Ne laisser aucune fille pour compte dans l’éducation

Des décennies de recherche nous ont appris que lorsque les filles et les femmes reçoivent une éducation, on constate une réduction plus rapide de la pauvreté, une meilleure santé maternelle, une baisse de la mortalité infantile, une meilleure prévention du VIH et une réduction de la violence. Chaque année de scolarité supplémentaire peut également permettre à une fille, une fois parvenue à l’âge adulte, d’avoir des revenus jusqu’à 20 pour cent supérieurs.

Ne laisser aucune fille pour compte dans l’éducation

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Des élèves dans la cour de l’école primaire Angelina Jolie dans le camp de réfugiés de Kakuma, au Kenya. Photo : ONU Femmes/Ryan Brown
Des élèves dans la cour de l’école primaire Angelina Jolie dans le camp de réfugiés de Kakuma, au Kenya. Photo : ONU Femmes/Ryan Brown

Au moment où les leaders du monde se réunissent pour le Sommet sur la transformation de l’éducation en ce mois de septembre, nous devons nous rappeler que tous les enfants méritent d’apprendre et que, malgré les grands progrès réalisés dans l’éducation des filles au cours des dernières décennies, les filles des ménages les plus pauvres et des zones rurales sont toujours laissées pour compte. Selon le nouveau rapport d’ONU Femmes et de l’ONUDAES, Progrès vers la réalisation des Objectifs de développement durable : Gros plan sur l’égalité des sexes, même sans les retombées du COVID-19, il faudra encore au moins 54 ans pour que toutes les filles suivent une scolarité complète à l’école primaire.

Le rapport cite également des données récentes de 29 pays montrant que les écarts dans l’achèvement du deuxième cycle du secondaire peuvent varier de 11,5 à 72,2 points de pourcentage entre les filles des milieux ruraux les plus pauvres et les filles des milieux urbains les plus aisées.

La discrimination fondée sur la race, l’origine ethnique, la religion, le statut migratoire et les handicaps peut également perturber l’éducation. Les enfants handicapés ont moins accès à l’éducation de la petite enfance, selon les données de 42 pays, et la disparité est plus grande pour les filles (seulement 18 pour cent des filles ayant une ou plusieurs difficultés fonctionnelles ont suivi un programme d’éducation de la petite enfance, contre 28 pour cent des filles qui n’ont pas de difficultés). Et les perturbations de l’éducation liées à la pandémie ont encore aggravé les inégalités d’apprentissage pour les filles et les jeunes femmes.

Femmes âgées de 20 à 29 ans ayant terminé le deuxième cycle du secondaire, par lieu et niveau de revenu, pour les pays sélectionnés, 2015-2019 (pourcentage)

 

Le COVID-19 aggrave les inégalités existantes

Plus de deux ans maintenant après le début de la pandémie, malgré la réouverture de la plupart des écoles, les perturbations de l’éducation laisseront des impacts durables, en particulier chez les filles marginalisées et vulnérables. Par exemple, le rapport Gros plan sur l’égalité des sexes révèle que dans les régions rurales du Pakistan, les pertes d’acquis sont plus élevées chez les filles que chez les garçons dans toutes les matières. Dans les États mexicains du Campeche et du Yucatan, la proportion d’élèves de 10 ans capables de comprendre des textes simples a diminué de 25 points de pourcentage parmi ceux dont le statut socio-économique est faible, contre 15 points de pourcentage pour ceux issus de milieux socio-économiques plus aisés. Au niveau mondial, près de 130 millions de filles ne sont pas scolarisées, et plus de la moitié d’entre elles se trouvent dans des pays touchés par des crises. En Afghanistan, les filles ne sont même plus autorisées à fréquenter l’école secondaire.

Pour résoudre ces problèmes, il faut du temps et des ressources, et pourtant moins de 3 pour cent des fonds de relance COVID-19 ont été consacrés à l’éducation.

Le COVID-19 a également entraîné une augmentation du nombre des grossesses chez les adolescentes, ce qui aggrave encore la menace pour l’éducation des filles. Le rapport Gros plan sur l’égalité des sexes révèle qu’au Kenya, au Rwanda, en Ouganda et en République-Unie de Tanzanie, 56 pour cent des adolescentes issues de populations difficiles à atteindre et qui ont abandonné l’école au début de la pandémie étaient ou avaient été récemment enceintes. La pandémie a également exposé les filles à un risque accru de violences basées sur le genre, de troubles de santé mentale et d’insécurité alimentaire et économique.

Les maladies et les décès liés au COVID-19 chez les adultes en charge des enfants ont également entraîné une baisse des résultats scolaires. En octobre 2021, plus de 5 millions d’enfants avaient perdu un parent ou un aidant principal à cause du COVID-19. Pour les adolescentes d’Afrique subsaharienne, ces décès ont accru leur risque d’être exposées à des violences sexuelles, à l’exploitation, aux infections par le VIH et de baisse du niveau d’instruction.

Opportunités manquées dans la technologie et l’innovation

Le rapport note également que des normes et des stéréotypes sexistes, ancrés de longue date dans les programmes, les manuels et l’enseignement, compromettent les choix d’études et de carrière des filles. À l’échelle mondiale, les jeunes femmes sont plus nombreuses que les hommes dans l’enseignement supérieur, mais dans les domaines des sciences, des technologies, de l’ingénierie et des mathématiques (STEM), les femmes ne représentent que 35 pour cent des étudiants, et dans les TIC, elles ne représentent que 3 pour cent.

Dans tous les pays, les filles sont détournées du domaine des STEM. Les enseignants et les parents, intentionnellement ou par inadvertance, perpétuent des préjugés sur le type le travail qui « convient » aux femmes et aux hommes. Aux Philippines, dès 10 ans, des filles perdent tout intérêt pour les matières STEM, percevant ces carrières comme dominées par les hommes et estimant que les filles sont naturellement moins qualifiées dans ce domaine. En l’absence de modèles féminins dans les STEM, ces perceptions sont continuellement renforcées. Les femmes ne représentent que 19,9 pour cent des professionnels des sciences et de l’ingénierie.

Les disparités dans les études et les carrières des STEM sont encore plus importantes pour les femmes et les filles défavorisées par le poids conjugué du genre et d’autres vulnérabilités. Le rapport révèle qu’aux États-Unis, les femmes noires et hispaniques dans les STEM gagnent environ 20 000 dollars US par an de moins que la moyenne pour les emplois STEM et environ 33 000 dollars US de moins que leurs homologues masculins blancs.

Nous devons saisir l’opportunité offerte par le Sommet sur la transformation de l’éducation – qui réunit un grand nombre dirigeants et d’experts – pour prendre des engagements audacieux et transformateurs qui font progresser l’éducation des filles, notamment en encourageant un plus grand nombre de filles à se lancer dans les domaines des STEM et en donnant la priorité aux résultats d’apprentissage et d’éducation de filles des communautés marginalisées qui sont les plus à risque. Nous poursuivrons sur cette lancée l’année prochaine, lorsque la 67e session de la Commission de la condition de la femme se réunira sur le thème « Innovation et changement technologique et éducation à l’ère numérique pour parvenir à l’égalité des sexes et à l’autonomisation de toutes les femmes et les filles ».