Vivre avec le VIH et la violence en Ukraine : des femmes s’expriment et instaurent la solidarité

En Ukraine, 35 % des femmes vivant avec le VIH connaissent la violence depuis l’âge de 15 ans. De nombreuses femmes ne peuvent dire avec certitude si elles ont vécu la violence, car celle-ci a été normalisée du fait qu’elles ont été les victimes et les témoins d’actes de violence sexuelle d’une génération à l’autre. Mais dans le cas des femmes vivant avec le VIH, le manque de sensibilisation, de refuges et de services de soutien présente des problèmes supplémentaires. Fort heureusement, la création de groupes de soutien entre pairs et le Forum national des femmes sur le VIH, soutenu par ONU Femmes, ont permis à des femmes séropositives qui ont survécu à la violence de prendre conscience des possibilités qui s’offrent à elles et d’envisager un nouveau départ.

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Hanna Lilina a appris son statut sérologique VIH au cours d’une visite d’examen prénatal. En Ukraine, près de la moitié des femmes en âge de procréer qui vivent avec le VIH apprennent leur état pendant ou à cause de leur grossesse. Photo: UN Women/Volodymyr Shuvayev
Hanna Lilina a appris son statut sérologique VIH au cours d’une visite d’examen prénatal. En Ukraine, près de la moitié des femmes en âge de procréer qui vivent avec le VIH apprennent leur état pendant ou à cause de leur grossesse. Photo: UN Women/Volodymyr Shuvayev

Hanna Lilina a appris son statut sérologique VIH au cours d’une visite d’examen prénatal. À 30 ans, Mme Lilina était à nouveau enceinte, alors qu’elle venait de quitter son partenaire abusif et de fuir le conflit en Ukraine orientale, avec sa fillette d’un an.

“Je ne savais pas reconnaître la violence. L’ayant vécue depuis mon enfance, il ne me venait même pas à l’idée de m’y opposer.”

En Ukraine, 35 % des femmes vivant avec le VIH connaissent la violence depuis l’âge de 15 ans (contre 19 pour cent pour les femmes qui ne sont pas séropositives), selon une étude menée en 2016 par l’organisation locale « Positive Women » (Femmes positives), avec l’appui d’ONU Femmes. Tout comme Mme Lilina, près d’un quart des mille femmes interrogées à ce sujet ne pouvaient pas affirmer avec certitude si elles avaient connu la violence dans leur vie, bien que les expériences qu’elles ont relatées aient indéniablement été violentes.

À Kiev, la capitale de l’Ukraine, où elle a repris sa vie, Mme Lilina s’est intégrée à « Kyyanka+ », un groupe de soutien entre pairs pour les femmes vivant avec le VIH. Au sein de ce groupe, qui propose des formations éducatives et de sensibilisation, les femmes apprennent comment fonctionnent les antirétroviraux, à faire face au diagnostic et à vivre avec leur statut sérologique VIH, et découvrent les meilleurs moyens d’en informer leur entourage.

« Nous suivons la situation afin que notre assistance n’ait pas pour seul effet d’améliorer la santé des femmes dont nous nous occupons, mais également pour qu’elle améliore leur qualité de vie », déclare Anna Aryabinska, mentore du groupe de soutien entre pairs, qui vit également avec le VIH. Avant d’adhérer au groupe, son attitude était empreinte de scepticisme, ce qui est fréquent parmi les femmes vivant avec le VIH en raison de la stigmatisation et de l’isolation dont elles sont souvent victimes et qu’elles intériorisent.

Anna Aryabinska. Photo: ONU Femmes/Volodymyr Shuvayev
Anna Aryabinska. Photo: ONU Femmes/Volodymyr Shuvayev

Le groupe de soutien est parvenu à aider des membres à se sortir de situations abusives, mais le processus est souvent long. Il arrive qu’une membre du groupe ayant préféré garder le secret sur son statut sérologique VIH craigne de quitter un compagnon abusif de peur que celui-ci ne divulgue son état, cette divulgation représentant fréquemment un moyen de chantage pour que la femme ne le quitte pas. « Il est plus difficile de travailler avec des femmes qui continuent de vivre des situations de violence. C’est un cercle vicieux dans lequel l’énergie positive que nous apportons à une femme sera perdue si celle-ci continue de vivre avec un homme abusif, car dès qu’elle rentre chez elle, elle subira des abus psychologiques et physiques », explique Mme Aryabinska.

“Les survivantes ont le pouvoir de briser le cycle de la violence et d’aider les autres », déclare-t-elle.”

Un autre problème que les survivantes de la violence doivent affronter est celui du manque de refuges et de services appropriés. « Le manque de refuges protégés et accessibles nous préoccupe beaucoup parce que nombre d’entre eux n’acceptent pas les femmes séropositives », déclare Maryna Rudenko, directrice du programme « CEDAW in Action! » (La CEDAW dans l’action !) mené par ONU Femmes et financé par le Canada dans le but de mettre en œuvre la CEDAW, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, que l’Ukraine a ratifiée. « Les survivantes qui utilisent les rares services disponibles sont peu nombreuses, et c’est pourquoi ONU Femmes soutient les programmes de sensibilisation à la violence fondée sur le genre, en encourageant les survivantes à faire connaître leur situation et à solliciter de l’aide et en instaurant la confiance avec la police et les prestataires de services à l’échelle locale », ajoute Mme Rudenko.

Ne laisser aucune personne pour compte...

Zhanna Matveyko. Foto: ONU Mujeres/Volodymyr Shuvayev
Zhanna Matveyko. Photo: ONU Femmes/Volodymyr Shuvayev

« J’apprends à mes clientes à se valoriser et à apprécier leur santé affective. Je leur enseigne que la franchise, une communication ouverte et l’acceptation peuvent faire contrepoids à la violence qu’elles ont connue au cours de leur vie », déclare Zhanna Matveyko.

Zhanna Matveyko, l’une des assistantes sociales travaillant auprès d’un autre groupe d’appui, « Equal to Equal » (D’égal à égal), à Lviv dans l’ouest de l’Ukraine, a elle-même été confrontée au manque de refuges sûrs. Quand elle était enfant, Mme Matyevko a été témoin des brutalités que son père faisait subir à sa mère, laquelle à son tour infligeait des maltraitances physiques à sa fille. À quinze ans, Mme Matyevko a quitté le domicile familial et a sombré dans la consommation de drogues et la prostitution, ce qui lui a valu des séjours en prison. Aujourd’hui, elle travaille comme assistante sociale auprès de jeunes – hommes et femmes – vivant avec le VIH et de personnes cherchant à se sortir de la toxicomanie.En tant que femme vivant avec le VIH, Mme Matveyko n’hésite pas à parler publiquement de son état pour encourager d’autres personnes dans la même situation à solliciter de l’aide et à se libérer de la stigmatisation qui s’y rattache.

Ces trois femmes font partie du Forum national des femmes sur le VIH, qui réunit des femmes de l’ensemble de l’Ukraine et d’autres pays d’Europe et d’Asie centrale, avec le soutien d’ONU Femmes et d’autres partenaires, afin d’appuyer la participation des femmes aux travaux de conseils locaux sur le sida, de promouvoir les mesures de prévention parmi les femmes et les filles, et d’offrir des conseils et des tests en matière de séropositivité dans le cadre d’interventions contre la violence basée sur le genre.