En créant une nouvelle réalité, les étudiantes et étudiants disent non au harcèlement sexuel dans tout le Bangladesh

Partout, les femmes en ont assez. Où qu’elles soient dans le monde, elles disent #metoo et ne sont plus disposées à subir du harcèlement sexuel en silence. Dans de nombreuses villes du Bangladesh, le harcèlement sexuel contre les femmes est une réalité quotidienne. Un projet mis en œuvre par le Bangladesh National Women Lawyers Association (BNWLA) et ONU Femmes dans quatre grandes universités du pays fait participer les étudiants et les étudiantes, ainsi que les enseignants, à la lutte contre les stéréotypes, à s’exprimer ouvertement et à apprendre à prévenir le harcèlement sexuel. Koyesh Miah de l’Université des sciences et des technologies de Shahjalal et Sumaya Rahman Kanti de l’Université de Rajshahi se sont récemment entretenues avec ONU Femmes à propos de leur expérience. Elles aussi en ont assez et refusent de regarder en silence ce qui se passe.

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Les étudiants se réunissent pour partager leur expérience et s'organiser pour prévenir le harcèlement sexuel sur le campus.
Les étudiants se réunissent pour partager leur expérience et s'organiser pour prévenir le harcèlement sexuel sur le campus.

À leur avis, c’est simple. « Apprenons à respecter les femmes comme nos égales ! » déclare Koyesh Miah, une étudiante de 23 ans de Sylhet.

Dans les foyers, les écoles et les lieux publics à travers le Bangladesh, les femmes et les filles doivent faire face au harcèlement sexuel tous les jours. « De nombreux hommes au Bangladesh ne considèrent pas les femmes comme leurs égales, en quelque façon que ce soit. La violence basée sur le genre et le harcèlement sexuel sont considérés comme des choses normales », fait ressortir Miah. « En grandissant, nous avons vu la discrimination se manifester partout contre les filles. Elles ont moins de nourriture et une éducation moins bonne que les garçons ; tout au long de leur vie, moins de possibilités se présentent à elles qu’à leurs homologues masculins ».

Ne laisser aucune personne pour compte...

Koyesh Miah et un ami. Photo : Kamrul Hasan Sabbir
Koyesh Miah et un ami. Photo : Kamrul Hasan Sabbir

« Avant de nous joindre au groupe qui anime la campagne, nous étions nombreux à penser qu’il [le harcèlement sexuel] était un jeu anodin... Nous ne nous rendions pas compte à quel point notre comportement affecte les femmes et les filles.

À travers la campagne, les étudiants ont eu l’occasion d’écouter leurs compagnes de classe faire état de ce qu’elles ressentent à propos du harcèlement sexuel. Elle nous a permis de comprendre dans quelle mesure ce comportement supposément “drôle” humilie les femmes et les filles... comment il affecte leur estime de soi, leur confiance, leurs déplacements et les possibilités qui s’offrent à elles.

Aujourd’hui, je sais comment élever la voix contre le harcèlement sexuel. Quand une fille fait face au harcèlement sexuel en ma présence, je n’hésite plus maintenant à protester ».

Jusqu’à récemment, Miah était une spectatrice silencieuse, comme beaucoup d’autres le sont lorsque des hommes harcèlent sexuellement les femmes. Depuis sa participation au projet « Renforcement des capacités pour prévenir la violence contre les femmes », mis en œuvre par ONU Femmes et le Bangladesh National Women Lawyers Association (BNWLA), les choses changent, et Miah comprend parfaitement la gravité des effets du harcèlement sexuel et est prête à y faire face de front.

Le projet, qui a débuté il y a deux ans (en octobre 2015), a été lancé dans quatre principales universités du Bangladesh : l’Université des sciences et des technologies de Shahjalal à Sylhet, l’Université East West de Jahangirnagar, l’Université de Dhaka, la capitale du Bangladesh, et l’Université de Rajshahi à Rajshahi - grâce au généreux soutien de l’ambassade de Suède à Dhaka. Le projet a permis de mettre sur pied des comités de prévention du harcèlement sexuel (SHPC) qui se réunissent chaque semaine ou chaque mois, et de fournir un endroit sûr où les étudiantes peuvent partager leur expérience et s’organiser pour prévenir le harcèlement sexuel sur le campus.

Au cours de l’une des réunions à laquelle Miah a participé sur le campus, une étudiante a parlé de la façon dont son amie était harcelée par un garde devant leur foyer. Lorsque le harcèlement s’est aggravé, elle l’a signalé. Le gardien a été transféré, mais il n’a pas été renvoyé. Miah utilise cette circonstance comme un exemple et dit qu’ « elle nous a fait nous rendre compte à quel point il est difficile pour les filles de se sentir en sécurité lorsqu’une personne qui est censée les protéger se comporte de cette façon ».

