Les femmes maliennes s’engagent pour des élections équitables et pacifiques

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« Les organisations féminines ont été des actrices impuissantes devant tout ce que nos sœurs ont subi. Nous sommes désormais dans une refondation nationale, je pense que celle-ci doit se faire de manière participative et inclusive, ce qui nous motive à nous impliquer dans le processus électoral » a dit Traoré Nana Sissako, juriste et présidente du Groupe Pivot droit et citoyenneté de la Femme (GP/DCF), qui cherche à impulser la participation politique des femmes du Mali.

Le 2 Juillet 2013, à Gao, nord du Mali, dans le cadre de l'appui MINUSMA pour le processus électoral du pays, des avions de l'ONU transportent de matériel électoral vers les centres régionaux du Nord, où le matériel est remis aux autorités locales.
Le 2 Juillet 2013, à Gao, nord du Mali, dans le cadre de l'appui MINUSMA pour le processus électoral du pays, des avions de l'ONU transportent de matériel électoral vers les centres régionaux du Nord, où le matériel est remis aux autorités locales. Photo: UN Photo/Blagoje Grujic

Depuis mars 2012, le Mali a connu une des crises sécuritaires et politiques les plus graves de son histoire, marquée par l’occupation de trois de ces principales régions (Kidal, Tombouctou, Gao) et un coup d’état. Les efforts conjugués au niveau national, sous régional, régional et international ont permis la récupération progressive de l’ensemble des régions sous occupation, le retour des populations déplacées et de l’administration.

L’élection présidentielle du 28 Juillet permettra au Mali d’amorcer le processus de réconciliation et de reconstruction. Au total, 27 candidats, dont une femme, se présentent à l’élection présidentielle. La campagne porte principalement sur la consolidation de la paix, le rétablissement de l’État, la reprise économique et l’emploi, surtout des jeunes, l’établissement d’une bonne gouvernance, la réforme du secteur éducatif, le développement du secteur de la micro-finance et enfin la mise en œuvre d’une politique de santé pour tous. L’autonomisation des femmes et les questions d’égalités sont également évoquées à travers la mise en place de fonds spécifiques pour les femmes, l’attention portée aux femmes rurales et enfin, le positionnement stratégique des femmes dans les organes de gestion.

Au Mali, les femmes ne représentent que 10 pour cent du parlement et seulement 8 pour cent des élues/s locaux. En 2007, lors des dernières élections présidentielles, le Mali a enregistré pour la première fois une candidature femme qui a obtenu moins de 1 pour cent des suffrages exprimés.

ONU Femmes a appuyé le gouvernement malien dans l’élaboration d’une stratégie et d’un plan d’action « Genre et élection ». Cette stratégie, lancée par le Premier ministre en Mai 2013, vise la participation et la représentation accrues des femmes aux élections générales sur la période 2012-2015. L’objectif est d’améliorer le niveau de représentativité des femmes dans les instances politiques nationales.

Quatre séries d’initiatives sont en cours de mise en œuvre par les organisations féminines de la société civile, le Ministère en charge du Genre en vue d’une plus forte participation des femmes au processus électoral avec l’appui d’ONU Femmes et de ses partenaires que sont le Pays-Bas, le PNUD et l’Union Européenne. Ces initiatives visent à inciter les femmes à voter sur la base d’une analyse « genre » des programmes de société des candidats. Près de 2 millions de femmes et de jeunes vont être touchés avant les élections par l’ensemble de ces actions aussi bien directement que par les médias.

ONU Femmes a soutenu la mise sur pied d’une plateforme de veille des femmes pour des élections sans violence et équitables au Mali. Inspirée principalement de ce qui s’est fait au Sénégal et en Sierra Leone, la plateforme est tout d’abord un espace d’échange et d’information pour les électrices maliennes. Chaque jour, des conférenciers viennent débattre à leurs côtés, sur une série de thèmes cruciaux tels que : l’importance du vote féminin, l’impact de la violence électorale sur le vote des femmes, le rôle de la jeunesse en période électorale, le rôle des médias dans la préservation de la paix, etc. L’aspect pratique des élections est également évoqué. Le processus de distribution des cartes d’électeurs NINA (Numéro d’Identification National) est passé en revue tout comme les différentes étapes du vote et du scrutin (dépouillement, compilation, etc.).

