Cinq moyens permettant de faire en sorte que les femmes vivant avec un handicap assument le leadership des efforts d’élimination de la discrimination et de la violence basées sur le genre

Il est estimé qu’environ 16 % de la population mondiale est en situation de handicap, dont plus de 700 millions sont des femmes et des filles.

Des progrès ont été accomplis depuis la Déclaration et le Programme d’action de Beijing, adoptés en 1995 lors de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes, au cours de laquelle des préoccupations ont été soulevées quant aux défis uniques que rencontrent les femmes en situation de handicap et un appel a été lancé afin que les gouvernements du monde entier y répondent.

À ce jour, 186 pays ont ratifié la Convention relative aux droits des personnes handicapées – un traité des Nations Unies qui réaffirme que les personnes présentant un handicap, quel qu’il soit, doivent pouvoir bénéficier de tous les droits humains et de toutes les libertés fondamentales.

Néanmoins, les femmes et les filles en situation de handicap continuent de se heurter à une multitude de formes corrélées de discrimination, notamment des risques accrus de violences et de mauvais traitements, des obstacles à l’emploi, des services d’éducation et de santé de moindre qualité et des limites à leur participation aux espaces décisionnels.

Beaucoup d’efforts restent à faire. Une étude récente d’ONU Femmes, réalisée en collaboration avec le Fonds d’affectation spéciale des Nations Unies pour mettre fin à la violence à l’égard des femmes, propose cinq stratégies clés pour veiller à ce que les femmes en situation de handicap soient incluses dans les efforts d’élimination de la violence basée sur le genre :

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Une marche au Pakistan dénonce la vulnérabilité potentielle des femmes en situation de handicap face à la violence et la discrimination. Photo : ONU Femmes/Asfandyar Khan
Une marche au Pakistan dénonce la vulnérabilité potentielle des femmes en situation de handicap face à la violence et la discrimination. Photo : ONU Femmes/Asfandyar Khan

1. Accorder une place centrale aux femmes et aux filles vivant avec un handicap

Il est essentiel que les décideurs politiques et toutes les parties prenantes veillent à ce que les femmes et les filles en situation de handicap disposent de l’espace requis pour agir et mener des initiatives de plaidoyer en leur propre nom. 

Ces femmes et ces filles connaissent parfaitement les défis et les obstacles auxquels elles sont confrontées. Pourtant, il arrive souvent que les femmes et les filles en situation de handicap ne soient pas incluses dans les initiatives de plaidoyer et la formulation de politiques qui les affectent directement ou, si elles y participent, c’est de manière symbolique.

En accordant une place centrale aux femmes et aux filles dans la conception, la mise en œuvre et le suivi des politiques visant à éliminer la violence à l’égard des personnes en situation de handicap, les décideurs politiques peuvent faire en sorte que ces programmes soient efficaces et qu’ils bénéficient aux personnes qui en ont besoin.

Cela contribue également à remettre en cause les perceptions erronées selon lesquelles les femmes et les filles en situation de handicap ne peuvent pas prendre de décisions par elles-mêmes ou participer à la vie civique – des perceptions erronées qui contribuent à la violence qu’elles subissent, à leur invisibilité et à leur statut social amoindri, et qui limitent également la solidarité entre femmes et filles vivant avec un handicap.

2. Remettre en cause les stéréotypes préjudiciables

Un capacitisme conscient ou inconscient peut être profondément ancré au sein des institutions, des systèmes ou de la culture globale d’une société.

Même les organisations qui œuvrent pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes peuvent ne pas avoir conscience que certaines attitudes et présomptions sous-jacentes dans leur travail lèsent les femmes et les filles en situation de handicap. Des idées fausses profondément ancrées relatives à la passivité, à l’incapacité, à la dépendance et à l’inaptitude peuvent également se recouper avec les normes sociales sur les femmes et les filles, ce qui génère un cercle vicieux d’exclusion.

Les gouvernements, les organisations non gouvernementales, les activistes et toutes les parties prenantes doivent remettre en question leurs propres préjugés et veiller à ce que les femmes et les filles en situation de handicap soient considérées comme des êtres humains à part entière – au lieu d’être infantilisées ou marginalisées.

