Q&R : La ministre des Affaires féminines, de l’Enfance et du Bien-être social du Sud-Soudan s’exprime au sujet de la nation d’Afrique la plus récente

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Le 9 juillet 2011 le monde a été témoin de la naissance d'une nation - le Sud-Soudan, le 54è pays d'Afrique. Au cours d'un entretien avec ONU Femmes, la ministre soudanaise des affaires féminines, de l'enfant et du bien être social, Agnès Lasuba, évalue l'indépendance du pays et les implications pour les femmes.

Que signifie l'indépendance du Sud-Soudan pour les femmes ?

Le Sud-Soudan signifie beaucoup pour les femmes parce qu'elles sont passées par de nombreuses difficultés pendant plus de 20 ans de guerre. Ces femmes qui ont perdu leurs maris et leurs fils sont fières parce que leurs conjoints et leurs enfants ne sont pas morts en vain, ils ont lutté pour la liberté et le Sud-Soudan l'a enfin obtenue. Pour les femmes, cela signifie également la paix et la stabilité. Il est temps pour elles de se développer, parce que, pendant la guerre, elles n'ont pas pu progresser. Avec la liberté, tout sera différent, tout sera pour le mieux. L'indépendance permettra d'apporter des services de base, tels que l'accès à la santé, à l'éducation, à l'assainissement et à l'eau potable, pour n'en mentionner que quelques-uns.

Un agent de police observe les femmes faisant la queue pour voter lors du récent référendum sur le Sud-Soudan.
Un agent de police observe les femmes faisant la queue pour voter lors du récent référendum sur le Sud-Soudan. Photo : ONU Femmes/Mohamed Duba

Quel a été le rôle des femmes dans l'accomplissement de l'indépendance du Sud-Soudan ?

Les femmes du Sud-Soudan ont joué des rôles divers dans l'accomplissement de l'indépendance. Pendant la guerre, elles ont pris les armes. D'autres ont été des agents de mobilisation, et d'autres ont pris soin des blessés, des malades et des personnes gées. D'autres aspiraient à la paix et elles se sont chargées de faire pression en faveur d'autres personnes et d'autres pays, afin de pouvoir atteindre la paix pour elles-mêmes et pour leurs enfants. Malgré le nombre réduit de femmes qui ont participé aux négociations de l'Accord de paix global, un nombre significatif de femmes ont voté lors du référendum du Sud-Soudan en janvier 2011.

Pourquoi la représentation politique et la participation des femmes sont-elles importantes ?

Les hommes politiques prennent beaucoup de décisions pour leurs pays, et les femmes font partie de toute la société. Par conséquent, elles ont leur mot à dire sur les questions qui les concernent et qui concernent leurs enfants. Ainsi, il est important que les femmes participent à la politique, afin de pouvoir faire écho aux besoins des autres femmes. De même, elles peuvent parler de questions telles que les viols et l'abus des droits de l'homme mieux que les hommes, car ce sont elles les principales victimes.

Il y a longtemps, la politique était réservée aux hommes, et interdite aux femmes qui autrement auraient été considérées comme mauvaises. Après avoir lutté pendant la guerre de libération, cela a changé. De 2005 à 2010, on comptait 28 femmes sur les 170 membres de l'Assemblée législative du Sud-Soudan. De 2011 à 2015, les femmes seront au nombre de 52 au sein du parlement. Leur nombre a presque doublé. J'espère que pour les prochaines élections, dans quatre ans, le nombre de femmes s'élèvera à 100, de sorte qu'elles puissent- en tant que majorité au parlement - approuver des lois appropriées permettant de protéger les femmes, visant par exemple à emprisonner à vie les violeurs d'enfants.

Quels sont certains des principaux défis qu'affronteront les femmes au Sud-Soudan ?

Les femmes sont confrontées à beaucoup de défis, comme la pauvreté, les faibles taux d'alphabétisation, la mortalité maternelle et la violence domestique. Pour pouvoir progresser, les femmes ont besoin d'être autonomisées au niveau économique, car un pourcentage élevé d'entre elles vit dans la pauvreté. Elles ont aussi besoin d'être autonomisées politiquement pour pouvoir parler au nom des femmes. Elles doivent recevoir une éducation civique pour être plus au courant des affaires nationales et de l'Etat. Qui plus est, quelques hommes perçoivent l'égalité des sexes comme si c'était une question réservées aux femmes. Nous nous efforçons pour que les hommes soient des ambassadeurs des questions relatives au genre, puisque si l'égalité des sexes et les droits fondamentaux ne sont pas mis en application et que les femmes et les filles sont traitées de manière traditionnelle - que les filles de 13-14 ans sont données en mariage sans l'opportunité d'accéder à l'éducation et à l'emploi, par exemple - le Sud-Soudan restera sous-développé. Les femmes sont des moteurs du développement, elles développent même les hommes de l'utérus à l'ge adulte. Par conséquent, les femmes devraient jouer un rôle principal dans la construction de la nation.

La ministre des Affaires féminines, de l'Enfance et du Bien-être social, en collaboration avec ONU Femmes, ont commencé à travailler ensemble au Sud-Soudan pour aborder certains de ces défis, par exemple, le renforcement des capacités, l'intégration d'une perspective de genre, la budgétisation favorisant l'égalité des sexes, l'alphabétisation et d'autres questions décrites dans les objectifs du Millénaire pour le développement de l'ONU.

Quels sont vos espoirs pour les femmes du Sud-Soudan dans l'avenir ?

J'ai beaucoup d'espoir pour les femmes du Sud-Soudan. J'espère que d'ici 2015, le nombre de femmes du Sud-Soudan siégeant au parlement sera égal à celui des hommes. J'espère aussi que plus de femmes du Sud-Soudan seront alphabétisées. Je suis heureuse pour nos jeunes générations, puisque nous constatons déjà des améliorations. En 2006, le ministère de l'Education a lancé la campagne « retour à école » ; le Président Salva Kiir a également évoqué l'éducation des filles dans la plupart de ses discours ; maintenant le ministère nous indique qu'il y a plus de filles enregistrées à l'école primaire que de garçons. En fin de compte, je crois que les filles peuvent rattraper les garçons.

Cependant, les femmes ne peuvent pas résoudre seules les défis auxquels elles sont confrontées au Sud-Soudan. Nous sommes désormais le 54ème pays d'Afrique, la plus jeune nation du Continent, et nous sommes sur le point de devenir le 193ème Etat membre des Nations Unies. Du jour au lendemain, nous ne pouvons pas prétendre ne pas avoir de problèmes et tout savoir. Nous ne pouvons non plus nous comparer aux pays qui ont connu la paix et la stabilité pendant longtemps. C'est pourquoi, ces cinq dernières années, nous avons travaillé étroitement avec les organismes de l'ONU et d'autres partenaires afin de relever certains de ces défis. La plupart sont mentionnés dans les objectifs du Millénaire pour le développement de l'ONU. Des problèmes de pauvreté, nous en avons. Des problèmes liés à l'éducation, nous en avons. Des problèmes de mortalité maternelle, aussi. En tant que nouvelle nation, nous souhaitons nous mettre debout et avancer avec succès sans trop trébucher. Nous faisons appel à tous nos partisans pour qu'ils se joignent à nous pour développer le Sud-Soudan.

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