Qu’est-ce que le programme pour les femmes, la paix et la sécurité ?

Vingt-cinq ans après que le monde a reconnu l’égalité des sexes comme une condition indispensable de la paix, les fonds destinés aux artisanes de la paix sont en baisse et les conflits se multiplient.

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Miryam Djangala-Fall
Miryam Djangala-Fall est une militante centrafricaine et survivante de violences sexuelles liées aux conflits. En 2018, elle a fondé le Mouvement des survivantes de violences sexuelles, une organisation qui compte aujourd’hui plus de 700 membres et qui offre des soins aux victimes, sensibilise le public et plaide pour la justice. « Nous croyons en la force de l’unité : ‘Rien sur nous sans nous’, déclare Miryam Djangala-Fall, cela signifie que nous [les survivantes] sommes pleinement impliquées dans le processus de paix – avant, pendant et après – afin que la paix devienne une réalité dans notre pays. » Photo : Nations Unies/Jaella Fleurianna Pathé pour ONU Femmes

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« Cessez-le-feu. » « Mettez fin à la guerre. » « Arrêtez les brutalités. »

Ce sont les messages des femmes et des filles du monde entier : des appels sans équivoque à la paix qu’ONU Femmes intègre dans toutes ses actions.

Lorsque les femmes sont à la table des négociations, la paix est plus probable, plus inclusive et plus durable. Mais 25 ans après le lancement du programme pour les femmes, la paix et la sécurité – lorsque les dirigeants du monde ont pris acte de l’horreur de l’impact de la guerre sur les femmes et les filles et consacré le droit des femmes à participer sur un pied d’égalité aux processus de paix –, les gouvernements manquent à leurs obligations.

Lisez notre document explicatif pour comprendre pourquoi la paix et l’égalité des sexes vont de pair et quels sont les risques encourus si les pays n’investissent pas pleinement dans ces domaines.

Le monde dépense beaucoup plus pour faire la guerre que pour consolider la paix :

  • 2 700 milliards de dollars : montant des dépenses militaires mondiales en 2024, soit une augmentation de 9,5 % par rapport à 2023 et un niveau record
  • Moins de 0,4 % des fonds et de l’aide technique envoyés aux pays touchés par des conflits sont destinés aux organisations de femmes
  • 420 milliards de dollars : montant du déficit annuel qui entrave l’égalité des sexes dans les pays en développement

Qu’est-ce que le programme pour les femmes, la paix et la sécurité ?

Le 31 octobre 2000, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté à l’unanimité la résolution 1325. Après des années de plaidoyer, cette résolution a marqué le lancement d’un plan d’action connu sous le nom de programme pour les femmes, la paix et la sécurité (FPS).

Autrement dit : les dirigeants mondiaux se sont engagés à adopter une nouvelle façon d’aborder les conflits et la paix, au-delà des parties belligérantes et des acteurs traditionnels du pouvoir, deux catégories dominées par les hommes, encore aujourd’hui.

La résolution 1325 :

  • Reconnaît que les femmes et les filles sont touchées par les conflits d’une manière particulière, horrible et qu’il faut y mettre fin
  • Établit que la participation significative des femmes aux processus de paix est essentielle pour prévenir les conflits, y mettre fin et s’en relever

Après tout, comment instaurer une paix véritable si les besoins et les points de vue de la moitié de la population ne sont pas pris en compte ? À l’heure actuelle, il existe 10 résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies sur les femmes, la paix et la sécurité, qui sont contraignantes pour tous les membres des Nations Unies.

