Des mères éclairent leurs foyers et leurs communautés en Tanzanie rurale

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« Auparavant, ma mère restait toute la journée à la maison, mais depuis qu’elle est revenue, c’est une ingénieure et une leader. Elle fait partie du conseil du village. Quand je serai grande, moi aussi je serai une leader. Peut-être même que je serai présidente », raconte une petite fille de 10 ans du village de Chekeleni.

Enfants faisant leurs devoirs en fin de journée grâce aux lampes solaires du village de Chekeleni, près de Mtwara, en Tanzanie. Crédit Photo : VSO/Ben Langdon.
Enfants faisant leurs devoirs en fin de journée grâce aux lampes solaires du village de Chekeleni, près de Mtwara, en Tanzanie. Crédit Photo : VSO/Ben Langdon.
Il y a un peu plus d’un an, les maisons dans le village de Chekeleni plongeaient dans la pénombre dès le coucher du soleil. Désormais, les femmes de ces villages reculés peuvent cuisiner la nuit à la lumière d’une lampe solaire, tandis que leurs enfants font leurs devoirs du soir.

 

Six femmes ont amené la lumière à trois villages reculés au Sud de la Tanzanie dans les districts de Mtwara et Lindi. Au moins 200 ménages ont maintenant leurs propres installations solaires pour l’éclairage et autres besoins électriques.

Elles font partie des 25 mères et grands-mères analphabètes, issues du milieu rural de quatre pays africains, qui ont été envoyées au Barefoot College (littéralement, le « collège des pieds nus ») à Tilonia, en Inde dans le Sud du Rajasthan, pour suivre une formation en installation et maintenance de systèmes électriques solaires.

Ce programme fait partie de l’initiative « Les femmes rurales illuminent l’Afrique » un partenariat entre ONU Femmes et le Barefoot College initié en 2011. Apres six mois de formation, elles ont obtenu leur diplôme d’ingénieures en énergie solaires du Barefoot College et sont rentrées dans leur village en Afrique afin d’électrifier les maisons à l’aide de panneaux solaires, en prenant l’engagement de réparer et d’entretenir ces appareils durant au moins cinq ans.

« Nous espérons que cela va encourager d’autres femmes qui veulent œuvrer pour le changement et éradiquer la pauvreté » explique Mariam Luwongo, une des ingénieures de Nitekela.

Non seulement ces femmes apportent l’électricité à leur communauté pour la première fois, mais elles introduisent aussi une source d’énergie renouvelable et durable qui peut être maintenue et répliquée dans d’autres communautés.

Les six ingénieures solaires (de gauche à droite) montrant fièrement leurs matériel servant à installer les panneaux solaires : Esha Mohamed Mwanga, Sofia Hamisi Mnandi, Amina Hassani Nachingulu, Fatima Mohamed Mzungu, Mariam Issa Luwongo and Arafa Mwamba Halfani. Crédit photo: Lesley Reader
Les six ingénieures solaires (de gauche à droite) montrant fièrement leurs matériel servant à installer les panneaux solaires : Esha Mohamed Mwanga, Sofia Hamisi Mnandi, Amina Hassani Nachingulu, Fatima Mohamed Mzungu, Mariam Issa Luwongo and Arafa Mwamba Halfani. Crédit photo: Lesley Reader

Bien qu’elles soient illettrées et d’origine modeste et qu’elles n’aient jamais quitté la Tanzanie auparavant, ces six premières ingénieures à tenter l’expérience ont réussi à mettre sur pied un système électrique solaire dans les semaines qui ont suivi leur retour, et ce, dans les trois petits villages de Chekeleni, Nitekela et Mkwajuni, près de la frontière du Mozambique.

L’équipement est actuellement acheté sur place afin d’assurer que toute la communauté puisse bénéficier de son propre système d’énergie solaire.

Les villageois paient leurs équipements en versements échelonnés sur cinq ans. Ces fonds servent aussi à payer le salaire des femmes ingénieures. Les ménages qui ont souscrit à l’initiative doivent payer un dépôt initial de 20.000 shillings (environ $12 USD), puis des mensualités qui s’élèvent à environ 60.000 shillings (environ 37$ USD par an). Ils reçoivent un panneau solaire de 20 watts, une batterie de 12 volts, un chargeur ainsi que trois lampes de 9 watts pour chaque foyer. Les équipements ont été assemblés par les femmes durant leur formation en Inde et ont été achetés et transportés en Tanzanie par ONU Femmes.

Le programme solaire offre des avantages visibles par l’ensemble de la communauté : économies sur le prix du kérosène[1] et sur le prix du chargement des téléphones portables[2]. D’autre part, les risques pour la santé et la sécurité diminuent puisque le kérosène, hautement inflammable, n’est plus nécessaire. 

L’ingénieure en énergie solaire, Arafa Mwamba Halfani, de Chekeleni, après avoir installé un des panneaux solaires de 20 watt. Photo crédit: VSO/Ben Langdon.
L’ingénieure en énergie solaire, Arafa Mwamba Halfani, de Chekeleni, après avoir installé un des panneaux solaires de 20 watt. Photo crédit: VSO/Ben Langdon. 

L’ingénieure en énergie solaire Arafa Halfani, venue de Chekeleni, affirme qu’elle et ses collègues sont satisfaites des compétences qu’elles ont acquises et qu’elles souhaitent les mettre au profit des communautés qui les entourent.

Un des effets secondaires du projet d’éclairage a été l’augmentation de la participation et de l’autonomisation des femmes au sein de la communauté. En effet, quatre des neuf membres des comités « Village Energie » sont des femmes et à Nitekela, le président du comité est également une femme. Cette formation en finance, leadership et gouvernance leur a permis de planifier et de mener efficacement leurs travaux sur le long terme.

Les trois « Village Energies » sont maintenant enregistrés comme des organisations communautaires, disposant de leurs propres comptes en banque. Ces femmes sont considérées comme des modèles.

Même les plus sceptiques ont changé d’avis. Dans un des villages, lors d’une première réunion où l’idée des ingénieures en énergie solaire a été présentée, l’un des aînés masculins de la communauté a émis des doutes quant à la capacité des femmes de faire ce travail. Quelques mois plus tard, il est venu voir ONU Femmes pour dire que les femmes ingénieures avaient installé un équipement dans sa maison et qu’elles avaient même réparé une panne. Il dit désormais jouir d’une meilleure vie grâce à la formation de ces femmes.

Les endroits convenablement éclairés offrent davantage de sécurité ; l’entrée de la plupart des maisons est éclairée à présent et ces lumières servent de lampadaire aux passants, permettant de réduire la violence, et notamment la violence à l’égard des femmes et des filles.

Signe du succès du programme, le Gouvernement indien a accepté de financer et de mettre en place un centre de formation en énergie solaire dans la ville de Mtwara en Tanzanie. Les six premières femmes formées au Barefoot College enseigneront les compétences qu’elles ont acquises en Inde à de nouveaux étudiants. L’inauguration de ce centre permettra au ministère du Développement communautaire d’étendre cette initiative à d’autres régions de Tanzanie.

Pour les « ingénieures en énergie solaire » comme Mariam et Arafa, l’énergie solaire leur a offert un nouveau départ, une place au sein de leur communauté et un avenir plus brillant.

Liens connexes :

Eclairer des vies: des femmes africaines sont formées à devenir des ingénieurs solaires « aux pieds nus »


[1]5000 shillings sont dépensés pour l’énergie solaire contre 6000 shillings mensuels pour le kérosène.
[2]Recharger un téléphone coûte 300 shillings sur le marché, et seulement 200 shillings grâce à l’énergie solaire.