Lutter contre la traite des êtres humains : partenariats et innovations pour mettre fin à la violence à l’égard des femmes et des enfants

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Discours de Michelle Bachelet, Directrice exécutive d'ONU Femmes, lors du dialogue interactif de l'Assemblée générale des Nations Unies : « Lutter contre la traite des êtres humains : partenariats et innovations pour mettre fin à la violence à l'égard des femmes et des enfants », mardi 3 avril 2012.

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Excellences,
Distingués délégués,
Collègues et amis,

Il est difficile de penser à un crime plus horrible et révoltant que la traite des êtres humains. C'est pourtant l'une des activités criminelles qui croît le plus rapidement et l'une des plus lucratives. On estime que 80% des personnes faisant l'objet de cette traite sont utilisées et abusées en tant qu'esclaves sexuels.

Cette violation des droits de l'homme est favorisée par la demande de services sexuels et par le bénéfice qu'ils génèrent, la marchandisation des êtres humains en tant qu'objets sexuels, et la pauvreté, les inégalités entre les sexes et la position de subordonnées des femmes et des filles, qui fournissent un terrain fertile pour la traite humaine.

Nous avons tous entendu parler d'histoires de parents vendant leurs filles. Ce que nous n'avons pas beaucoup entendu, en revanche, sont les récits des recruteurs et trafiquants illégaux qui tirent profit des vulnérabilités basées sur le genre. Les études réalisées en Asie du Sud dénoncent les trafiquants ratissant les villages à la recherche de veuves, de femmes divorcées, de femmes et de filles ayant été sexuellement abusées ou censurées par les communautés, cherchant refuge pour fuir l'aliénation et en quête de sécurité économique, ou de femmes économiquement exclues voulant migrer pour trouver un meilleur travail. Des schémas « Envolez-vous maintenant, payez plus tard » ont été déployés, piégeant les femmes et les filles dans l'esclavage de la dette dès le départ.

Nous voyons également une demande croissante d'emplois à l'intérieur et entre les frontières nationales dans les secteurs informels de l'industrie et des services non protégés, avec des conditions de travail proches de l'esclavage qui correspondent à la définition de la traite. Le travail domestique, les activités d'« hospitalité » et le travail dans les ateliers clandestins concernent essentiellement les femmes. Et les politiques et législations d'immigration et de migration, ou les conditions restrictives de séjour et de travail, qui touchent notamment les femmes, rendent les femmes et les filles vulnérables aux trafiquants, lorsqu'elles doivent se déplacer pour assurer leur survie.

Dans ces conditions, que faut-il faire et quelles bonnes pratiques novatrices pouvons-nous proposer pour combattre la traite ? Au sein d'ONU Femmes, nous travaillons en partenariat en vue de lutter contre la traite, en nous focalisant sur le genre, les droits de l'homme, la justice et le développement. Je souhaiterais mettre en exergue quatre éléments de cette stratégie.

En premier lieu, il convient de mettre les droits de l'homme et la justice pour les victimes au centre des efforts. Aujourd'hui, un fort accent est placé sur la souveraineté et la sécurité nationales, la moralité et la loi, ainsi que sur des paradigmes de l'ordre qui pénalisent les victimes et les rescapées de la traite, plutôt que de sanctionner les trafiquants et leurs clients. Le moment est venu de sévir contre les gros syndicats et réseaux de trafiquants et d'assurer aux rescapées une véritable protection, la justice et des services en leur faveur. Les victimes de la traite sont souvent traumatisées et déprimées, et elles ont besoin de conseils et d'appui social, ainsi que de soins de santé, notamment des services de santé sexuelle et en matière de procréation, une aide juridique et un refuge. Figurent parmi les innovations : des guichets uniques pour améliorer l'accès à la justice ; des tribunaux spéciaux, avec notamment des audiences foraines et des équipes interdisciplinaires ; et une sensibilisation sur l'égalité des sexes et un renforcement de la représentation des femmes au sein des mécanismes de police et de justice.

Deuxièmement, il convient de placer un accent plus important sur la prévention, l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes, et d'appliquer la tolérance zéro par rapport à la violence à l'égard des femmes, y compris la traite. Figurent au nombre des facteurs de prévention l'éducation pour les femmes et les filles, en créant davantage d'emplois et des emplois décents pour les femmes, en assurant des services sociaux et la protection sociale, et en générant une culture généralisée du respect envers les droits de l'homme et de l'égalité des sexes. ONU Femmes a contribué à une politique significative et à des réformes juridiques dans 25 pays en vue de promouvoir l'égalité des chances, de s'attaquer à la traite et de promouvoir les droits des femmes.

Troisièmement, il convient d'établir des liens entre la migration et la traite. Aujourd'hui, la plus grande partie de la traite intervient dans le contexte de la migration. Les politiques et programmes sensibles au genre sur le travail et la migration peuvent protéger et appuyer les travailleurs migrants à toutes les étapes de la migration et réduire également la traite. De bonnes pratiques sur le plan de la législation de la migration ont été introduites en Indonésie, au Népal, au Cambodge et en Jordanie, avec l'appui d'ONU Femmes et d'autres. Au Népal et en Indonésie, des initiatives sont en cours en vue de suivre les femmes qui ont perdu le contact avec leurs familles, de recueillir les salaires non payés et d'assurer un appui émotionnel et la réhabilitation, ainsi que de mettre sur une liste noire les agents de recrutement sans scrupule.

Et mon quatrième et dernier point est que nous devons aider les rescapées de la traite à participer aux négociations politiques afin de pouvoir témoigner et revendiquer leurs droits, et que les décideurs politiques puissent les écouter et être informés de ce qui doit être fait. Reconnaissons-le : ce n'est qu'en écoutant les femmes et les hommes, et les filles et les garçons qui ont fait l'objet de la traite que nous pourrons mettre au point une réponse efficace.

Allant de l'avant, ONU Femmes mettra à profit ce dialogue et les résultats obtenus pour consolider son travail dans les pays et pour préparer le rapport du Secrétaire général et la résolution de l'Assemblée générale de cette année consacrée à la traite des femmes et des filles, ainsi que la session de l'an prochain de la Commission de la condition de la femme, qui est consacrée à l'éradication de la violence à l'égard des femmes.

Je vous assure qu'ONU Femmes est fermement attachée à travailler avec vous pour prévenir la traite, poursuivre les trafiquants et protéger et fournir des services aux rescapées.

Merci de votre attention, et je me réjouis à l'avance de nos discussions.