Les coopératives de femmes stimulent l’agriculture et l’épargne en Éthiopie rurale

Un programme conjoint des Nations Unies offre, à travers des coopératives de femmes, des formations aux techniques agricoles, à l’amélioration des semences et à l’utilisation de machines permettant un gain de temps, tout en accordant des prêts et en encourageant l’épargne.

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Kamso Bame takes care of her sheep by her grass-roofed house. Among her long-term plans are to build a new roof with corrugated iron sheets. (Photo: UN Women/Fikerte Abebe)
Kamso Bame s’occupe de ses moutons près de sa maison au toit de chaume. Elle envisage d’ici quelque temps de l’équiper d’un nouveau toit de tôle ondulée. Photo : ONU Femmes/Fikerte Abebe
Données rapides sur les femmes dans l’agriculture
  • Les femmes représentent en moyenne 43 pour cent de la main-d’œuvre agricole dans les pays en développement, ce pourcentage variant considérablement d’une région à l’autre, allant par exemple de 20 pour cent ou moins en Amérique latine, à 50 pour cent ou plus dans certaines parties de l’Asie et de l’Afrique.
  • Moins de 20 % des propriétaires fonciers sont des femmes.
  • Les différences entre les sexes dans l’accès à la terre et au crédit affectent la capacité relative des agriculteurs et des entrepreneurs, hommes ou femmes, d’investir, d’opérer à grande échelle et de bénéficier de nouvelles opportunités économiques.
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Dans la plus grande partie du district de Dodola, à 300 km au sud d’Addis-Abeba, la capitale éthiopienne, seul le travail lent de la charrue à bœufs permet d’étendre les terres arables. Mais dans un autre champ, un tracteur rouge s’affaire rapidement au labour de terres agricoles appartenant à une coopérative de femmes, avant la saison des pluies.

Pour Kamso Bame, veuve, mère de 12 enfants et propriétaire d’un terrain d’environ un hectare, le tracteur lui a épargné des journées de travail épuisant.

Kamso Bame est l’une des plus de 2 000 petites agricultrices bénéficiant d’un programme conjoint des Nations Unies visant à stimuler la production agricole durable et l’autonomisation économique des femmes rurales, par le biais d’actions de formation et de la création de coopératives.

Après être devenue membre de la coopérative de femmes de Wabi Burkitu, son village, elle a reçu un prêt de 7 000 birrs (l’équivalent de 259 dollars) qu’elle a utilisé pour démarrer une petite affaire de service de transport. Elle emploie son revenu quotidien moyen de 400 birrs (environ 15 dollars) pour subvenir aux besoins de ses enfants, dont quatre sont maintenant indépendants. Son adhésion à la coopérative lui permet également d’utiliser le tracteur de la coopérative pour cultiver sa terre.

« Avant le décès de mon mari, lorsque la saison des pluies arrivait, je me rappelle qu’il passait trois ou quatre jours à labourer la terre de la famille avec une paire de bœufs que nous avions ; chaque jour, lui et les bœufs rentraient épuisés à la maison », se souvient-elle. « Aujourd’hui c’est différent, car j’ai la chance de pouvoir cultiver la même terre avec un tracteur et cela ne prend que trois heures ».

Kamso Bame is a member of the women's cooperative in her village. Photo: UN Women/Fikerte Abebe
Kamso Bame est membre de la coopérative de femmes de son village. Photo : ONU Femmes/Fikerte Abebe

Le tracteur sert à cultiver en groupe les terres appartenant à la coopérative ainsi que les lopins de terre de chaque membre. La coopérative le loue également à d’autres agricultrices et agriculteurs dans 26 villages du district dont la population totale dépasse les 240 000 habitants. Le prix appliqué allant jusqu’à 1 500 birrs (56 dollars) par hectare, la coopérative gagne actuellement, en moyenne, plus de 6 000 birrs (222 dollars) par jour.

Pour Tulule Knife, âgée de 38 ans, membre d’une coopérative située dans le district d’Adamitulu, région d’Oromia, les séances de formation qu’elle a reçues lui ont permis d’améliorer ses rendements et ainsi de mieux pourvoir aux besoins des neuf membres de sa famille.

