Discours : Notre capacité à tenir les promesses accompagnant les ODD dépend d’une seule décision, celle de donner aux femmes et aux filles une place centrale

Remarques liminaires de la Secrétaire générale adjointe des Nations Unies et Directrice exécutive d'ONU Femmes, Sima Bahous, lors du Forum politique de haut niveau 2022 sur le développement durable, tenu le 13 juillet 2022.

[Tel que prononcé]

C’est un honneur pour moi d’être ici, aujourd’hui, avec vous toutes et tous.

Durant la semaine qui vient de s’écouler, nous avons écouté des engagements fermes et un sentiment renouvelé d’urgence dans la mise en œuvre des Objectifs de développement durable et du Programme à l’horizon 2030.

Des appels concrets ont été lancés pour passer des paroles aux actes.

Discours : Notre capacité à tenir les promesses accompagnant les ODD dépend d’une seule décision, celle de donner aux femmes et aux filles une place centrale

Image
Mme Sima Bahous, Directrice exécutive d’ONU Femmes, lors de son allocution d’ouverture dans l’enceinte de l’Assemblée générale des Nations Unies à New York, à l’occasion de la réunion ministérielle tenue le 13 juillet 2022, dans le cadre de la session 2022 du Forum politique de haut niveau pour le développement durable, organisé sous les auspices du Conseil économique et social. Photo : ONU Femmes/Ryan Brown.
Mme Sima Bahous, Directrice exécutive d’ONU Femmes, lors de son allocution d’ouverture dans l’enceinte de l’Assemblée générale des Nations Unies à New York, à l’occasion de la réunion ministérielle tenue le 13 juillet 2022, dans le cadre de la session 2022 du Forum politique de haut niveau pour le développement durable, organisé sous les auspices du Conseil économique et social. Photo : ONU Femmes/Ryan Brown.

L’examen thématique de l’ODD 5 a été on ne peut plus clair. Nous devons faire les choses différemment.

Nous devons intensifier les investissements pour parvenir à l’égalité des sexes. Nous devons soutenir les femmes dans les secteurs de la santé et de l’éducation, et promouvoir leur leadership. Nous devons garantir aux femmes un accès aux financements et aux ressources.

Quarante-quatre pays ont présenté ou présenteront leur examen national volontaire avant que ce forum ne s’achève ; onze pour la première fois.

Nous saluons cet effort pour faire le bilan de ce qui a déjà été accompli et de ce qu’il reste à faire.

 

Excellences,

Le temps presse. À peine huit ans nous séparent de l’échéance 2030. Et, comme nous l’avons entendu, nous sommes encore bien loin de la ligne d’arrivée.

Une pandémie dévastatrice a affecté toutes les régions du monde – chaque pays, chaque femme, chaque fille – et aggravé les inégalités.

Et alors que nous tentons de nous en remettre, nous laissons en même temps bien des personnes, des femmes et des filles, et des pays aussi, à la traîne.

Et c’est ce qui transparaît également dans notre solution pour mettre fin à la pandémie, en particulier s’agissant de l’accès aux services et aux vaccins.

En 2021, l’OMS a fixé un objectif de 70 pour cent dans la couverture vaccinale mondiale contre la COVID-19 pour la mi-2022. Or, encore le mois dernier, seuls 58 des 194 États membres de l’OMS avaient atteint cet objectif.

Dans les pays à faible revenu, à peine 37 pour cent des travailleuses et travailleurs de la santé ont reçu une série complète de primovaccination anti-COVID.

Cette situation a, elle aussi, un impact sexospécifique : en effet, 70 pour cent des employés de la santé de première ligne, dans le monde, sont des femmes.

Nous sommes confrontés à des guerres, à des crises, à des urgences humanitaires, à l’insécurité alimentaire, énergétique et financière, à l’inflation et à un endettement insoutenable. Nous avons sous nos yeux les effets alarmants des changements climatiques, la perte de biodiversité et la pollution croissante, entraînant inondations et sécheresses partout, et bien d’autres crises.

Pour la plupart des habitants de la planète, et des femmes et des filles en particulier, la paix, la sécurité, la prospérité et une vie exempte de violence ne font pas partie de leur réalité.

