Explicatif : Objectif de développement durable nº 5

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Des activistes, des dirigeantes de mouvements sociaux, des organisations, des femmes et des hommes scandent des slogans contre la violence basée sur le genre lors de la manifestation « Vivas nos Queremos » (Nous nous aimons vivantes) à Quito, en Équateur. Photo ONU Femmes/Johis Alarcon
Des activistes, des dirigeantes de mouvements sociaux, des organisations, des femmes et des hommes scandent des slogans contre la violence basée sur le genre lors de la manifestation « Vivas nos Queremos » (Nous nous aimons vivantes) à Quito, en Équateur. Photo ONU Femmes/Johis Alarcon

En 2015, reconnaissant la nature mondiale des défis tels que la pauvreté, les inégalités et le changement climatique, les États membres de l’ONU ont universellement adopté le Programme de développement durable à l’horizon 2030. Résolue à aborder ces questions de front, la communauté internationale énonçait une vision ambitieuse pour l’avenir.

Ce Programme englobe trois éléments essentiels : la croissance économique, l’inclusion sociale et la protection de l’environnement. Ensemble, ces principes interconnectés forment la base des 17 Objectifs de développement durable (ODD), qui constituent un modèle des progrès à réaliser dans tous les domaines de la vie.

Se situant à l’intersection des questions économiques, sociales et environnementales, les questions de genre sont présentes dans l’ensemble des ODD. Le genre possède son propre objectif (l’objectif nº 5), qui vise à atteindre l’égalité des sexes ainsi que l’autonomisation de toutes les femmes et de toutes les filles à travers le monde. Il est également explicitement mentionné dans 10 des autres objectifs.

Chaque ODD contient des objectifs spécifiques qui peuvent être mesurés et suivis dans le temps. Ces objectifs font office de liste de contrôle globale et nous permettent de vérifier nos progrès à l’approche de la date limite de 2030. L’objectif nº 5 se compose de neuf objectifs indépendants, dont ONU Femmes et le DAES font le bilan annuel dans notre rapport « Gros plan sur le genre ».

Apprenez-en plus sur ces neuf objectifs et découvrez à quel point nous sommes proches (ou loin) de les atteindre en 2022.  

Explicatif : Objectif de développement durable nº 5

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Le logo de l’ODD 5 sur l’égalité des sexes est visible à l’extérieur du siège des Nations Unies lors de l’ouverture du 74e débat général au siège des Nations Unies à New York. Photo : ONU Femmes/Amanda Voisard
Le logo de l’ODD 5 sur l’égalité des sexes est visible à l’extérieur du siège des Nations Unies lors de l’ouverture du 74e débat général au siège des Nations Unies à New York. Photo : ONU Femmes/Amanda Voisard

Mettre fin à la discrimination

La discrimination fondée sur le genre a longtemps maintenu les femmes et les filles subordonnées aux hommes sur le lieu de travail, dans le domaine de la politique et au foyer. Dans certains pays, cette discrimination persiste dans la loi (notamment en interdisant légalement certaines professions aux femmes) tandis que dans d’autres, les obstacles économiques comme l’écart de rémunération entre les sexes empêchent les femmes de vivre pleinement l’égalité. Mettre fin à la discrimination fondée sur le genre implique la mise en place de lois et de cadres qui promeuvent, mettent en application et assurent le suivi de l’égalité des sexes dans tous les domaines de la vie.

Cela suppose un accès égal à l’emploi et aux avantages économiques, ainsi que des lois contre la discrimination sur le lieu de travail et des systèmes en place pour traiter les transgressions. Il s’agit ici de lois sur la violence à l’égard des femmes, une législation traitant spécifiquement du harcèlement sexuel ou criminalisant le viol au sein du mariage. Cela englobe l’égalité des droits et des protections au sein du mariage et de la famille, comme le droit d’amorcer une procédure de divorce ou d’être reconnu·e comme chef·fe de famille, ainsi que des tribunaux spécialisés dans les affaires familiales pour protéger ces droits. Cela inclut également l’égalité dans les cadres juridiques généraux comme les constitutions, ainsi que le droit égal de se présenter aux élections et d’occuper des fonctions publiques.

Bien que des progrès notables aient eu lieu dans ce domaine, le rythme des réformes juridiques est beaucoup trop lent. Aux taux actuels des progrès, le rapport estime que nous sommes encore à 21 ans de l’adoption totale des lois universelles interdisant la violence contre les femmes et à 286 ans de l’atteinte de l’égalité des sexes dans les cadres juridiques.

