Du règlement des conflits à leur prévention: faire le lien entre les Huttes de la paix et la police au Libéria

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Des téléphones cellulaires ont été distribués en mars 2012 par la Police nationale libérienne aux femmes participant à l'initiative des Huttes de la paix, lancée par le pays en vue de prévenir les crimes et les violences contre les femmes. Outre la distribution de téléphones portables, un service d'appel d'urgence de la police a été créé avec l'appui du secteur privé pour faciliter les appels. Crédit photo : ONU Femmes/Sarah Douglas

« Cette hutte est une bonne chose pour moi, oh, cette hutte est une bonne chose pour moi, oh ! » chante un groupe de 60 femmes et filles, qui tapent des mains en rythme dans l'une des 14 Huttes de la paix de Weala, un village du district de Margibi au Libéria. Disséminées dans le pays ouest-africain déchiré de longue date par une guerre civile meurtrière, ces huttes constituent des espaces sûrs dans lesquels les femmes du village se réunissent pour mener des activités de médiation et résoudre les différends au sein de la communauté.

Les femmes se réunissent dans ces huttes pour discuter des questions qui concernent leur vie quotidienne. C'est là que se déroulent les activités de réconciliation et de règlement des conflits. Les femmes rurales peuvent discuter ouvertement et en toute sécurité des inégalités et prendre des décisions en commun sur la paix et la sécurité.

L'initiative des Huttes de la paix du Libéria, qui permet de traiter de cas variés, allant d'affaires de grossesse et d'abandons à l'apport de conseils aux rescapées de violences domestiques ou de viols, s'est développée depuis 2011. ONU Femmes appuie plus de 16 Huttes de la paix dans le pays. La Police nationale libérienne (LNP) travaille avec les Huttes de la paix pour améliorer la prévention des crimes et renforcer la lutte contre la violence à l'égard des femmes en fournissant des téléphones mobiles.

À Weala, au siège de la police, des téléphones destinés à être installés dans le poste de police voisin ont été distribués. Avec l'aide du secteur privé, une ligne d'assistance gratuite a été créée afin de permettre aux femmes appartenant aux Huttes de la paix d'appeler la police ou de se contacter entre elles sans bourse délier.

Il a été demandé aux femmes de garder leurs téléphones chargés en permanence, et des les utiliser pour alerter la police lorsqu'un problème de sécurité est sur le point de survenir à Weala, y compris au niveau de la violence domestique et d'autres types de violence à l'égard des femmes et des filles. Celles qui ont reçu des téléphones sont dignes de confiance.

Elles ont été sélectionnées par les femmes des Huttes de la paix elles-mêmes afin qu'ils soient utilisés à bon escient pour améliorer la sécurité au sein de la communauté. Au total, 14 des femmes des Huttes de la paix se sont vues remettre des téléphones mobiles. Un téléphone a été donné à la responsable des adolescentes, les filles ayant souvent honte de déclarer les abus qu'elles ont subis aux femmes plus gées. Deux téléphones ont par ailleurs été confiés aux chefs de village locaux, qui ont une expérience éprouvée aux côtés des femmes des Huttes de la paix pour mener à bien des activités d'éducation par les pairs sur l'éradication de la violence à l'égard des femmes et des filles au profit des hommes et des garçons de la communauté.

À Weala, depuis que les femmes ont commencé à travailler dans les Huttes de la paix en 2011, « on reçoit de moins en moins d'appels. Chaque mois, leur nombre baisse, car les initiatives menées par les femmes des Huttes de la paix permettent d'endiguer la violence avant qu'elle ne se produise » explique le Commandant de police du village de Weala, James Flomo.

Les femmes libériennes se réunissent dans les Huttes de la paix pour résoudre les différends et promouvoir une médiation communautaire qu'elles dirigent elles-mêmes. ONU Femmes appuie 16 Huttes de la paix dans le pays. Crédit photos: ONU Femmes /Sarah Douglas

Cette année, ONU Femmes et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) appuieront les Huttes de la paix en y intégrant un élément d'autonomisation économique, afin que les femmes aient la possibilité de poursuivre leur travail essentiel de consolidation de la paix. Chaque groupe peut choisir son propre projet - gérer une boulangerie ou une poissonnerie, par exemple - et le faire fonctionner collectivement sous forme de petite entreprise.

Les Huttes de la paix évoluant pour devenir de véritables lieux de règlement des conflits, elles se voient de plus en plus fréquentées par les hommes et les garçons. ONU Femmes et ses partenaires ont appuyé la création de clubs de football « anti-viol » destinés à regrouper les garçons de certaines des communautés dotées de Huttes de la paix, et ont organisé des groupes de discussion avec les dirigeants hommes et les garçons adolescents.

Au début, les Huttes de la paix ont mis l'accent sur les processus consistant à désamorcer les différends, à conseiller les femmes ayant connu des deuils et des traumatismes et à aider les ex-enfants soldats après la guerre civile. Puis, à partir de 2006, les femmes des Huttes de la paix ont commencé à recevoir les parties prenantes de différends pour examiner leurs cas. La méthodologie est basée sur le système traditionnel des huttes « Palava » : le plaignant et l'accusé ont l'opportunité d'exposer leurs griefs et leurs défenses respectives, puis le dirigeant local les aide à parvenir à un accord qu'ils considèrent tous les deux comme juste, afin de rétablir la paix.

Le rôle joué par les femmes des Huttes de la paix pour maintenir la paix au sein des communautés est de plus en plus apprécié. Les femmes des communautés se considèrent désormais comme des actrices essentielles en matière de consolidation de la paix et de règlement des conflits.