Traoré Nana Sissako, présidente de la plateforme de veille des femmes pour les élections au Mali, montre sa carte d’électeur avec son Numéro d’Identification National (NINA).
Traoré Nana Sissako, présidente de la plateforme de veille des femmes pour les élections au Mali, montre sa carte d’électeur avec son Numéro d’Identification National. Photo: ONU Femmes/Alexis De Herde

La plateforme est active au Mali depuis juillet et a déjà accueilli près de 2.500 femmes et jeunes. Un site web consacré spécifiquement aux activités de la plateforme, a été lancé le 23 juillet. Mis à jour quotidiennement, il va inclure un forum de discussion et sera mis à disposition des internautes pour les impliquer aux débats.

Nana Sissako, présidente de la plateforme, indique que cette initiative donnera pour la première fois l’opportunité aux femmes de s’imprégner des programmes de société des différents candidats. « C’est quelque chose qui, avant, ne se faisait pas. Elles vont pouvoir exprimer leurs préoccupations aux candidats pour qu’ils puissent éventuellement revoir leur programme en fonction des besoins exprimés. Les femmes ne voteront plus pour des t-shirts ou du thé mais pour des programmes, elles voteront « utile et responsable »

Chaque candidat à l’élection présidentielle est invité à la plateforme pour exposer son programme en matière d’équité de genre et d’autonomisation des femmes. Moussa MARA, du parti « Yelama », est le premier candidat à être passé par la plateforme de veille et a déclaré : « Si je suis élu, mon gouvernement comportera 30 pour cent de femmes ».

Madame Djourté Fatimata Dembélé – participante à la plateforme de veille des femmes pour des élections sans violence et équitables, dira aussi : « C’est important pour moi de voter car je veux quelqu’un qui a en souci le devenir de ce pays, le développement durable de ce pays. Ce dernier ne peut pas se concevoir sans qu’on prenne en considération les préoccupations des femmes, la participation des femmes d’une manière active à la vie politique, à la vie du pays à tous les niveaux. C’est pour ça que je vais aller voter ! »

En complément à la plateforme de veille, la caravane nationale des femmes et des jeunes pour la paix va permettre d’enrichir le dialogue électoral. La caravane parcourra, entre les deux tours de l’élection présidentielle, l’ensemble du Mali pour appeler à des élections pacifiques. Soutenu par des personnalités publiques, notamment issues du monde artistique, ainsi que des femmes en provenance d’autres pays comme la Côte d’Ivoire, la Guinée, le Sénégal, la caravane permettra l’organisation de débats communautaires sur la nécessité d’avoir des élections apaisées, sans violence post-électorale.

Haïdara Aïchata Cissé, candidate à l’élection présidentielle du Mali, rencontre des membres de la société civile pendant la campagne.
Haïdara Aïchata Cissé, candidate à l’élection présidentielle du Mali, rencontre des membres de la société civile pendant la campagne. Photo cédée par la campagne Chato.

En termes de soutien aux femmes candidates, le réseau panafricain « Women in Law and Development in Africa » WILDAF – partenaire d’ONU Femmes – est mobilisée pour l’unique candidate à l’élection présidentielle au Mali, Mme Haïdara Aïchata Cissé dite « Chato ». Députée élue à Bourem de la région de Gao. Egalement femme d’affaires et syndicaliste, elle donne une place prépondérante aux femmes dans son programme. Elle veut faciliter l’accès des jeunes, des femmes et du monde rural au financement de leurs activités économiques. Elle souhaite également mettre en place une bourse d’entraide sociale pour les mères des familles les plus défavorisées et les encourager à maintenir leurs enfants à l’école tout en renforçant et améliorant la couverture sociale.

« Il n’y a pas de fatalité aux inégalités de genre », dit-t-elle, « C’est une question de priorité politique … il est impossible d’emprunter résolument le chemin de la prospérité sans les femmes. Ce sont elles en fin qui traduisant le niveau de développement d’un pays. Mon axe central porte sur le développement et la place des femmes. C’est deux aspects sont liés. C’est le même défi à relever. »

La campagne « Femme : le vote est ton premier droit » a été lancée début juillet, par Madame la Ministre de la promotion de la femme, de l’enfant et de la famille, Mme Alwata Ichata Sahi. La campagne s’est déjà déroulée dans deux régions du Mali en présence de plus de 5.000 femmes et jeunes et va être mise en œuvre dans l’ensemble des régions du Mali. 

Selon Rachelle Mian, Directrice d’ONU Femmes au Mali l’engagement des femmes durant ce processus électoral est encourageant: « J’ai été agréablement surprise du succès de la plateforme auprès des femmes et de l’engouement pour prendre part aux débats. … Les débats m’ont permis d’avoir une certitude : le vote des femmes sera bien mesuré et ira là ou leurs besoins pratiques et stratégiques seront prises en compte. En un mot, le vote des femmes sera « utile » pour elle et pour leur famille. » 

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