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Randa Siniora
Randa Siniora (au centre, à droite) est une avocate palestinienne, féministe et défenseuse des droits humains, engagée depuis plus de 30 ans en faveur de la justice pour les femmes vivant sous occupation militaire. En tant que directrice du Centre des femmes pour l’aide juridique et le conseil, elle dirige les efforts visant à lutter contre les violences basées sur le genre et à garantir une protection juridique pour les femmes palestiniennes. « En tant que femmes palestiniennes, nous ne voulons pas être perçues uniquement comme des victimes, ni que nos récits soient racontés uniquement à travers ce prisme. Nous sommes des actrices du changement, nous réclamons avant tout la prévention, la protection et une participation politique effective. » En 2018, Randa Siniora est devenue la première femme palestinienne issue de la société civile à s’adresser au Conseil de sécurité des Nations Unies, Photo : Nations Unies/Maisa Ghazaleh pour ONU Femmes

Les quatre piliers du programme pour les femmes, la paix et la sécurité

Ces quatre piliers appréhendent l’égalité des sexes et la paix comme des objectifs communs et des responsabilités partagées.

  1. Prévention : tout d’abord, les conflits doivent être évités ou résolus autant que possible. Lorsque l’égalité des sexes est respectée, les conflits sont moins susceptibles de se produire. Et lorsqu’un conflit éclate, les parties doivent prévenir toutes les formes de violence à l’égard des femmes et des filles.
  2. Protection : les droits et la sécurité des femmes et des filles doivent être protégés. Il faut tenir compte de la manière dont les femmes et les filles sont touchées, en particulier par les violences sexuelles.
  3. Participation : toutes les décisions relatives à la paix et à la sécurité doivent inclure les femmes, des conseils locaux à la scène internationale. Grâce à une participation égale et significative, les processus de paix et de sécurité sont plus inclusifs, et donc plus légitimes et plus durables.
  4. Secours et relèvement : lors de la reconstruction après un conflit ou une crise, les femmes et les filles ont des besoins spécifiques. Elles sont souvent les premières responsables des enfants et des personnes âgées. Les organisations dirigées par des femmes jouent ici un rôle essentiel, en garantissant un accès sûr à la nourriture, à l’eau et aux produits d’hygiène pendant les conflits et une fois le calme revenu.
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Christine Fossen
« Le leadership ne dépend pas du grade. Il s’agit d’utiliser sa voix, de protéger les autres et de montrer l’exemple au quotidien », explique la cheffe de police Christine Fossen (au centre), qui dirige la composante police de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud. Avec plus de 30 ans de service dans la police norvégienne, elle a consacré sa carrière à la promotion de la justice, la lutte contre le crime organisé et, aujourd’hui, au maintien de la paix. Au Soudan du Sud, elle accompagne également les membres du Réseau des femmes en uniforme dans le maintien de la paix. Photo : MINUSS

Pourquoi la question des femmes, de la paix et de la sécurité est importante : les progrès réalisés depuis 2000

Alors que nous revenons sur 25 ans de programme FPS, il apparaît clairement que : quand les femmes dirigent, la paix suit.

  • L’autonomisation des femmes et des filles permet d’instaurer une paix durable. En Colombie, les négociatrices de paix qui ont contribué à mettre fin à la guerre civile définissent désormais la justice transitionnelle.
  • Les organisations dirigées par des femmes atteignent les femmes et les filles même dans les situations de conflit les plus difficiles. En Afghanistan, à Gaza, au Soudan et partout dans le monde, elles ne baissent pas les bras.
  • De plus en plus de femmes passent en première ligne. En Ukraine, elles s’entraident et protègent leurs communautés.
  • La parité entre les sexes et la mise en place de quotas favorisent la réussite des femmes dans la paix et la sécurité. Alors que de plus en plus de femmes revêtent l’uniforme, elles établissent des liens avec les communautés et préservent la paix de façon innovante. Parallèlement, les cultures militaires, policières et de maintien de la paix abandonnent peu à peu les stéréotypes de genre préjudiciables et soutiennent les aidantes.
  • Les crimes contre les femmes et les filles ne sont plus acceptés comme relevant du prix à payer pour la guerre. De plus en plus de crimes de guerre contre les femmes font l’objet de poursuites, même si des progrès restent à faire en matière de justice.
  • Les femmes et les filles du monde entier appellent à la paix et au désarmement. En Malaisie, des jeunes femmes font campagne contre les armes nucléaires. 

