Prenez cinq minutes : « pour améliorer le statut des femmes, des initiatives de leaders religieux », voilà ce qu’il nous faut

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Bukuru Élie Khalfan. Photo: ONU Femmes/Montassar Lassoued

Bukuru Élie Khalfan, Président et Représentant Légal de l’Alliance des Imams du Corridor Nord pour le Développement Humanitaire (AICNDH) au Burundi. Impliqué dans la Campagne #ImamsForShe – initiative organisée par Muslims for Progressive Values (Musulmans pour les Valeurs Progressistes) dans l’esprit de la campagne #HeForShe d’ONU Femmes – Khalfan s’engage dans la promotion des droits de la femme, leur accès à l'éducation, et l'autonomisation de la femme en créant des coopératives féminines, en organisant des débats, des ateliers de formations, des émissions radios, des sermons de vendredi, des camps d'été, et l'interprétation égalitaire des textes islamiques pour assurer l’égalité entre les sexes. Khalfan participe au Forum de Tunis sur l’Egalité de Genre, du 24 au 26 avril 2019.

Votre organisation travaille à sensibiliser et à promouvoir la compréhension de l’égalité de genre et des droits des femmes parmi les leaders religieux. Pourquoi est-ce important ?

 Cela est très important car les leaders religieux ont une voix qui porte loin et sont en général respectés dans leurs communautés. Leurs messages, considérés comme divins, sont transmis tels quels, sans modification, et sont accueillis à bras ouverts par la congrégation.

En tant que jeune homme féministe du monde musulman, quels sont les défis à relever pour faire progresser les droits des femmes ?

Pour répondre à cette question, j’aimerais vous parler de la situation des femmes musulmanes au Burundi, une situation probablement similaire dans le reste du monde musulman. [Nous constatons] une interprétation erronée des textes islamiques, toujours à l’avantage de l’homme. Elle s’ajoute à la culture burundaise, qui donne moins d’importance aux femmes, et conduit à l’inégalité des chances entre les hommes et les femmes en matière d’éducation, d’accès au travail et, par conséquent, sur tous les aspects, social, économique ou politique… Les mariages précoces et forcés, la polygamie, le fait que les femmes et les filles n’ont pas mot à dire dans le choix de leur époux sont des freins à l’épanouissement socio-économique de la femme musulmane… D’où la nécessité des initiatives pour améliorer le statut de la femme à l’initiative de leaders religieux.

Un nombre important d’Imams gardent une conception misogyne du statut de la femme… En général, les Imams burundais ont un niveau de connaissances bas. En matière des droits de la femme, les positions sont très partagées. Il y a des Imams hostiles, d’autres sont indifférents et une partie non négligeable sont naïfs. Les imams hostiles nous qualifient de collaborateurs des occidentaux.

L’année prochaine marquera le 25e anniversaire du Programme d’Action de Beijing. Selon vous, quels ont été les progrès en matière de droits des femmes ? Quel est votre message au monde pour cette occasion ?

Concernant le Programme d’Action de Beijing, je résiste à la tentation de dire qu’il y a eu des avancées significatives car aujourd’hui des femmes et des filles sont toujours privées de leurs droits à l’éducation et au travail. Le Programme d’action de Beijing envisageait aussi l’égalité entre les sexes dans tous les domaines de la vie, un engagement qu’aucun Etat n’a mis en œuvre.

Mon message est que le 25e anniversaire de la Conférence de Beijing offre de nouvelles opportunités de se réunir, de renouveler notre engagement, de raviver la volonté politique et de mobiliser le public. Chacune et chacun d’entre nous a un rôle à jouer pour le bien commun. Il semble de plus en plus clair que l’autonomisation des femmes fait progresser l’humanité, fait croitre l’économie, améliore la santé et l’instruction des familles.

En quoi Beijing +25 est-il pertinent pour les jeunes aujourd’hui ?

Le Programme d’Action de Beijing est très pertinent pour les jeunes, qui sont les décideurs de demain. Le monde entier compte sur la jeunesse et c’est la raison pour laquelle il faut à tout prix faire bouger les choses, du fait que 60 pour cent de la population de l’humanité est jeune. Avec la jeunesse s’impliquant dans la mise en œuvre du Programme d’action de Beijing, le monde s’épanouira, et le développement augmentera considérablement.

Quelles sont vos principales attentes du Forum que vous souhaiteriez voir converties en résultats ?

Il serait souhaitable que les participants, et surtout la société civile présente, s’engage de façon ferme à s’impliquer pour une promotion efficace des droits de la femme avec des actions plus concrètes, sur le long terme. Le partage d’idées et d’expériences des participants me permettra de redoubler d’efforts dans mon travail quotidien d’améliorer le statut de la femme musulmane au Burundi. [Finalement, j’espère que] les participants s’engageront sur une date limite de mise en application des recommandations issues du forum. »