L’impact de la guerre au Soudan sur les femmes, deux ans après

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Malka, une mère déplacée, porte sa fille d'un an, Sahar, qui souffre de malnutrition aiguë sévère, devant sa maison au point de rassemblement des déplacés d'Elhoury dans l'État de Gedaref, en novembre 2024.
Malka, une mère déplacée, porte sa fille d'un an, Sahar, qui souffre de malnutrition aiguë sévère, devant sa maison au point de rassemblement des déplacés d'Elhoury dans l'État de Gedaref, en novembre 2024. Photo: UNICEF/UNI689368/Ahmed Mohamdeen Elfatih

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Deux ans après le début de la guerre civile au Soudan, plus de 12 millions de personnes ont été déplacées, dont plus de la moitié sont des femmes et des enfants. Alors que les violences sexistes se multiplient et que les services essentiels s'effondrent, ce document explique comment le conflit affecte les femmes et les filles, et ce que fait ONU Femmes pour les soutenir.

Quand le conflit au Soudan a-t-il démarré et quelle est la situation actuelle ?

Deux ans après le début de la guerre civile qui a éclaté le 15 avril 2023 entre les Forces armées soudanaises (SAF) et les Forces d’appui rapide (RSF), le Soudan connaît aujourd’hui la plus vaste crise humanitaire au monde, et ce sont les femmes et les filles qui en payent le plus lourd tribut. Plus de 30 millions de personnes, soit 64 % de la population, ont besoin d’une aide

Cela fait des décennies que le Soudan est en proie à des conflits civils. Omar al-Bashir a gouverné le Soudan pendant 30 ans, jusqu’à ce que les Forces armées soudanaises renversent son gouvernement en 2019, suite à des manifestations massives. Toutefois, le gouvernement civil de transition a été dissous au bout de deux ans, marquant le début d’une nouvelle série de troubles politiques et économiques qui ont finalement conduit à un conflit armé. 

Lorsque le dernier conflit en date a éclaté, le Soudan était déjà confronté aux déplacements de populations et aux violences de la crise de 2003 au Darfour, ainsi qu’à de graves inondations et sécheresses liées au changement climatique qui avaient anéanti les cultures et le bétail. Les affrontements récents entre les Forces armées soudanaises et les Forces d’appui rapide ont porté un coup dévastateur aux services essentiels et à l’acheminement de l’aide.  

Plus de 12 millions de personnes sont déplacées au Soudan et à l’extérieur des frontières du pays, plus de la moitié d’entre elles sont des femmes et des enfants. Les négociations de paix n’ont pas encore démarré.

Quelles sont les répercussions du conflit au Soudan sur les femmes et les filles ?

Le conflit au Soudan a bouleversé la vie des femmes et des filles. Plusieurs millions d’entre elles se sont retrouvées parmi les populations déplacées, ont perdu leurs moyens de subsistance, ont été exposées à des niveaux croissants de violence basée sur le genre et ont été réduites à la famine extrême. 

  • Une hausse alarmante de la violence basée sur le genre et des abus sexuels : en moins de deux ans, le nombre de personnes exposées au risque de violence basée sur le genre a plus que triplé. On estime que 12,1 millions de personnes, soit 25 % de la population, sont à risque. Bien que les cas de telles violences soient largement sous-déclarés et que les services soient au point mort, le Soudan a enregistré en 2024 une hausse vertigineuse de 288 % de la demande de services spécialisés dans la violence basée sur le genre.  

  • L’insécurité économique des femmes les expose davantage aux risques de violence basée sur le genre : en raison de l’effondrement des entreprises dirigées par des femmes, des perturbations des chaînes d’approvisionnement et des pertes financières, un grand nombre de femmes qui jouissaient d’une autonomie financière dépendent aujourd’hui de l’aide humanitaire. Compte tenu de leur instabilité économique, les femmes sont d’autant plus vulnérables face à la violence basée sur le genre et à l’exploitation sexuelle.  

  • Une insécurité alimentaire extrême pour les femmes : plus de la moitié de la population du Soudan – plus de 24,6 millions de personnes – est confrontée à une insécurité alimentaire aigüe. Des cas de insécurité alimentaire ont été observés dans au moins cinq régions et, si la situation actuelle persiste, la famine gagnera également cinq régions de plus d’ici mai 2025. Le niveau de sécurité alimentaire des femmes est inférieur à celui des hommes, car en vertu des normes sociales existantes, elles mangent souvent en dernier et en plus faibles quantités une fois que la nourriture a été distribuée aux différents membres de leur foyer.  

  • Des soins de santé quasi absents pour les femmes : près de 80 % des hôpitaux situés dans les zones touchées par un conflit ne sont plus opérationnels. En conséquence, les taux de décès maternels explosent et les femmes et les filles sont aussi privées d’accès aux fournitures menstruelles, aux dispositifs de soutien à la santé mentale et à des espaces sûrs. Environ 80 % des femmes déplacées n’ont pas accès à de l’eau propre ou n’ont pas les moyens d’en acheter, pour des raisons de distance à parcourir et de sécurité.  

  • Les femmes ont été exclues des pourparlers de paix : bien qu’elles soient en première ligne, pour négocier le passage en toute sécurité des personnes qui fuient la violence, pour apporter une aide salvatrice et plaider en faveur de la paix, les femmes ont été exclues des négociations diplomatiques, notamment des négociations de paix régionales et internationales précédemment tenues à Djeddah en Arabie saoudite. Avec le soutien d’ONU Femmes, les femmes championnes de la paix ont appelé à une représentation de 50 % de femmes dans les processus de paix.  

Comment ONU Femmes soutient-elle les femmes au Soudan ?

Au cours des deux dernières années, ONU Femmes a soutenu plus de 60 organisations dirigées par des femmes – dont un grand nombre travaillent dans les zones les plus durement touchées – permettant à plus de 15 000 femmes de suivre des formations à l’acquisition de compétences et de bénéficier d’une aide humanitaire et d’autres services. 

Au Soudan, ONU Femmes est un partenaire de confiance pour les femmes depuis 2010, elle œuvre à l’amélioration de l’autonomisation économique et du leadership des femmes dans tous les domaines, notamment la consolidation de la paix, la promotion de lois et de politiques destinées à combattre la violence basée sur le genre et la facilitation de l’accès des femmes à des services quand elles sont confrontées à des violences. Dans le cadre de la crise la plus récente, nos programmes se concentrent sur les services spécialisés dans la violence basée sur le genre, les moyens de subsistance des femmes touchées par le conflit et les actions de plaidoyer afin d’inclure les femmes dans les pourparlers en vue d’un cessez-le-feu.  

Depuis 2020, le Fonds pour les femmes, la paix et l’action humanitaire travaille également avec ONU Femmes au Soudan, en soutenant 40 organisations locales qui ont renforcé l’influence et la participation des femmes leaders aux efforts de paix formels et informels et aux dialogues communautaires. De plus, le Fonds a permis aux femmes et aux filles déplacées au Soudan d’accéder à une aide d’urgence et à des services spécialisés dans la violence basée sur le genre.