Lorsque la paix s’étend à toute la société, elle est visible et palpable : davantage de femmes votent lors des élections; moins de filles sont contraintes à des mariages d’enfants ; davantage de femmes mènent des dialogues au niveau communautaire. 

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Quibibi Faquihe Buana
« Voir une autre femme se relever, c’est ce qui me remplit de fierté », explique Quibibi Faquihe Buana, une femme déplacée de Cabo Delgado, devenue facilitatrice de district sur l’agenda femmes, paix et sécurité au centre de réinstallation de Marrocane où elle vit. Championne de la paix reconnue, elle forme, engage et mobilise les femmes sur la prévention de la violence basée sur le genre, et utilise des outils mobiles pour signaler la violence. « Savoir que je suis une femme capable de prévenir les violences et les conflits dans ma communauté m’inspire à soutenir celles qui se sentent au plus bas. » Photo : Nations Unies/Alice Ambrucer pour ONU Femmes

Les défis liés à la mise en œuvre du programme pour les femmes, la paix et la sécurité

Malheureusement, malgré les progrès et les promesses, les femmes sont activement exclues des processus de paix.

Le Rapport 2025 du Secrétaire général des Nations Unies dresse un tableau sombre d’un manque d’investissement chronique et d’une mise en œuvre insuffisante. Alors que les conflits d’origine humaine se multiplient, les taux de violence sexuelle, de traumatismes psychologiques et d’attaques ciblées sont en hausse – tandis qu’un pays sur quatre fait état d’un recul des droits des femmes.

Les conflits effacent les progrès accomplis pour atteindre les objectifs mondiaux :

  • En 2024, les femmes n’étaient présentes que dans 1 pourparler de paix sur 10
  • Le nombre de femmes et de filles tuées dans des conflits a été multiplié par 4**
  • Les violences sexuelles liées aux conflits, y compris les viols de femmes et de filles, ont augmenté de 87 %**

**Augmentation sur la période 2022–2024 par rapport à 2020–2022

Coupes budgétaires

Soyons clairs : le programme FPS nécessite un financement complet et fiable, en temps de guerre comme en temps de paix. Mais certains donateurs se détournent de la prévention des conflits et de la consolidation de la paix, tandis que les dépenses militaires augmentent. Des baisses de financement drastiques paralysent les organisations de première ligne et entament la capacité des Nations Unies à suivre les crimes, à mettre en place des tribunaux et à soutenir les artisans locaux de la paix. Le départ des missions de maintien de la paix des Nations Unies privera les femmes et les filles d’une protection essentielle.

Manque de données

Les lacunes en matière de données sur le genre rendent les femmes et les filles invisibles dans les conflits : l’absence de statistiques sur les violences sexuelles entraîne une diminution des poursuites judiciaires et des ressources allouées aux survivantes. Le manque de suivi rend plus difficile la représentation des femmes. Enfin, malgré une forte demande, les coupes budgétaires sapent les initiatives destinées à collecter des données sur le genre et à former les communautés à leur utilisation.

Montée de la violence

Les données dont nous disposons indiquent une augmentation alarmante de la violence à l’égard des femmes et des filles. Ce phénomène concerne les violences sexuelles et les viols perpétrés sur des civils, ainsi que le harcèlement physique et en ligne contre des fonctionnaires et des activistes. Les conflits s’intensifient et ont des conséquences meurtrières pour les femmes et les filles – et tous les civils – qui sont déplacés, privés de leurs biens, agressés et tués.

La violence des conflits se manifeste parfois de façon insidieuse : Les femmes vivant dans des zones fragiles sont presque huit fois plus susceptibles de vivre dans l’extrême pauvreté que celles qui vivent dans des régions stables. Et en 2023, 6 mères sur 10 qui sont décédées pendant la grossesse ou l’accouchement dans le monde, souvent de causes évitables, sont mortes dans des pays en crise.

