Les femmes rurales en Algérie prennent leur vie en main et promeuvent l’autonomisation des autres

Dans les communautés reculées des zones rurales en Algérie, on observe un niveau de pauvreté élevé parmi les femmes, et il l’est encore plus chez les groupes vulnérables, par exemple les veuves. Un projet financé par le Fonds pour l’égalité des sexes d’ONU Femmes a permis d’identifier les difficultés uniques auxquelles les femmes sont confrontées dans ces régions et leur a donné les moyens de gagner un revenu, de prendre leur vie en main et d’inspirer d’autres femmes dans leurs communautés.

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Houria Belouahri (third from the right) after a meeting with women from a cooperative created in the Bordj Bou Arreridj Province, Algeria. Photo courtesy of El Ghaith Association
Houria Belouahri (troisième à partir de la droite) après une réunion avec les femmes d’une coopérative établie dans la province de Bordj Bou Arreridj en Algérie. Photo reproduite avec l’aimable autorisation de l’association El Ghaith

Lorsque le mari de Fatiha Routane est décédé, son enfant aîné avait six ans. Cette veuve de 39 ans, qui vit dans la province de Bordj Bou Arreridj, une zone rurale reculée du nord-est de l’Algérie, a dû défier tous les stéréotypes pour gagner un revenu et élever ses quatre enfants seule.

Dans cette région du monde, les veuves qui travaillent hors de chez elles sont mal vues. Même lorsqu’elle était à la recherche d’un emploi, Mme Routane n’a pas eu d’autre choix que de se tourner vers les secteurs de l’agriculture de subsistance et de la poterie, qui lui permettaient de gagner à peine de quoi couvrir les besoins essentiels de sa famille.

Son histoire est loin d’être unique, comme le révèle la première étude socio-économique sur les femmes de 24 municipalités de la province de Bordj Bou Arreridj menée en 2015. L’étude, qui a été réalisée par l’organisation El Ghaith avec le soutien du Fonds pour l’égalité des sexes d’ONU Femmes, a indiqué des niveaux élevés de pauvreté parmi les femmes, en particulier les veuves, les divorcées et celles qui dirigent un ménage, et un accès insuffisant aux possibilités en matière d’éducation, de santé et d’emploi.

« Ces femmes font partie des groupes les plus marginalisés dans le pays, et il est souvent difficile de les atteindre par le biais des programmes gouvernementaux. Lorsque nous parlons du principe de « ne laisser personne pour compte », ce sont ces types de communautés que nous devons cibler », indique Rana El-Houjeiri, gestionnaire du portefeuille du Fonds pour l’égalité des sexes d’ONU Femmes pour les États arabes.

Depuis que l’étude a été publiée et diffusée, un plus grand nombre d’autorités sont informées des difficultés auxquelles les femmes dans ces communautés sont confrontées et collaborent avec El Ghaith et d’autres organisations locales pour apporter une assistance par le biais de « centres de proximité » – des unités de sensibilisation mobiles mises en place par le gouvernement.

« La première fois que j’ai entendu parler de l’initiative d’El Ghaith, c’était par l’intermédiaire du centre de proximité du ministère de la Solidarité nationale à El M’Hir, et j’ai immédiatement décidé d’y participer [au projet]. Cette initiative nous a permis de comprendre les droits dont nous disposons », se souvient Mme Routane.

Elle faisait partie des plus de 450 femmes des cinq communautés les plus pauvres qui ont participé au projet et appris à connaître leurs droits socio-économiques, les services publics existants et la manière d’y accéder, et qui ont également acquis de nouvelles compétences génératrices de revenus telles que l’apiculture et l’élevage de moutons, de chèvres et de lapins.

De plus, El Ghaith mène le projet en suivant un principe unique : « celles qui bénéficient d’un soutien apportent une contribution à leur tour ». Le projet distribue trois unités de bétail ou de ruches à chacune des bénéficiaires, qui sont ensuite tenues de redistribuer deux unités à d’autres femmes au bout d’un an. Depuis 2015, non seulement le projet a augmenté les revenus des femmes, mais il leur a également donné les outils qui leur permettent de devenir des membres actives dans leurs communautés.

« J’ai reçu deux chèvres et, maintenant, j’en ai huit », déclare Mme Routane. « Auparavant, je passais beaucoup de temps avec les voisins ou à regarder la télévision. Aujourd’hui, je suis une membre productive de la société et j’aide d’autres femmes ».

Fatiha Routane takes pride in looking after the eight goats she raised, thanks to the support of El Ghaith. Photo courtesy of El Ghaith Association
Fatiha Routane est fière de s’occuper des huit chèvres qu’elle a élevées grâce au soutien d’El Ghaith. Photo reproduite avec l’aimable autorisation de l’association El Ghaith

El Ghaith a également formé des agricultrices au développement et à la commercialisation de produits à valeur élevée et a installé trois unités de production où les femmes peuvent transformer du fromage, du miel et de la laine. Au cours des deux prochaines années, El Ghaith prévoit de transférer la gestion des unités de production à des coopératives dirigées par des femmes, avec un accès direct aux marchés.

Houria Belouahri est la responsable du projet chez El Ghaith. Pour cette biologiste et agronome qualifiée, l’initiative est un projet rêvé. Mais au départ, le projet a rencontré certaines difficultés. Dans cette région très conservatrice et reculée, les femmes ne sont pas censées sortir de chez elles pour participer à des réunions et à des sessions de formation. Par conséquent, l’organisation a mené des discussions communautaires avec les hommes membres des familles. Une fois que les hommes ont compris que le projet permettrait d’augmenter les revenus de leurs foyers, ils étaient plus disposés à accepter l’idée que les femmes sortent de chez elles. Lorsque l’initiative a commencé à enregistrer des résultats positifs, la nouvelle de son succès s’est rapidement propagée, positionnant les femmes en tant qu’actrices actives dans leurs communautés.

Mme Belouahri constate à quel point le projet a permis aux femmes de s’autonomiser, et ce, bien au-delà des revenus supplémentaires. « Avant, elles étaient timides et manquaient d’assurance, elles ne sortaient pas de chez elles. Elles craignaient leurs parents et leur famille. À présent, je vois des femmes indépendantes qui sont fières de pouvoir concrétiser un projet qui leur est propre, de façon autonome », explique-t-elle.

Le projet bénéficie aujourd’hui de l’engagement du ministère de la Solidarité nationale en tant que partenaire, qui envisage de répliquer l’initiative dans d’autres régions du pays. En 2017, le Fonds pour l’égalité des sexes a également organisé un échange international entre des entrepreneures algériennes et libanaises en vue d’améliorer les activités de marketing, les techniques d’hygiène alimentaire et les normes des produits. 

Avec l’argent qu’elle a gagné, Fatiha Routane prévoit à présent de terminer la construction de sa maison et de faire bien plus : « Mon conseil aux autres femmes comme moi serait de prendre soin de nos actifs. Nous devons travailler dur pour devenir indépendantes, et participer au développement de nos familles, de notre région et, pourquoi pas, de notre pays ! »