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Au Liban, en 2017, une campagne réussie visant à abroger l’article 522 a utilisé des éléments visuels saisissants de femmes portant des bandages comme robes de mariée. L’article 522 accordait l’immunité aux violeurs qui épousaient leurs victimes. Photo reproduite avec l’aimable autorisation de ABAAD/Patrick Baz
Au Liban, en 2017, une campagne réussie visant à abroger l’article 522 a utilisé des éléments visuels saisissants de femmes portant des bandages comme robes de mariée. L’article 522 accordait l’immunité aux violeurs qui épousaient leurs victimes. Photo reproduite avec l’aimable autorisation de ABAAD/Patrick Baz

Mettre fin à la violence

Un problème déjà omniprésent avant 2020, la violence à l’égard des femmes et des filles a pris de l’ampleur dans le sillage de la pandémie de COVID-19. De nombreuses femmes déclarent se sentir davantage en insécurité depuis le début de la pandémie : près de 7 femmes sur 10 (68 pour cent) disent que les violences verbales ou physiques infligées par un partenaire sont devenues plus fréquentes, et 1 femme sur 4 décrit des conflits familiaux plus fréquents.

Au cours de la dernière année, près de 1 femme sur 10 âgées de 15 ans et plus (9,9 pour cent) ont subi des violences physiques et/ou sexuelles infligées par un partenaire ; pour les femmes âgées de 15 à 49 ans, ce chiffre passe à 12,5 pour cent. À l’échelle mondiale, une femme ou une fille est tuée toutes les 11 minutes par un membre de sa propre famille.

On estime au total que 736 millions de femmes ont subi des violences physiques ou sexuelles au moins une fois dans leur vie. Étant donné les limites de la collecte des données, la portée du problème est probablement plus grande encore.

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Des étudiantes de l’école de sages-femmes d’El Fasher, au Darfour-Nord, défilent pour commémorer les 16 jours d’activisme contre la violence basée sur le genre lors d’un événement visant à sensibiliser les communautés à la violence sexuelle et sexiste et à ses répercussions sur la vie et les moyens d’existence des femmes et des filles. Photo : UNAMID/Hamid Abdulsalam
Des étudiantes de l’école de sages-femmes d’El Fasher, au Darfour-Nord, défilent pour commémorer les 16 jours d’activisme contre la violence basée sur le genre lors d’un événement visant à sensibiliser les communautés à la violence sexuelle et sexiste et à ses répercussions sur la vie et les moyens d’existence des femmes et des filles. Photo : UNAMID/Hamid Abdulsalam

Mettre fin aux pratiques néfastes

Des pratiques comme le mariage d’enfants et les mutilations génitales féminines (MGF) privent les femmes et les filles de leur agence, reflétant et cimentant leur statut de subordination. Le mariage prive les filles de leur enfance, les obligeant à assumer trop tôt les responsabilités incombant aux femmes adultes. Les empêchant souvent de terminer leur scolarité, leur avenir s’en trouve limité. Cela nuit en outre à leur santé, les exposant à un risque accru de grossesse pendant leur adolescence et de complications y associées, ainsi que de violence domestique. Les mutilations génitales féminines, le plus souvent infligées aux enfants, ont aussi de graves conséquences sur la santé à court et à long terme.

Le mariage d’enfants demeure une pratique omniprésente que la COVID-19 menace d’exacerber. En 2021, près de 1 femme sur 5 (19,5 pour cent) âgées de 20 à 24 ans était mariée avant l’âge de 18 ans. Bien qu’il s’agisse d’une baisse par rapport à un taux supérieur à 1 sur 4 (25,8 pour cent) en 2001, ce niveau demeure alarmant. Le taux de progrès devra augmenter de 17 fois pour mettre fin au mariage d’enfants d’ici 2030.

Déjà trop lents, les progrès réalisés sur les MGF risquent également de s’inverser face à la pandémie. L’opposition à cette pratique semble toutefois prendre de l’ampleur, ce qui est encourageant. En 2021, 4 475 collectivités ont pris des engagements publics à l’égard de son élimination, soit une augmentation de 48 pour cent par rapport à l’année précédente.

Reconnaître et valoriser le travail non rémunéré

De la lessive à la cuisine, en passant par les soins prodigués aux enfants et aux personnes âgées, le maintien d’un ménage exige une liste exhaustive de tâches domestiques quotidiennes – un travail généralement effectué gratuitement par les femmes et les jeunes filles. Bien qu’essentiel à la vie quotidienne et à l’économie mondiale, ce travail reste largement méconnu et n’est pas valorisé.

