En Serbie, une application mobile cachée offre aux femmes un moyen sécurisé de dénoncer les actes de violence
Dans l’ombre de la pandémie de COVID-19, une deuxième crise est apparue à l’échelle mondiale, celle d’une recrudescence des violences à l’égard des femmes. Pourtant, l’organisation de la société civile serbe SOS Network of Vojvodina, qui offre une ligne d’assistance téléphonique pour les femmes victimes de violences domestiques, a relevé une baisse inquiétante du nombre de signalements de violences.
Déjà avant la pandémie, il était difficile et dangereux pour les survivantes de signaler les violences domestiques. Souvent, les agresseurs contrôlent et limitent l’accès aux moyens de communication de leurs survivantes. Or, les dispositifs de signalement obligent généralement les survivantes à communiquer par téléphone ou par SMS, ce qui n’est pas toujours facile à dissimuler et peut, en cas de découverte, exposer les femmes à un risque encore plus grand. Face aux restrictions de déplacement et aux mesures de confinement imposées par la pandémie, ces obstacles déjà problématiques sont devenus insurmontables pour de nombreuses femmes.
C’est pourquoi SOS Network of Vojvodina a décidé d’inventer un moyen plus sûr de signaler les violences. Dans le cadre du programme régional « Ending Violence against Women in the Western Balkans and Türkiye: Implementing Norms, Changing Minds » (Mettre fin à la violence à l’égard des femmes dans les Balkans occidentaux et en Türkiye : mettre en œuvre des normes, changer les mentalités), mené par ONU Femmes et financé par l’Union européenne, ce réseau de la société civile a développé une application mobile qui permet aux femmes de signaler les violences et de demander de l’aide.
L’utilité de l’application a perduré bien au-delà des mesures de confinement. Aujourd’hui, avec un smartphone et une connexion Internet, n’importe qui en Serbie peut l’utiliser pour signaler une violence en cours ou déjà commise à son encontre ou à l’encontre d’autrui. Disponible en serbe, en anglais et en romani, elle a été adaptée pour pouvoir être utilisée par les personnes handicapées et elle est compatible avec les applications mobiles de lecture/écriture/dictée.
Grâce à une touche SOS, les utilisateurs peuvent appeler l’organisation de soutien la plus proche, ou choisir de contacter un service d’aide qu’ils connaissent déjà ou qui leur semble digne de confiance. L’application dispose également d’une fonction de messagerie instantanée qui permet aux femmes de contacter le personnel de l’organisation la plus proche pour obtenir un soutien psychosocial, des conseils et une orientation vers d’autres services.
« Notre plus grande motivation était de créer quelque chose de nouveau et d’innovant exclusivement pour les femmes », explique Biljana Stepanov, présidente de SOS Network of Vojvodina. « Donner aux femmes le choix de décider elles-mêmes qui elles souhaitent contacter en cas de violence, et par quel moyen, était à la fois notre plus grand défi et notre principale motivation. »
Lorsque les femmes signalent des violences via l’application, l’heure et le lieu du signalement, ainsi que d’autres informations fournies par la survivante, sont enregistrés dans un logiciel appelé système d’information intégré. Ce système est le premier du genre en Serbie, à la fois capable de mettre en relation plusieurs prestataires de services et de générer de grandes quantités de données.
L’amélioration de la collecte des données permet aux organisations de femmes non seulement de fournir un meilleur service aux femmes, mais aussi de défendre leur cause et de promouvoir des actions visant à éradiquer plus largement la violence à l’égard des femmes et des filles. Elle facilite également l’examen et la comparaison de données sur des périodes définies, ce qui est essentiel pour mesurer l’évolution de la prévalence des différents types de violence.
Désormais utilisée par 13 organisations de femmes à travers le pays, l’application comptait environ 500 utilisateurs actifs en octobre 2022. Pour les survivantes qui n’ont nulle part où aller, l’application est une source de soutien et d’espoir : « [elle envoie] le message aux femmes qu’elles peuvent s’en sortir », explique Biljana. « Elles ne sont pas seules. »