Où je me tiens : « L’égalité des sexes est indispensable si vous voulons atténuer les effets des changements climatiques. »

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Dr. Gladys Kalema-Zikusoka.  Photo: UNEP/Kibuuka Mukisa
Dr. Gladys Kalema-Zikusoka. Photo: UNEP/Kibuuka Mukisa

La Dre Gladys Kalema-Zikusoka, première vétérinaire spécialisée dans les espèces sauvages en Ouganda, est la fondatrice et directrice générale de l’ONG Conservation Through Public Health et Championne de la Terre dans la catégorie Science et innovation du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) en 2021. 

Où je me tiens : « L’égalité des sexes est indispensable si vous voulons atténuer les effets des changements climatiques. »

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C’est tout d’abord par la création d’un club de protection des espèces sauvages au lycée que je me suis engagée dans la conservation et la protection de l’environnement. J’ai toujours voulu être vétérinaire, car j’aime les animaux. J’ai grandi entourée d’animaux domestiques, et je déteste les voir souffrir.

À l’école vétérinaire au Royaume-Uni, nous devions étudier un animal de notre choix et j’ai choisi le chimpanzé… Puis j’ai travaillé sur les gorilles. Ensuite, j’ai eu la chance de devenir la toute première vétérinaire à travailler pour l’Uganda Wildlife Authority, l’agence gouvernementale ougandaise de gestion de la faune sauvage. À l’époque, tous les gardes forestiers étaient des hommes. Aujourd’hui, vingt-cinq ans plus tard, 20 % d’entre eux sont des femmes. Auparavant, les vétérinaires spécialistes des espèces sauvages en Afrique et dans le monde étaient également presque tous de sexe masculin, et la plupart des ONG de protection de la vie sauvage étaient dirigées par des hommes.

Nous avons lancé notre ONG en 2003, car certaines personnes rendaient les gorilles malades. Nous nous sommes rendu compte qu’il fallait améliorer la santé des populations, et nous avons alors mobilisé des dirigeants locaux, autant d’hommes que de femmes. Nous avons encouragé le planning familial au sein des villages à proximité du parc pour donner aux familles la possibilité de décider du nombre d’enfants et faire en sorte qu’elles n’aient plus besoin de se rendre dans la forêt pour braconner, car lorsque leurs enfants sont malades, elles pensent que la viande des animaux de brousse est le seul moyen de les guérir. J’ai constaté que nombreuses étaient les femmes qui, dès l’âge de 15 ans, étaient mariées de force. Nous avons donc décidé de proposer un enseignement entre pairs au sein des couples, en nous adressant autant aux hommes qu’aux femmes. Nous avons encouragé la participation des femmes à la conservation et à la gestion des ressources naturelles et celle des hommes aux soins de santé et au planning familial.

Le planning familial était une bonne solution, car les familles avaient plus d’enfants qu’elles n’en désiraient, et cela avait une incidence sur la santé des femmes, aggravait la pauvreté et empêchait les enfants d’aller à l’école. Une famille de 10 enfants n’envoyait que la moitié d’entre eux à l’école, et avant tous les garçons. Avec plus de bouches à nourrir, elles se devaient d’aller dans la forêt pour ramasser du bois ou braconner. [Le planning familial] a également donné aux femmes plus de contrôle sur leur vie et sur leur corps. Quant aux hommes, ils ont pu mieux gérer le budget familial. Tout le monde y gagnait.

Nous soutenons également les agricultrices en achetant à un meilleur prix leur café, qui était vendu ensuite par des ONG pour financer la protection des gorilles. Au tout début, les agricultrices étaient rares et veuves pour la plupart. Plus le nombre de femmes incarnant la réussite sera grand, plus les obstacles seront levés, et ce dans tous les domaines. Le seul moyen d’atténuer les effets des changements climatiques est d’accroître la participation des hommes et des femmes dans la protection de la nature et de faire en sorte qu’autant de femmes que d’hommes dirigeant(e)s prennent des initiatives dans ce domaine. Dans le cas contraire, il sera impossible de lutter de manière globale et sur le long terme. « L’égalité des sexes est incontournable si vous voulons atténuer les effets des changements climatiques. »

[En tant que scientifique femme], j’ai été confrontée à de nombreuses difficultés, mais la principale est l’opinion selon laquelle les femmes et les filles ne peuvent pas faire comme les hommes, par exemple vivre dans des régions reculées avec le strict minimum ou travailler avec les animaux sauvages. Les gens s’exprimaient de la sorte à mon insu. Mais dans un sens, je suis contente de ne pas m’en être rendu compte, car peut-être cela m’aurait découragée. Alors j’ai poursuivi mon combat. En tant que leader femme, il me faut assumer un leadership et être prise au sérieux. Nous devons travailler deux fois plus qu’un homme. C’est une fois que nous sommes aussi bonnes, voire meilleures, que les hommes dans un domaine que nous avons confiance en nous. Il faut que les femmes aient davantage confiance en elles. »

La docteur vétérinaire Gladys Kalema-Zikusoka, 52 ans, a créé l’ONG Conservation Through Public Health en 2003 et s’est vu décerner, en 2021, le prix Championne de la Terre du PNUE, dans la catégorie science et innovation. Son travail est directement lié à de nombreux Objectifs de développement durable (ODD), notamment à l’ODD 3 sur la bonne santé et le bien-être, tout particulièrement sa cible qui consiste à assurer un accès au planning familial, à l’ODD 13 sur la lutte contre les changements climatiques, notamment sa cible consistant à améliorer l’éducation et la sensibilisation aux effets des changements climatiques et les capacités à les atténuer, ainsi qu’à l’ODD 15 sur la préservation, la restauration et la gestion durable des écosystèmes terrestres, tout particulièrement ses cibles relatives à la gestion durable des forêts et aux mesures pour mettre un terme au braconnage.