Les femmes sont de plus en plus exposées aux risques pendant les conflits et sont sous-représentées dans les processus de paix : c’est ce qui ressort d’un rapport du Secrétaire général des Nations Unies
En 2022, on estime à plus de 600 millions le nombre de femmes et de filles vivant dans des pays en proie à un conflit, nombre qui a augmenté de 50 % depuis 2017. Partout dans le monde, les populations civiles ont plus que jamais besoin de l’aide humanitaire. Or, dans le même temps, les pays ne cessent d’augmenter leurs dépenses militaires, lesquelles en 2022 s’élèvent à 2,2 billions de dollars US.
C’est le tableau que dresse le dernier rapport du Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, sur les femmes, la paix et la sécurité. Ce rapport a été préparé par ONU Femmes pour le compte du système des Nations Unies.
Il est publié 23 ans après l’adoption de la résolution 1325 par le Conseil de sécurité, qui appelait toutes les parties impliquées dans des conflits à garantir la sécurité des femmes et des filles, et à faire participer pleinement les femmes aux processus de paix. Ses principales conclusions sont les suivantes :
La participation des femmes aux processus de paix n’augmente pas
Sur les 18 accords de paix conclus en 2022, six seulement comportaient des dispositions spécifiquement relatives aux femmes, aux filles ou aux questions de genre. Cette proportion n’a guère évolué au cours des dernières années, puisque le nombre de ces dispositions continue d’osciller entre 20 et 35 %.
Sur ces 18 accords, un seul, celui concernant le Soudan du Sud, a été signé en présence d’une organisation locale de femmes.
Au niveau local, les femmes dirigent pourtant de nombreuses négociations fructueuses, que ce soit pour assurer l’accès à l’eau et à l’aide humanitaire, faciliter la libération des prisonniers politiques, prévenir et résoudre les conflits tribaux, ou agir en tant que médiatrices pour l’obtention d’un cessez-le-feu.
Cependant, au niveau national, elles restent écartées des principales négociations. Même si des femmes ont participé à 80 % des processus de paix dirigés par les Nations Unies, ou menés sous leur égide, leur force réelle reste faible, car elles ne représentent qu’environ 16 % du total des participants – proportion qui a en fait diminué deux années d’affilée.
Les femmes ont été presque totalement absentes de nombre de processus de paix et de pourparlers politiques sur diverses situations inscrites à l’ordre du jour du Conseil de sécurité, relatives entre autres à l’Éthiopie, au Kosovo1, au Soudan, au Myanmar, et à la Libye.
La situation humanitaire dans les contextes d’insécurité dans le monde est des plus dramatiques, et continue d’avoir un impact différencié sur les femmes et les filles
L’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) estime que 117,2 millions de personnes seront déplacées de force ou deviendront apatrides d’ici la fin de l’année 2023.
De telles situations, déplacements et conflits, font reculer les droits des femmes. Par exemple, lorsque des combats ont éclaté au Soudan au début de cette année, le Darfour, à nouveau, a été le terrain de violences sexuelles généralisées, comme cela avait déjà été le cas il y a une vingtaine d’années.
Une part croissante de la population mondiale vit sous un régime autocratique, le recul de la démocratie étant palpable dans de nombreux pays ces dernières années. La misogynie est une conséquence caractéristique de la montée de l’autoritarisme, ainsi que de la propagation des conflits et de l’extrémisme violent.
En Afghanistan, par exemple, les talibans ont publié plus de 50 décrets destinés à éliminer les droits des femmes et des filles, un retour au niveau d’oppression des années 1990.
Selon une étude citée dans le rapport du Secrétaire général de l’ONU, entre 2020 et 2022 les cas de violence politique visant les femmes ont augmenté de 50 % dans les pays touchés par un conflit.
Le nombre de personnes ayant besoin d’une aide humanitaire a augmenté de 25 % au cours de l’année écoulée et, dans le même temps, le monde fait face à la plus sévère crise alimentaire de son histoire moderne. Une grande partie de ces besoins alimentaires en hausse est due au nombre de conflits armés, près de 200, à la violence organisée, ainsi qu’à la crise climatique et aux répercussions de la pandémie de COVID-19.
Quelles sont les perspectives?
Ce sombre tableau peut pourtant être évité et est réversible. La participation des femmes aux processus de paix rend les accords plus viables et plus durables. Le rapport contient un appel à de nouvelles promesses de financement au soutien des organisations de femmes en situation de crise, à hauteur de 300 millions de dollars US au cours des trois prochaines années, et pour qu’au moins un tiers des participants aux processus de médiation et de paix soient des femmes.
Des recommandations supplémentaires sont également formulées à l’intention des gouvernements et des délégations chargées des négociations dans le but de :
- Fixer des objectifs ambitieux pour que les femmes fassent directement partie des délégations et équipes de négociation, et nommer des femmes en qualité de médiatrices principales dans les processus de paix ;
- Appliquer des mesures incitatives et des instruments de redevabilité – notamment des sanctions, des procédures pénales internationales et des campagnes de désinvestissement – pour renforcer la protection des femmes dans les pays touchés par un conflit ;
- Réduire les dépenses militaires et accroître le financement des efforts de consolidation de la paix menés par des femmes, qui se sont révélés à maintes reprises efficaces et durables ;
- Veiller à ce que les défenseures des droits humains puissent travailler en toute sécurité dans leur pays d’origine ou se réinstaller ailleurs si nécessaire.
1. Cette dénomination est sans préjudice des positions sur le statut de ce pays et est conforme à la résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations Unies et à l'avis de la Cour internationale de Justice sur la déclaration d'indépendance du Kosovo.