À l’autre bout du pays, Sumaya Rahman Kanti, âgée 21 ans et étudiante à l’Université de Rajshahi située dans la partie nord-ouest du Bangladesh, croit fermement qu’il est essentiel d’associer les hommes dans des campagnes contre le harcèlement sexuel. Elle déclare : « Les hommes doivent dire non fermement au harcèlement sexuel d’abord, et agir en conséquence. Ils ne devraient pas rester passifs dans toute situation où une fille est harcelée, mais plutôt prendre des mesures immédiates pour prévenir toute forme de harcèlement sexuel ou de violence ».

Ne laisser aucune personne pour compte..

Sumaya Rahman Kanti. Photo: Anisur Rahman Anis
Sumaya Rahman Kanti. Photo: Anisur Rahman Anis

« Les femmes sont harcelées régulièrement, quelle que soit leur apparence, ce qu’elles portent, leur niveau d’éducation et leurs antécédents familiaux.

Des lois existent, mais elles ne sont pas appliquées… Les femmes ne devraient pas attendre que quelqu’un les protège ou intervienne pour leur compte. Si nous ne demandons pas justice, si nous ne demandons pas de changement, personne ne viendra de l’avant ».

Kanti connaît personnellement l’impact du harcèlement sexuel : « En tant qu’étudiante, je sais comment d’autres filles souffrent, et les types de barrières et d’obstacles qu’elles doivent surmonter. J’ai subi ce harcèlement moi aussi, et je ne veux pas que n’importe quelle autre fille subisse ce que j’ai souffert ; je veux faire comprendre aux gens que naître fille dans notre société n’est pas un péché ».

ONU Femmes a aidé dans l’établissement et l’élargissement de mécanismes sur le campus de chacune des quatre universités visant à prévenir la violence et à apporter du soutien aux victimes. Les comités de prévention du harcèlement sexuel se chargent maintenant de permanences téléphoniques dédiées, entre autres formes d’assistance, et ils ont clairement défini les procédures à suivre dans les enquêtes, la manière de référer des cas aux autorités universitaires et les modalités d’application de la loi.

« Pour changer la culture, il faut commencer avec les jeunes », déclare Mahatabul Hakim, chargée de l’analyse des programmes nationaux pour le compte d’ONU Femmes au Bangladesh. « Nous avons lancé ce projet, car une intervention devenait urgente. Une enquête menée par ONU Femmes en 2013 a montré que 765 étudiantes sur un nombre total de YYY étaient confrontées au harcèlement sexuel sur les campus universitaires au Bangladesh. Le projet a ciblé les étudiants et les étudiantes, afin qu’ensemble ils puissent créer une nouvelle normalité des choses en refusant d’accepter que le harcèlement sexuel contre les femmes continue ».

Tant Miah que Kanti estiment que ces campagnes sur leur campus ont été extrêmement utiles. Kanti a vu se produire un changement sur le campus et parmi les dirigeants des syndicats d’étudiants, qui sont affiliés à différents partis politiques. Elle dit : « Avant la campagne, de nombreux dirigeants politiques abusaient de leur pouvoir pour harceler des étudiantes. Cependant, cette année, ils se sont impliqués dans notre campagne, et ils se sont engagés à protester et à prendre les mesures nécessaires pour prévenir toute forme de harcèlement qu’ils voient se produire ».

Koyesh Miah est d’accord, et ajoute : « Aujourd’hui je sais comment élever la voix contre le harcèlement sexuel. Quand une fille fait face au harcèlement sexuel en ma présence, je n’hésite plus maintenant à protester ».

À travers le théâtre, la musique, les arts et le sport, les élèves et les professeurs ont sensibilisé 20 000 personnes au cours des deux dernières années. La dynamique en faveur du changement s’accélère à mesure que d’autres étudiantes comme Kanti et Miah s’engagent pour mettre fin au harcèlement sexuel et remettent en question les différentes formes d’inégalité entre les sexes dans leur vie quotidienne.

Pour la prochaine étape du programme, ONU Femmes a initié une collaboration avec les autorités universitaires visant à renforcer la réponse institutionnelle à la violence contre les femmes sur le campus. Des contrôles de sécurité ont été effectués dans les quatre universités ; les autorités subiront un entraînement sur la budgétisation sensible au genre, afin que des ressources appropriées soient affectées à la prévention de la violence ; et des mécanismes de responsabilisation dans ces universités seront également renforcés.