Ces crises creusent plus encore le fossé de la pauvreté entre les sexes. Où que ce soit, ce sont les femmes et les filles qui font les frais de la perte d’emploi ou de l’effondrement de la sécurité économique.

Ce sont les femmes et les filles qui subissent les contraintes imposées par la contraction des services publics.

Ce sont les femmes et les filles qui ont été confrontées à une recrudescence de la violence domestique, cette espèce de pandémie fantôme, conséquence de celle du coronavirus.

La violence à l’égard des femmes et des filles est présente dans chaque recoin du monde.

Deux cent quarante-cinq millions de femmes et de filles ont subi des violences physiques ou sexuelles de la part de leur conjoint ou partenaire intime.

Dans tous les pays du monde, les lignes d’assistance gratuite pour les femmes en détresse ont vu une augmentation significative du nombre d’appels durant la pandémie – les femmes et les filles ayant été confinées avec leurs agresseurs, sans pouvoir accéder aux services d’aide.

 

Excellences,

S’il nous restait encore le moindre doute, les échanges de la semaine passée nous ont bien fait comprendre le message : nous devons redoubler d’efforts, si nous ne voulons pas que l’histoire nous juge et juge le Programme à l’horizon 2030 comme la preuve de notre manque de volonté à tenir les promesses que nous avons faites à celles et ceux qui ont le plus besoin de notre soutien collectif.

Mais la bonne nouvelle c’est que des solutions sont à notre portée. Tout au long de cette semaine, nous avons aussi entendu parler de ce qui doit être fait. Et il faut simplement que nous le fassions. Il faut tout simplement que nous nous y mettions toutes et tous.

Je vous demande en fait de reconnaître le caractère central de l’égalité des sexes pour opérationnaliser ces solutions. Nous savons que l’ODD 5 n’est pas seulement un objectif en soi. Il est le socle et la clé de l’ensemble des ODD.

Excellences,

Cette année, vous avez passé en revue les progrès réalisés dans la mise en œuvre de l’ODD 5. Bon nombre d’entre vous ont présenté des résultats impressionnants sur l’état d’avancement dans vos pays respectifs, qu’il s’agisse de l’augmentation du nombre de femmes sur le marché du travail ou de nouvelles législations pour lutter contre les violences dont elles sont victimes.

Ces réalisations nous redonnent espoir.

Cependant, une analyse des progrès réalisée par ONU Femmes et la Division de la statistique de l’ONU révèle que, au niveau mondial, un seul indicateur de l’ODD 5 est « proche de la cible ».

Cet indicateur est celui de la proportion de sièges occupés par des femmes dans les instances de gouvernance locales. Je l’applaudis.

Néanmoins, dans tous les autres domaines, notamment l’équilibre dans le temps consacré aux soins non rémunérés et au travail domestique, la prise de décisions en matière de santé sexuelle et reproductive, et les politiques efficaces sur l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, le monde est « loin de la cible ».

Les lacunes dans les données continuent d’entraver notre capacité à suivre efficacement tous les ODD. Par exemple, pour plusieurs indicateurs de l’ODD 5, le monde ne dispose pas de données suffisantes afin d’évaluer les progrès, – le plus largement requis étant celui qui mesure le droit des femmes à la terre.

Excellences,

La distance qui nous sépare de l’ODD 5 est longue, mais le temps qui nous reste est court.

Des actions audacieuses s’appuyant sur des éléments probants et un financement accru sont nécessaires pour que, dans un élan commun, la société tout entière puisse reconnaître les droits des femmes et des filles, et apporter des réponses à leurs besoins.

Comme le Secrétaire général nous l’a répété à maintes reprises, nous avons besoin d’un multilatéralisme renouvelé et d’un engagement ravivé en faveur des Objectifs de développement durable.

La pandémie de COVID-19 a été un rappel brutal du fait que nous sommes tous interconnectés et que nos solutions le sont également ; que notre avenir dépend de la prospérité de chacune et chacun et, par là même, du fait que personne ne doit être laissé pour compte.

Nous savons que cela est possible. Nous l’avons vu il y a quelques mois lors de la 66e session de la Commission de la condition de la femme. Pour la première fois, les États membres ont négocié des conclusions concertées reconnaissant le rôle essentiel des femmes dans la recherche de solutions aux problèmes climatiques.

