No Woman’s Land: un nouveau livre revient sur les expériences des femmes reporters envoyées sur les lignes de front

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« Je ne me suis jamais considérée comme une femme journaliste. Je me vois comme une journaliste, point final ».

Tels sont les mots de Shahira Amin, une journaliste égyptienne distinguée par des prix professionnels, dans un nouveau livre sur les reportages réalisés sur les lignes de front par les femmes correspondantes, soutenu par ONU Femmes. « No Woman's Land », publié ce printemps par l'International News Safety Initiative, compilé par Hannah Storm et Helena Williams, présente les témoignages de plus de 30 reporters, rappelant leur expérience d'assauts angoissants et de courage enthousiasmant dans des contextes allant des conflits à des troubles civils.

Ces témoignages ont été recueillis peu après l'agression sexuelle violente perpétrée par un groupe d'hommes à l'encontre de la correspondante de CBS Lara Logan, alors qu'elle réalisait un reportage depuis la Place Tharir du Caire en février 2011. Mme Logan, qui a écrit la préface de cet ouvrage, a été saluée pour avoir fait entendre les préoccupations que de nombreuses femmes reporters avaient officiellement tues, par peur de voir leur liberté professionnelle et réputation mises en péril. Ce livre ouvre un nouveau chapitre du débat sur la sécurité des femmes journalistes dans le paysage en évolution de la sécurité des médias.

D'autres femmes journalistes sont frustrées par l'accent important mis sur la menace de viol. Tina Susman, ancienne chef du bureau du Los Angeles Times de Baghdad, écrit que le viol a longtemps été le moindre de ses soucis, y compris au cours de sa captivité de trois semaines en Somalie. « Peut-être parce que le viol n'est pas une menace propre à notre travail comme peuvent l'être les bombes et les missiles (et les insectes géants), je n'ai pas cela à l'esprit lors de mes missions contrairement à d'autres menaces » écrit-elle. « Comme nos collègues hommes, notre principale préoccupation est de rester en vie et de garder nos cerveaux et nos membres intacts ».

La formation au bon sens et à la sécurité le plus souvent suivie par les femmes correspondantes en mission n'est pas dirigée vers un sexe particulier. Toutefois, les normes culturelles, qui restreignent la mobilité des femmes dans de nombreux pays, peuvent soit aider soit saper leur travail. Comme beaucoup le notent, dans les contextes conservateurs, les femmes reporters peuvent se retrouver voilées et sous la dépendance de leurs confrères hommes ; mais elles peuvent aussi souvent obtenir l'accès aux environnements uniquement réservés aux femmes, et ainsi à une plus grande gamme de témoignages et de points de vue.

Etre sous-estimée dans le cadre du travail - une frustration majeure - est un comportement utilisé à leur avantage par beaucoup de femmes reporters. La journaliste Nisha Roshita se souvient avoir été spécifiquement choisie pour réaliser des interviews délicates de personnalités de haut niveau en Indonésie en raison, dit-elle, de son sexe : « En tant que femme, il était plus facile de parler avec la population locale sans que les gens se méfient » explique-t-elle.

Ce qui se dégage le plus fortement de ces souvenirs est la diversité des expériences recueillies par les femmes reporteurs, et le besoin de disposer d'une stratégie qui leur donne les moyens de mener à bien leur travail au lieu de le limiter.

« Plutôt que de se poser la question s'il est sage d'envoyer des femmes dans des missions potentiellement dangereuses ou d'avoir peur pour leur sûreté, les rédacteurs en chef et les médias devraient plutôt s'attacher à préparer les femmes (et les hommes) aux menaces de violence sexuelle et à les aider à éviter d'en être victimes » souligne Mme Susman. « J'ai rarement entendu quiconque dire des hommes : « Ils sont trop machos, et courent toujours au-devant de l'action, il faudrait peut-être veiller à ne pas les envoyer dans les zones de guerre ».