« Mon village est connu pour cultiver le maïs de manière traditionnelle, c’est-à-dire en jetant les semences à la volée et en les laissant s’éparpiller sur la terre prête à les recevoir », explique-t-elle. L’année précédente, après avoir appris de nouvelles techniques agricoles durables, Tulule Knife a planté du blé, chose assez rare car les méthodes traditionnelles de semis ne permettent pas de produire suffisamment de grains.

« Au cours de la dernière saison, j’ai planté 50 kg de semences de blé améliorées en employant une meilleure méthode de semis que j’ai apprise grâce à la formation, connue sous le nom de semis en ligne. J’ai récolté 15 quintaux de blé et je les ai vendus à la communauté pour 15 000 birrs (555 dollars). Avec les méthodes traditionnelles, pour le même montant de semences et d’autres intrants, parfois on n’atteint même pas le quart de ce rendement. »

Tulule Knife uses the modern grain storage facility known as metallic silo that her village administration awarded her for successfully applying the line sowing approach to her wheat farm. It also keeps her grain safer. Photo: UN Women/Fikerte Abebe
Tulule Knife utilise un moyen moderne de stockage des grains, un silo de métal, que l’administration de son village lui a attribué pour avoir appliqué avec succès la méthode du semis en ligne pour cultiver son blé. Ce moyen permet aussi de mieux préserver les grains. Photo : ONU Femmes/Fikerte Abebe

Elle affirme que certains membres de sa communauté ont trouvé cela tellement incroyable qu’ils l’ont accusée de sorcellerie. Mais l’administration du village lui a accordé une reconnaissance publique en lui octroyant une installation moderne d’entreposage du grain. Tulule Knife forme maintenant des agriculteurs et des agricultrices à ces nouvelles techniques agricoles et a mis en place un groupe d’entraide de 20 personnes.

Selon Alima Bakuye, présidente de la coopérative Abune Gawano dans le district d’Adamitulu, le programme a eu un impact important. « Le soutien constitue un tournant pour l’autonomisation effective des femmes et l’établissement d’une norme selon laquelle les femmes ont le droit de bénéficier et de posséder des biens égaux à ceux des hommes. Par exemple, les enfants et les jeunes de la communauté avaient l’habitude de nommer les biens appartenant à la famille, notamment le bétail, en disant « les moutons de mon père », ou « les chèvres de mon père ». Aujourd’hui, ils disent « les moutons ou les chèvres de ma mère ». Cela conduit à un changement sur le long terme, en raison des répercussions pour les futures générations ».

Selon Letty Chiwara, représentante d’ONU Femmes en Éthiopie, les coopératives agricoles – en particulier celles créées par des femmes dans les zones rurales – jouent un rôle clé dans l’amélioration de la productivité grâce aux pratiques agricoles durables.

« Dans les coopératives de petites agricultrices, l’injection de technologies permettant de gagner du temps et d’économiser de la main-d’œuvre, accompagnée des connaissances pertinentes, sont des éléments essentiels pour étendre durablement la chaîne de valeur dans l’agriculture. Il en résulte une amélioration de la qualité de vie des agricultrices et des communautés en général », ajoute-t-elle.

Lancé dans les régions d’Afar et d’Oromia en 2014, le programme quinquennal s’adresse à 10 coopératives, composées chacune de 48 à 516 membres. En plus des quelque 2 000 bénéficiaires directes, le programme profite indirectement à 14 000 membres de leurs familles et à 32 000 membres de leurs communautés.

First from right, Alima Bakuye with some of the members inside the women cooperative’s newly established modern cattle-fattening facility through the support of the joint programme. Photo: UN Women/Fikerte Abebe
En partant de la droite, Alima Bakuye accompagnée d’autres membres à l’intérieur des nouvelles installations d’engraissement du bétail de la coopérative, aménagées grâce au soutien du programme conjoint. Photo : ONU Femmes/Fikerte Abebe

Le Programme conjoint « Accélérer les progrès vers l’autonomisation économique des femmes rurales » est mis en œuvre par le gouvernement éthiopien en partenariat avec ONU Femmes, le Fonds international de développement agricole (FIDA), le Programme alimentaire mondial (PAM) et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Le programme est soutenu par le gouvernement espagnol, par l’intermédiaire du Fonds pour la réalisation des objectifs de développement durable (SDG-F), ainsi que par les gouvernements de la Suède et de la Norvège.