Les négociations ont été dures et longues, mais elles ont montré le meilleur de notre système multilatéral et l’importance critique qu’il y a de travailler ensemble pour promouvoir collectivement les droits des femmes et des filles, sous toutes les latitudes, pour un avenir commun plus durable. Nous attendons de la Commission qu’elle poursuive sur cette voie.

Excellences,

Nous connaissons la solution. Nous l’avons entendue. Elle a été présentée ici la semaine dernière. Nous la voyons dans chaque résolution adoptée sur le leadership des femmes.

Nous l’avons identifiée dans l’Objectif 5. Elle est simple : une plus grande égalité entre les sexes se traduit par des sociétés plus durables et plus pacifiques.

La pandémie de COVID-19 a laissé un enseignement évident, celui du pouvoir de ce principe essentiel qu’est l’égalité des sexes.

ONU Femmes et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) ont évalué près de 5 000 mesures de politiques adoptées par 226 pays et territoires en réponse à la crise sanitaire.

Cette évaluation a montré que, si les femmes et les filles ont été en première ligne de la relance face à la pandémie, elles ont été reléguées au second plan dans les initiatives pour la relance et restent sous-représentées dans les processus décisionnels.

Mais nous avons également constaté que les pays dotés de services publics solides et de systèmes de protection sociale sensibles à la dimension de genre ont été mieux armés pour faire face à la pandémie.

D’ailleurs, les États ayant une femme à leur tête, ou plus de présence féminine dans les parlements et les ministères, ont su mettre en place des mesures plus efficaces.

Tout comme nous savons que les accords de paix ont plus de chance de durer lorsque les femmes y sont associées de manière significative, nous savons que les politiques sociales sont plus susceptibles de porter leurs fruits lorsqu’il existe une parité au niveau du pouvoir.

Pour conclure, j’ai cinq requêtes à formuler pour nous remettre en selle et nous diriger plus sûrement vers l’échéance 2030.

Premièrement, augmentons les investissements dans la protection sociale et les services publics sensibles au genre, afin d’accroître la résilience face aux chocs à venir.

Deuxièmement, renforçons les capacités institutionnelles et le leadership des femmes, et reconnaissons la voix et le pouvoir d’action de toutes les femmes et de toutes les filles dans la construction de leur avenir.

Troisièmement, veillons à ce qu’il y ait des financements adéquats pour promouvoir l’égalité des sexes, notamment en priorisant cet axe de politique tant dans les budgets nationaux que dans l’aide publique au développement.

Quatrièmement, veillons à disposer de bases de données probantes solides et à garantir l’accès à ces données. Il n’est pas acceptable, à mi-parcours, qu’il existe encore des domaines où les données manquent pour nous permettre d’apprécier réellement les progrès accomplis.

Cinquièmement, reconnaissons et acceptons le rôle majeur et les contributions importantes de la société civile et des organisations de femmes, et des femmes qui défendent les droits humains et l’environnement, ainsi que de la jeunesse dans le monde.

En leur accordant plus d’espace dans les processus de prise de décisions, nous pourrons transformer nos communautés et nos sociétés et accélérer notre pas vers le redressement et la résilience.

Excellences,

Je vous assure à nouveau qu’ONU Femmes continuera de travailler à vos côtés. Nous continuerons à renforcer nos partenariats au niveau national, en soutenant tous les États membres qui en font la demande, grâce à notre expertise en matière de genre et au pouvoir de notre mission et de notre voix.

Le Programme de développement durable 2030 demeure la meilleure feuille de route mondiale vers la paix, la sécurité, la relance, la dignité et la prospérité partagée.

Nous ne savons que trop bien que nous sommes loin du compte, mais tout aussi convaincus du pouvoir du multilatéralisme, de notre action collective et de notre solidarité.

Je souhaite simplement rappeler que notre capacité à tenir les promesses que nous avons faites pour 2030 dépend en grande partie de notre décision collective de placer les femmes et les filles au centre de toutes les actions.

Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons poser les bases d’un avenir plus durable, plus résilient et plus juste pour toutes et tous.

Je vous souhaite beaucoup de succès et vous remercie.