Pour TOUTES les femmes et les filles : Robie Halip au sujet du leadership des populations autochtones dans la transition vers les énergies renouvelables

#PourToutesLesFemmesEtLesFilles est un appel au ralliement et à l’action à l’occasion du 30e anniversaire de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing. Robie Halip, une dirigeante autochtone, parle du leadership des peuples autochtones, notamment des femmes et des jeunes autochtones, dans le cadre de la transition vers des énergies renouvelables. 

Issue des peuples autochtones Kalanguya et Kanakanaey de la région de la Cordillère aux Philippines, Mme Halip travaille avec le Partenariat pour une énergie juste avec les peuples autochtones – une initiative dirigée par les peuples autochtones, qui développe des solutions innovantes.   

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Robie Halip, lors de la « Conférence régionale mettant en avant les voix des femmes et des jeunes autochtones pour une transition énergétique juste et durable » coorganisée en septembre 2024 par ONU Femmes à Bangkok en Thaïlande. Photo : avec l’aimable autorisation du Partenariat pour une énergie juste avec les peuples autochtones (Right Energy Partnership with Indigenous Peoples)
Robie Halip, lors de la « Conférence régionale mettant en avant les voix des femmes et des jeunes autochtones pour une transition énergétique juste et durable » coorganisée en septembre 2024 par ONU Femmes à Bangkok en Thaïlande. Photo : avec l’aimable autorisation du Partenariat pour une énergie juste avec les peuples autochtones (Right Energy Partnership with Indigenous Peoples)

L’impact des projets énergétiques sur les communautés autochtones : déplacements, inégalités et résistance

Pendant longtemps, de grands barrages hydroélectriques ont été construits sur des territoires autochtones, des années avant que ne débutent les grands débats sur l’abandon des combustibles fossiles et l’adoption des énergies renouvelables. 

« Ces barrages alimentent les zones urbaines en électricité et contribuent au développement des industries, mais les communautés autochtones qui les accueillent, restent souvent privées d’électricité, et pire encore, elles sont déplacées », déplore Mme Halip. 

La transition vers des énergies propres et renouvelables est essentielle pour lutter contre le changement climatique, mais cela ne doit pas se faire au détriment des droits des peuples autochtones.  

Lorsque des projets sont mis en œuvre sans reconnaître les questions liées aux peuples autochtones et les droits de ces derniers, les femmes et les jeunes portent le lourd fardeau des répercussions, ajoute Mme Halip. « Quand des peuples autochtones sont déplacés et perdent leurs sources de subsistance, il arrive souvent que les hommes quittent la communauté pour chercher du travail ailleurs et laissent aux femmes la responsabilité de gérer et de protéger leurs territoires, mais aussi d’assurer le fonctionnement  de la communauté. » 

Les femmes autochtones sont également exposées à des risques de sécurité, notamment des actes de harcèlement et de violence sexuels lorsque des ouvriers extérieurs aux communautés viennent travailler sur des projets énergétiques.  

Bien que la transition énergétique puisse créer des opportunités d’emploi, elle peut également perturber les modes de vie et les moyens de subsistance traditionnels des communautés autochtones et avoir un impact négatif sur les jeunes. « Quand des familles sont déplacées et perdent leurs moyens de subsistance traditionnels, les jeunes doivent souvent renoncer à leur scolarité afin d’aider leurs parents à gagner de l’argent pour subvenir aux besoins de la famille », explique-t-elle. 

Les inégalités sont flagrantes, souligne Mme Halip – « Si les projets sont menés sans respecter les droits des peuples autochtones, les communautés les plus lésées sont souvent celles qui en bénéficient le moins. » 

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Robie Halip, lors de la « Conférence régionale mettant en avant les voix des femmes et des jeunes autochtones pour une transition énergétique juste et durable ».
Robie Halip, lors de la « Conférence régionale mettant en avant les voix des femmes et des jeunes autochtones pour une transition énergétique juste et durable ». Photo : avec l’aimable autorisation du Partenariat pour une énergie juste avec les peuples autochtones (Right Energy Partnership with Indigenous Peoples)

Pourquoi les énergies renouvelables doivent-elles respecter les droits et les connaissances des peuples autochtones ?

La Déclaration et le Programme d’action de Beijing que 189 gouvernements ont adoptés en 1995, ont mis l’accent sur l’importance d’intégrer les femmes, en particulier les femmes autochtones et celles des zones rurales, dans la gestion et la prise de décision en matière environnementale. Trente ans plus tard, cet appel à l’action est resté lettre morte et l’urgence demeure. 

Des enseignements utiles peuvent être tirés de certaines initiatives communautaires innovantes pour les énergies renouvelables, indique Mme Halip. 

Elle se souvient d’une initiative de la Malaisie, au travers de laquelle une organisation dirigée par des peuples autochtones, Tonibung, fabrique ses propres turbines à partir de matériaux recyclés qui convertissent l’énergie de l’écoulement d’eau en électricité. En utilisant des matériaux recyclés, Tonibung propose des systèmes plus abordables et plus durables, tout en permettant aux communautés autochtones de générer elles-mêmes leur énergie propre et de réduire leur dépendance à l’égard de sources externes. 

« Maintenant qu’ils ont accès à l’électricité, ils peuvent répondre à leurs besoins quotidiens et préserver leurs moyens de subsistance traditionnels », indique Mme Halip. 

Pour les communautés autochtones des Philippines et du monde entier, il est essentiel que la participation à de tels projets repose sur leur consentement libre, préalable et éclairé, surtout si ces projets les affectent eux, et leurs territoires ainsi que leurs moyens de subsistance. De plus, selon le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), de tels processus de planification et de mise en œuvre inclusifs et fondés sur les connaissances et les valeurs culturelles des peuples autochtones peuvent contribuer à combler les lacunes dans l’adaptation aux effets du changement climatique et à éviter des processus de mal-adaptation.  

D’après Mme Halip, le défi réside dans l’absence de politiques et de mécanismes permettant de garantir un engagement direct et significatif des peuples autochtones dans des projets nationaux ou locaux.  

« Par exemple, lors de l’élaboration de plans d’action nationaux sur le changement climatique et la biodiversité, les peuples autochtones au niveau communautaire ont rarement la possibilité de s’impliquer directement », souligne-t-elle. Le manque d’opportunités en matière d’engagement effectif est même plus important chez les femmes, les jeunes et les personnes autochtones en situation de handicap. 

Accorder une place centrale aux femmes et aux filles dans l’action climatique et la transition énergétique juste

À l’approche du 30e anniversaire de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing, les activistes en faveur des droits des femmes et des peuples autochtones comme Mme Halip continuent d’aspirer à des politiques et des mesures qui veillent à ce que les peuples autochtones, en particulier les femmes, soient au centre de la conservation de l’environnement, de l’action climatique et du renforcement de la résilience. 

« Nous appelons les États à mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (UNDRIP) et la Recommandation générale n° 39 du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes [CEDAW] », déclare Mme Halip. Les peuples autochtones doivent jouir pleinement de leurs droits.