Pour TOUTES les femmes et les filles : Lúcia Xavier à propos du féminisme, du racisme et de la résistance des femmes noires au Brésil
La militante féministe et antiraciste Lúcia Xavier du Brésil s’exprime au sujet de la résilience des femmes noires et de leur lutte pour l’égalité.
Travailleuse sociale et militante brésilienne, Lúcia Xavier a fondé à Rio de Janeiro l’ONG féministe et antiraciste Criola qui travaille avec les femmes noires depuis 1992. Son travail se trouve au confluent des droits des femmes et des enfants, des mouvements locaux pour le logement et les soins de santé, des questions liées aux personnes LGBTIQ+ et de la lutte contre le racisme. À 66 ans, Mme Xavier éprouve un « formidable sentiment d’espoir » pour l’action collective des femmes, en particulier des femmes noires.
« Ces femmes ne changent pas le monde parce qu’elles souffrent », dit-elle. « Elles le changent pour bâtir une vie plus heureuse et plus épanouissante, avec plus d’opportunités. Cette sagesse, cet héritage, cette façon de penser et de vivre sont incroyablement inspirants. »

La plus grande menace pour la vie des femmes noires : la violence et le racisme systémique au Brésil
Selon Mme Xavier, la violence omniprésente à l’égard des communautés noires constitue l’une des plus grandes menaces pour les droits des femmes au Brésil : « Ce n’est pas simplement la femme qui meurt. Ses enfants, les membres de sa famille et sa capacité à survivre et à participer à la société sont également perdus. Parfois, tant de personnes de son entourage sont tuées que cela donne l’impression d’être dans une guerre sans fin. »
Le rapport annuel sur la sécurité publique au Brésil indique que 82,7 % des personnes tuées par la police sont noires, et les jeunes noirs de 12 à 29 ans représentent 71,7 % des victimes. Au cours des deux dernières décennies, des mouvements locaux dirigés par des mères en deuil se sont formés en vue d’obtenir justice et réparation, notamment à São Paulo et à Rio de Janeiro.
L’organisation de Mme Xavier, l’ONG Criola, a activement soutenu ces mouvements et, elle vient de publier un rapport sur l’impact des violences policières sur les femmes noires cisgenres et transgenres au Brésil.
« Ces mères souhaitent dénoncer la violence commise par l’État et montrer qu’elle est intrinsèquement liée au racisme systémique dans le pays », explique Mme Xavier.
Le leadership des femmes noires est essentiel pour un avenir d’égalité
Malgré les défis immenses à surmonter – ou, peut-être, à cause de ces défis –, le mouvement des femmes noires au Brésil est clairement reconnu pour sa résilience et sa force. Selon Mme Xavier, la représentation des femmes noires est un enjeu majeur et un thème récurrent sur plusieurs décennies de mouvements de femmes. Les femmes noires ont participé à des audiences publiques ainsi qu’à des manifestations de rue, et elles ont brigué des fonctions officielles.
« Les femmes noires [ont] un rôle politique fort, à même de transformer la société et de redéfinir les normes de ce pays », déclare Mme Xavier.
« C’est ce que nous avons toutes fait, toute notre vie – trouver des moyens de résister. Nombre de ces femmes confient que c’est également leur douleur qui les a conduites à transformer la société. »
De la Conférence de Beijing en 1995 à aujourd’hui : les droits des femmes au Brésil et l’avenir du leadership féministe
Mme Xavier se souvient que des conférences telles que la quatrième Conférence mondiale sur les femmes à Beijing (1995) et la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée à Durban (2011) ont contribué à élaborer de nouveaux cadres et de nouvelles politiques, et à offrir aux femmes des services de meilleure qualité, essentiellement grâce aux mouvements féministes brésiliens. Ces avancées ont abouti à une législation novatrice telle que la Loi Maria da Penha, qui criminalise la violence conjugale.
Malgré les avancées indéniables de ces trois dernières décennies, ces progrès n’ont pas bénéficié à toutes les femmes, déplore Mme Xavier, et les femmes noires et autochtones continuent de subir les plus grandes disparités. « S’agissant des droits sexuels et reproductifs, nous avons encore d’énormes défis à surmonter », ajoute-t-elle.
Elle souligne également que le travail du sexe, la migration forcée et le traite des êtres humains se sont intensifiés depuis la Conférence de Beijing.
En cette année phare, au cours de laquelle les États évalueront les progrès de la mise en œuvre du Programme d’action de Beijing et renouvelleront leurs engagements, Mme Xavier voit dans les jeunes l’avenir du mouvement féministe et antiraciste.
« Il est possible d’imaginer la vie et de la vivre différemment, et seuls les jeunes en sont capables. Seuls les jeunes peuvent créer des attentes et des possibilités nouvelles. »
« Alors, prenez votre courage à deux mains », conclut-elle.