, représentante d'ONU Femmes dans le pays. « En rejetant la pratique traditionnelle néfaste des mutilations génitales féminines et du mariage des enfants, et en encourageant leurs filles à aller à l'école, les femmes des zones rurales de la Sierra Leone peuvent créer un meilleur avenir pour le pays. »

En plus de son action auprès des chefs traditionnels et des parlementaires, dans le cadre de la campagne HeForShe, ONU Femmes a soutenu les femmes dans les zones rurales en offrant des programmes de transferts monétaires et des formations agricoles et avicoles que finance le Fonds d'affectation spéciale multipartenaires.

« Pour mettre fin aux MGF, les femmes doivent acquérir une autonomie économique », affirme Fatmata Koroma, qui maintenant mise sur l'agriculture comme moyen de subsistance alternatif.