Les droits des femmes à l’époque et aujourd’hui : « Nous devons raviver l’espoir. »

Entretien avec Flutura Xhabija, sur sa participation à la quatrième Conférence mondiale sur les femmes à Beijing en 1995 et les raisons pour lesquelles le Programme d’action de Beijing n’a rien perdu de sa pertinence aujourd’hui.

À 76 ans, Flutura Xhabija est une pionnière des affaires et du plaidoyer, et la fondatrice de l’Association nationale des femmes entrepreneures artisanes en Albanie. En 1995, elle faisait partie des quelques femmes albanaises qui se sont rendues à la quatrième Conférence mondiale sur les femmes à Beijing, où elle a pu observer de ses propres yeux toute la puissance du militantisme mondial.

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Flutura Xhabija, 76 ans, avec des photographies de sa participation à Beijing en 1995. Photo : ONU Femmes/Yllka Parllaku
Flutura Xhabija, 76 ans, avec des photographies de sa participation à Beijing en 1995. Photo : ONU Femmes/Yllka Parllaku

La Conférence de Beijing en 1995 : un moment historique pour les droits des femmes

« Cinq ans après la transition démocratique en Albanie, les informations étaient limitées, il y avait peu d’organisations de la société civile, et encore moins d’expérience, mais nous étions très déterminées. À Tirana, à l’époque, les Nations Unies avaient sollicité les quelques organisations dirigées par des femmes afin qu’elles participent à la quatrième Conférence mondiale sur les femmes », se souvient Mme Xhabija. Elle était ravie, et fière, car elle suivait les pas de sa mère dans le militantisme.  

« Nous avons pris le train à destination de Beijing en Chine – le train de la paix, le train des femmes à Varsovie », raconte-t-elle. « Nous étions 200 représentantes du monde entier, voyageant ensemble avec une mission commune. Les wagons étaient bien plus qu’un moyen de transport – ils ont également été des lieux de rencontre où nous avons discuté de stratégies en faveur de l’égalité des sexes. » 

« Ce qui m’a frappée lors de la Conférence de Beijing, c’était l’immense liberté d’expression dont jouissaient les personnes. »

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Détail d’une brochure présentant l’itinéraire du « Beijing Express », qui a transporté 200 représentantes du monde entier de Varsovie en Pologne jusqu’à Beijing en Chine. Les wagons étaient bien plus qu’un moyen de transport – ils ont également été des lieux de rencontre où les militantes ont discuté de stratégies en faveur de l’égalité des sexes.
Détail d’une brochure présentant l’itinéraire du « Beijing Express », qui a transporté 200 représentantes du monde entier de Varsovie en Pologne jusqu’à Beijing en Chine. Les wagons étaient bien plus qu’un moyen de transport – ils ont également été des lieux de rencontre où les militantes ont discuté de stratégies en faveur de l’égalité des sexes. Photographies courtoisie de Flutura Xhabija.

De 1995 à 2025 : ce qui a changé pour l’égalité des sexes et les défis qui restent à surmonter

S’agissant de l’impact de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing sur la vie des femmes en Albanie, Mme Xhabija a répondu : « L’impact a été indéniable en Albanie ». « [Le Programme d’action de] Beijing était un élément nouveau pour l’Europe – cela a eu un impact considérable [à l’échelle régionale]. L’objectif principal était de faire savoir que nous n’étions pas seules, de souligner l’importance de travailler de manière indépendante dans notre propre pays, tout en promouvant également une coopération internationale. La Déclaration et le Programme d’action de Beijing ont joué un rôle majeur dans cette aventure. » 

Au sujet des progrès réalisés depuis 1995, Mme Xhabija estime que les femmes connaissent mieux leurs droits et qu’elles inspirent leurs paires en tant que femmes mentors. « L’entrepreneuriat des femmes est un domaine dans lequel j’ai observé le plus de progrès. Nous avons activement participé aux discussions des chambres de commerce sous l’égide du ministère de l’Économie et du ministère des Finances, pour plaider en faveur du rôle des femmes dans les affaires. » 

« Toutefois, nous avons encore besoin de politiques plus solides pour aider les femmes à concilier leur vie professionnelle et leur vie familiale », ajoute-t-elle. « Il faut développer les services de garde d’enfants afin que les femmes n’aient pas à choisir entre leur carrière et la maternité. »

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En 1995, Flutura Xhabija (à droite) faisait partie des quelques femmes albanaises qui se sont rendues en train à la quatrième Conférence mondiale sur les femmes à Beijing, où elle a pu observer de ses propres yeux toute la puissance du militantisme mondial.

«  Ce qui m’a frappée lors de la Conférence de Beijing, c’était l’immense liberté d’expression dont jouissaient les personnes. »

Flutura Xhabija (à droite) photographiée à Pékin en 1995.

Quel avenir pour l’égalité des sexes et les droits des femmes en Albanie et dans le monde

« On ne peut pas instaurer l’égalité des sexes simplement avec des mots », explique Mme Xhabija. « Nous avons consacré trop de temps aux rapports, aux publications et aux discours. Plutôt que de nous contenter de mobiliser les responsables politiques, nous devons travailler directement avec les populations, en particulier les communautés marginalisées dans les zones urbaines et rurales, qui sont souvent oubliées. » 

« Notre approche doit être active, individualisée et pratique. Nous devons nous engager à soutenir ces femmes dans le cadre de projets, de financements et d’initiatives de formation ciblées. Et tout le monde doit être inclus, sans aucune exception, des plus jeunes aux plus âgés – tout le monde a un rôle à jouer. Nous devons raviver l’espoir. » 

Mme Xhabija évoque un certain nombre de priorités pour son pays et sa communauté : « Il est urgent d’investir dans l’éducation en Albanie. Investir dans les entreprises de femmes et garantir des services de garde d’enfants abordables. Investir dans le sport et l’art, afin de permettre aux gens de se divertir et de se faire plaisir. »

Conseils aux jeunes féministes d’aujourd’hui

« Comprenez l’esprit des gens », recommande Mme Xhabija. « Aujourd’hui, les grands esprits se rassemblent – des personnes qui comprennent que les talents, le potentiel, l’énergie et les connaissances des femmes sont encore inutilisés. » Pour Mme Xhabija, il est temps d’avancer et de refuser de faire marche arrière.