La meilleure manière d’y parvenir consiste à revenir à la toute première stratégie – faire en sorte que les femmes et les filles vivant avec un handicap aient leur mot à dire relativement aux politiques qui touchent leur vie. Ou, comme le clame un slogan du mouvement en faveur des droits des personnes en situation de handicap : « rien sur nous sans nous »

3. Répondre aux causes profondes de la violence et de la discrimination

Les systèmes juridiques et politiques doivent s’attaquer aux causes profondes de la violence et de la discrimination basées sur le genre qui touchent les femmes et les filles en situation de handicap, comme l’isolement social et la stigmatisation.

Les États doivent veiller à ce que les personnes en situation de handicap disposent d’un accès égal aux régimes de protection sociale, à un travail de soins rémunéré, à des programmes de réduction de la pauvreté, à une éducation et à d’autres formes d’appui. Ces programmes doivent adopter une approche intersectionnelle qui reconnaît que les femmes sont confrontées à des défis interconnectés.

Les gouvernements, les employeurs et les autres parties prenantes – notamment les organisations de personnes en situation de handicap – doivent faire en sorte que les personnes vivant avec un handicap ne soient pas exclues de la société. Qu’il s’agisse d’étudiantes, de travailleuses ou de personnes âgées, les femmes et les filles en situation de handicap doivent être intégrées au sein des sociétés dans lesquelles elles vivent.

Une collaboration avec les parents d’enfants en situation de handicap peut sensibiliser les parents aux défis qu’ils peuvent rencontrer et à la manière de créer un environnement aimant, habilitant et tolérant.

En réduisant l’isolement et la stigmatisation, et en s’attaquant à la discrimination, les femmes et les filles en situation de handicap peuvent mener des vies plus sûres et plus épanouies.

4. Promouvoir des partenariats et une collaboration

Les entités gouvernementales telles que les ministères de la Santé, de la Politique sociale et de l’Éducation doivent collaborer étroitement avec les organisations de la société civile, notamment les organisations de personnes en situation de handicap, ainsi qu’avec d’autres parties prenantes pour s’assurer que toutes les femmes et les filles vivant avec un handicap bénéficient des services dont elles ont besoin.

Les organisations, les institutions et les réseaux qui participent à l’élimination de la violence et au traitement de la discrimination à l’égard des femmes et des filles doivent chercher activement à s’associer à des groupes au service des personnes en situation de handicap, en vue d’inclure les droits desdites personnes  dans l’ensemble du programme de lutte contre la violence basée sur le genre et à titre d’expérience d’apprentissage mutuellement bénéfique sur les complexités des recoupements entre le genre, le handicap et la violence.

5. Veiller à ce que les programmes répondent aux besoins des femmes

Les femmes et les filles en situation de handicap sont un groupe diversifié de personnes qui vivent dans un vaste éventail de contextes. Des politiques qui semblent idéales sur le papier peuvent s’avérer inefficaces lorsqu’elles sont déployées sur le terrain, car elles pourraient ne pas tenir compte des défis spécifiques rencontrés par différentes femmes et filles.

Par exemple, toutes les femmes – et surtout celles qui vivent avec un handicap – assument une part disproportionnée des responsabilités de soins non rémunérés, ce qui limite leur accès à des opportunités économiques. Les systèmes de soins doivent pouvoir répondre aux besoins spécifiques des femmes en situation de handicap afin de promouvoir leur sécurité économique.

La législation relative aux soins et à tous les autres sujets doit être revue pour faire en sorte que l’intégralité des droits des personnes en situation de handicap soient reconnus. Les lois doivent tenir compte des expériences et des besoins spécifiques des femmes vivant avec un handicap et s’attaquer à toutes les formes de violence qu’elles subissent – par exemple, de nature physique, sexuelle, psychologique et sous forme d’abus économique.

Sur la base de ces cinq stratégies, les décideurs politiques, les organisations de la société civile, les organisations de personnes en situation de handicap et toutes les autres parties prenantes peuvent positionner les femmes et les filles vivant avec un handicap au centre de leurs programmes d’élimination de la violence basée sur le genre.

Ce 30e anniversaire de la Déclaration de Beijing est l’occasion de renforcer l’action visant à éliminer la discrimination et la violence à l’égard de toutes les femmes et les filles en situation de handicap. Toutes les personnes, quel que soit leur genre et qu’elles vivent avec un handicap ou non, ont le droit de vivre sans violence et sans discrimination.