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Mona Mohamed Omaer Hamad
Avocate et figure de la société civile, Mona Mohamed Omaer Hamad œuvre au sein de l’organisation Sorkenat au Soudan pour sensibiliser aux droits des femmes et à leur rôle dans la transition démocratique et les processus de paix. « Je veux que les femmes s’expriment et participent activement à tous les enjeux et espaces de discussion, qu’elles soient présentes dans les institutions de l’État en tant que leaders capables de prendre des décisions, qu’elles interviennent pour résoudre les conflits aux côtés des hommes et qu’elles représentent les femmes au plus haut niveau. » Photo : Nations Unies/Mona Elfateh pour ONU Femmes

ONU Femmes et notre mandat FPS

L’égalité des sexes est plus qu’une possibilité ; c’est une condition préalable à la paix. ONU Femmes a été créée pour faire avancer l’égalité des sexes au profit de toutes les femmes et les filles, en mettant l’accent sur la question des femmes, de la paix et de la sécurité.

ONU Femmes soutient un grand nombre d’initiatives, qui visent notamment à :

  • Amplifier la voix des femmes et des filles en situation de crise et qui luttent pour la paix, du Conseil de sécurité à leurs propres communautés 
  • Enquêter et signaler les atrocités commises contre les femmes et les filles en temps de guerre 
  • Investir dans des projets menés par des femmes pour construire la paix et la cohésion sociale après les conflits 
  • Collaborer avec les gouvernements pour soutenir les réformes politiques et amener davantage de femmes dans les domaines de la sécurité et de la justice, ainsi que dans tous les espaces décisionnels 
  • Financer les organisations de femmes sur le terrain, y compris celles de jeunes activistes 
  • Collecter et partager les données afin d’élargir les connaissances mondiales sur les femmes, la paix et la sécurité
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Pédrica Saint-Jean
« L’égalité, l’autonomisation et la réalisation des droits fondamentaux des femmes et des filles ne doivent pas être un luxe, mais une réalité accessible à chacune », a déclaré Pédrica Saint-Jean, la ministre haïtienne à la Condition féminine et aux Droits des femmes. Ancienne coordinatrice de la Ligue haïtienne des femmes pour le renouveau et survivante de plusieurs attaques armées, Pédrica Saint-Jean milite pour des réponses plus fortes face aux violences basées sur le genre et œuvre à renforcer le leadership des femmes haïtiennes dans les processus de paix et de gouvernance. Photo : Nations Unies/Narline Novembre pour ONU Femmes

La résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies a 25 ans : quelle est la prochaine étape pour les femmes, la paix et la sécurité ?

Si l’on ne fait rien, il sera encore plus difficile d’instaurer la paix. Heureusement, la voie à suivre a été tracée il y a 25 ans.

Aujourd’hui, 115 pays – un chiffre qui ne cesse d’augmenter – ont défini des plans d’action nationaux en précisant les mesures qu’ils prendront pour respecter le programme FPS. Mais trop peu de pays financent pleinement ces promesses.

Cette année marque également le 30e anniversaire de la Déclaration de Beijing, une feuille de route mondiale pour parvenir à l’égalité des sexes. Le programme d’action Beijing+30 appelle à financer intégralement ces plans nationaux, de même que les organisations de femmes en première ligne.

Nous verrons des progrès lorsqu’un plus grand nombre de femmes participeront aux processus de paix et bénéficieront d’une aide humanitaire, dans les grandes villes comme dans les villages les plus reculés. Nous verrons des progrès lorsque des pays soutiendront le programme FPS non seulement en tant que politique, mais aussi en tant que mouvement social croissant qui transcende les générations.

Quand les femmes dirigent, la paix suit. Mais lorsque les femmes prennent la parole, les dirigeants mondiaux veulent-ils les écouter ?