Avant 2020, les femmes effectuaient en moyenne environ trois fois plus de travail non rémunéré que les hommes à l’échelle mondiale. Les confinements résultant de la pandémie de COVID-19 ont par la suite entraîné une augmentation massive de la charge quotidienne de tâches ménagères et de soins. Les fermetures d’écoles et de maternelles ont créé 672 milliards d’heures supplémentaires de garde d’enfants non rémunérées en 2020, dont 512 milliards ont été prises en charge par les femmes, en supposant la même répartition du travail des ménages. Les gouvernements ont offert peu de soutien : 60 pour cent des pays et territoires n’ont pris aucune mesure pour atténuer cette pression.

Alléger le fardeau non rémunéré des femmes et des filles exigera deux types de changement. Les rôles traditionnels basés sur le genre doivent céder la place à une redistribution du travail domestique, les hommes et les garçons devant prendre la responsabilité à parts égales. Parallèlement, il incombe aux gouvernements de fournir de meilleurs services publics et de meilleures protections sociales (comme des systèmes de soins étendus et des exigences en matière de congé parental rémunéré) capables de contribuer à réduire la charge sur les personnes. 

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Jill Sparron, une technicienne de laboratoire travaillant pour une pêcherie récupère son fils Calel à la crèche. L’employeur de Jill Sparron offre un horaire flexible qui l’aide à gérer sa vie de mère célibataire. Photo : ONU Femmes/Ryan Brown
Jill Sparron, une technicienne de laboratoire travaillant pour une pêcherie récupère son fils Calel à la crèche. L’employeur de Jill Sparron offre un horaire flexible qui l’aide à gérer sa vie de mère célibataire. Photo : ONU Femmes/Ryan Brown

Assurer la pleine participation à la vie publique

La représentation égale des femmes dans le leadership est importante, non seulement pour atteindre l’égalité des sexes, mais aussi dans le cadre de la prise de décisions judicieuses en politique, sur le lieu de travail et dans tous les domaines de la vie publique. Un leadership égal garantit que les différentes perspectives et voix se font entendre dans les forums de décision, un besoin récemment mis en évidence par les groupes de travail sur la COVID-19, au sein desquels la vaste sous-représentation des femmes a conduit à de graves lacunes dans les plans de réponse et de relance.

Cela n’était pas une aberration : la représentation des femmes dans le leadership politique et économique reste loin de l’égalité. Au niveau national, les femmes occupent à peine 26,4 pour cent des sièges parlementaires globalement, et moins de 10 pour cent dans 23 pays. En 2020, elles occupaient 28,3 pour cent des postes de direction dans le secteur économique, soit une augmentation d’à peine 0,3 pour cent par rapport à 2019.

Sans une augmentation des taux de progrès, la parité entre les sexes au sein des organes parlementaires nationaux ne sera pas atteinte avant 2062. Les choses sont pires encore sur le lieu de travail, où la parité entre les sexes dans le domaine de la gestion ne sera atteinte que dans 140 ans.

Les perspectives sont meilleures en matière de politique locale, où les femmes détiennent un peu plus d’un tiers des sièges (34,3 pour cent) dans les organes de décision locaux. La parité est ici à portée de main, bien qu’elle dépende de la mise en œuvre généralisée de quotas basés sur le genre pour respecter l’échéance de 2030.

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Coumba Diaw, qui a 48 ans, a surmonté de nombreux obstacles culturels pour participer à la vie politique. Elle est devenue la seule femme maire de la commune de Sagatta Djoloff dans la région de Louga, au Sénégal, qui comprend 54 autres municipalités, toutes dirigées par des hommes. Photo : ONU Femmes/Assane Gueye
Coumba Diaw, qui a 48 ans, a surmonté de nombreux obstacles culturels pour participer à la vie politique. Elle est devenue la seule femme maire de la commune de Sagatta Djoloff dans la région de Louga, au Sénégal, qui comprend 54 autres municipalités, toutes dirigées par des hommes. Photo : ONU Femmes/Assane Gueye

Garantir l’accès à la santé et aux droits sexuels et reproductifs

Restreindre l’autonomie corporelle des femmes est une forme omniprésente de contrôle patriarcal, tant au niveau gouvernemental qu’au sein de la famille. L’autonomisation des femmes dépend de la protection de leur santé et de leurs droits sexuels et reproductifs, y compris l’accès aux soins de santé et à l’éducation et le droit de prendre des décisions éclairées concernant leur corps.

