Pour toutes les femmes et les filles : « Travaillez avec nous et pas seulement pour nous », exhorte une militante rohingya
#PourToutesLesFemmesEtLesFilles est un appel mondial à l’action qui marque le 30e anniversaire de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing. Lucky Karim, jeune réfugiée rohingya, incarne cet état esprit avec force.
Née dans le nord de l’État de Rakhine, au Myanmar, Lucky Karim n’avait que 14 ans lorsque des violences génocidaires ont forcé sa famille à fuir le pays, le 25 août 2017. Pendant sept jours éprouvants, elle a traversé montagnes et rivières avec sa mère et ses deux jeunes frères pour rejoindre les camps de réfugiés rohingyas de Cox’s Bazar, au Bangladesh. C’est aujourd’hui le plus vaste camp de réfugiés au monde, abritant plus d’un million de personnes. Son père, emprisonné par l’armée birmane, n’a pas pu s’enfuir avec eux.
Dans ces camps surpeuplés, où les réfugiés vivent dans des abris de fortune faits de bambou et de bâches, Lucky Karim était déterminée à poursuivre ses études. « J’ai payé des cours particuliers d’anglais et de mathématiques grâce à mon travail pour des organisations humanitaires », confie-t-elle. En tant qu’interprète et militante pour l’égalité des genres, elle a facilité la communication entre les réfugiés rohingyas, le personnel humanitaire et les journalistes.
Sa détermination lui a ouvert des portes : en 2019, Lucky Karim est devenue l’une des premières filles de son camp à intégrer l’Université asiatique pour femmes au Bangladesh. Elle a ensuite fait du porte-à-porte pour encourager les familles à scolariser leurs filles.
Depuis son installation aux États-Unis en décembre 2022, Lucky Karim poursuit ses études en ligne et prépare son inscription dans une université américaine.

Les femmes rohingyas, porteuses du changement dans les camps de réfugiés
Consciente du pouvoir du leadership féminin, Lucky Karim a fondé Refugee Women for Peace and Justice (RWPJ), la première organisation à but non lucratif dirigée par des réfugiées rohingyas à être enregistrée, qui opère à la fois aux États-Unis et dans les camps de réfugiés du Bangladesh.
L’organisation œuvre à la prévention des violences basées sur le genre et des mariages d’enfants, ainsi qu’à la promotion du leadership des femmes réfugiées. Ses bénévoles proposent des cours d’alphabétisation, des formations de sensibilisation juridique et des séances sur les droits humains, afin d’aider les femmes et les filles à accéder à l’éducation et aux services.
« Nous commençons par des choses simples : apprendre à écrire son nom et à signer des documents », explique Lucky Karim. « Nous instaurons ensuite un climat de confiance et engageons des discussions plus approfondies sur la violence, les mariages précoces et la traite des êtres humains ».
Dans un contexte où les normes restrictives confinent souvent les femmes et les filles chez elles, les initiatives locales menées par des femmes, telles que RWPJ, sont essentielles. Cependant, le leadership de Lucky Karim a fait d’elle la cible de menaces de la part de groupes organisés au sein des camps.
« Je n’étais plus en sécurité, mais je ne voulais pas arrêter mon travail », affirme- t-elle.
Grâce au UNHCR, elle et sa famille ont été réinstallées aux États-Unis pour leur propre sécurité. Son engagement envers sa communauté demeure toutefois inébranlable. En mars 2025, Lucky Karim est devenue la première réfugiée rohingya réinstallée à retourner dans les camps au Bangladesh, afin de contribuer à créer un réseau de nouvelles femmes leaders chargées d’instaurer le changement de l’intérieur.

Les besoins des réfugiées rohingyas : une meilleure éducation, plus de sécurité et une représentation accrue
Lucky Karim plaide pour une amélioration urgente des conditions de vie dans les camps, et pour des solutions à long terme, telles qu’un retour sûr, volontaire et digne au Myanmar.
« Nous avons besoin d’une sécurité renforcée, d’une meilleure éducation formelle pour les adolescentes et de moyens de subsistance accrus pour les femmes et les familles », souligne-t-elle. Si des « espaces adaptés aux enfants » permettent aux plus jeunes de suivre une scolarité élémentaire, il n’existe aucune scolarisation formelle pour les adolescentes et les jeunes femmes au sein des camps.
« Les gens considèrent les femmes et les filles réfugiées comme incapables, mais je suis la preuve que nous sommes fortes », déclare Lucky Karim. Son message à l’intention des décideurs politiques et des organisations : « Travaillez avec les réfugiées, pas seulement pour les réfugiées. Donnez-nous une chance et constatez par vous-même notre potentiel. Nous sommes fortes et capables ; nous avons juste besoin que vous nous ouvriez la porte ».

La Déclaration de Beijing et le leadership des femmes réfugiées
Adoptés en 1995, la Déclaration et le Programme d’action de Beijing reconnaissaient les défis propres aux femmes réfugiées et exigeaient qu’elles puissent exercer un leadership dans les décisions qui affectent leur vie, qu’il s’agisse de la gestion des camps ou de solutions à long terme.
Trente ans plus tard, Lucky Karim souligne que ces exigences demeurent urgentes pour les filles rohingyas : « Beijing+30 est centré sur l’action. Les femmes réfugiées doivent être présentes à la table des décisions. Il faut non seulement les consulter, mais aussi les impliquer véritablement dans le processus. C’est nous qui vivons ces réalités. Nous savons ce qui doit changer. »

Le soutien d’ONU Femmes aux femmes et aux filles rohingyas
Le parcours de plaidoyer de Lucky Karim a débuté dans les camps de réfugiés de Cox’s Bazar, avec le soutien d’ONU Femmes. « ONU Femmes a été la première organisation à croire en mon leadership. Elle m’a offert un espace sûr, des outils et la possibilité de participer à des événements et à des discussions. »
Seule agence des Nations Unies consacrée à la promotion de l’égalité des genres pour toutes les femmes et les filles, ONU Femmes est présente sur le terrain depuis le début de la crise des Rohingyas en 2017. Avec ces huit centres polyvalents pour femmes et à des marchés gérés par des femmes, ONU Femmes a facilité l’accès de plus de 120 500 femmes à des services multisectoriels en 2024 et a fourni des informations et une assistance vitales à plus de 51 600 réfugiées.
En investissant dans le leadership et la voix des femmes réfugiées, des organisations telles qu’ONU Femmes, aux côtés de jeunes leaders comme Lucky Karim, œuvrent à la construction d’un monde plus sûr et plus juste pour toutes les femmes et les filles.