En 2022, 76 pour cent des lois nécessaires pour garantir l’accès aux soins de santé sexuelle et reproductive (y compris les soins de maternité, l’avortement, la contraception, l’éducation sexuelle, la vaccination contre le VPH, le dépistage du VIH ainsi que les conseils et les traitements associés) sont en place dans 115 pays.

En 2021, un peu plus de la moitié (57 pour cent) des femmes dans le monde étaient en mesure de prendre leurs propres décisions éclairées concernant leur sexualité et la procréation. Cela signifie la liberté de faire des choix sur les soins de santé et l’utilisation de contraceptifs, ainsi que de dire non au sexe avec un mari ou un partenaire. Le recul des droits des femmes en cours menace de réduire encore ce chiffre. 

Garantir l’égalité des ressources économiques

Le contrôle des ressources économiques est un facteur crucial de l’autonomisation des femmes, celui-ci assurant une sécurité et une indépendance accrues et améliorant le niveau de vie. La propriété foncière contribue notamment à réduire la dépendance des femmes à l’égard de leurs partenaires ou de leurs proches et à accroître leur accès au crédit.

Pour la réalisation du Programme 2030, il est essentiel d’assurer l’égalité des droits fonciers, y compris l’égalité des droits de succession et le partage des droits fonciers au sein des couples. Malgré une représentation relativement égale des femmes dans l’agriculture (elles représentent environ la moitié de la main-d’œuvre agricole dans les pays en développement) leur droit égal à la propriété foncière n’est garanti que dans quatre des 52 pays examinés qui possèdent des données pour 2019-2021.

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Elena Sam Pec vit à Puente Viejo, une communauté autochtone principalement agraire du Guatemala. Les femmes du village participent à un programme conjoint des Nations Unies grâce auquel elles peuvent se procurer des semences et des engrais et recevoir une formation agricole, ce qui permet ainsi à plus de 1 600 femmes rurales de devenir économiquement autonomes.
Elena Sam Pec vit à Puente Viejo, une communauté autochtone principalement agraire du Guatemala. Les femmes du village participent à un programme conjoint des Nations Unies grâce auquel elles peuvent se procurer des semences et des engrais et recevoir une formation agricole, ce qui permet ainsi à plus de 1 600 femmes rurales de devenir économiquement autonomes.

Promouvoir l’autonomisation des femmes grâce à la technologie

La technologie joue un rôle toujours plus important dans nos modes d’apprentissage, de travail et de communication, et les téléphones portables sont passés d’un luxe à un moyen essentiel de se connecter au monde. Toutefois, cette technologie ainsi que l’accès et l’indépendance qu’elle confère restent hors de portée pour beaucoup de femmes dans le monde : selon les données pour la période 2017-2021, les femmes sont moins susceptibles que les hommes de posséder un téléphone dans 50 des 82 pays examinés.

Des politiques et une législation saines

L’égalité des sexes ne se produira pas d’elle-même. Des politiques et des lois exécutoires doivent être mises en place à tous les niveaux de gouvernement afin de promouvoir l’autonomisation des femmes et des filles. Ces politiques sensibles au genre sont essentielles pour réduire les écarts persistants entre les sexes, particulièrement au lendemain de la pandémie de COVID-19, dont les impacts socio-économiques frappent majoritairement les femmes plus durement que les hommes.

Des ressources dédiées sont nécessaires pour cela. En suivant et en rendant publiques les allocations budgétaires œuvrant vers l’égalité des sexes, les gouvernements seront capables d’assurer un financement adéquat, une plus grande transparence et une plus grande responsabilisation. Cependant, les données pour la période 2018-2021 soulignent qu’à peine 26 pour cent des pays ont mis en place des systèmes complets pour assurer le suivi de telles allocations, et que 15 pour cent n’ont aucun système en place.

Le moment d’agir est venu

Sur l’ensemble de ses neuf objectifs, les dernières données relatives à l’objectif nº 5 soulignent à quel point nous sommes loin de l’atteindre. Malgré les progrès réalisés sur certaines questions, les récents revers dans d’autres domaines (comme les droits reproductifs et l’autonomisation économique des femmes) ont placé l’égalité des sexes plus hors de portée encore.

Sans investissements et engagements sérieusement accrus, y compris en ce qui concerne la disponibilité et l’utilisation des données sur le genre, l’objectif nº 5 ne sera pas atteint d’ici 2030 et pourrait ne jamais être atteint. Le moment est venu de se réunir en tant que communauté mondiale et d’exiger de meilleures lois et de meilleures protections, un meilleur accès aux ressources et aux services, et un meilleur financement.

Les femmes et les filles ne peuvent plus se permettre d’attendre.