Fabriqué au Cambodge : Le quotidien de Chhun Srey Sros, ouvrière textile
Date: 16 November 2016
Au Cambodge, 70 % des femmes ont un emploi précaire. Plus de 500 000 d’entre elles travaillent dans des usines de confection de vêtements ou de chaussures. Le Fonds d’affectation spéciale des Nations Unies pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes (administré par ONU Femmes au nom du système des Nations Unies), œuvre pour l’autonomisation des femmes afin qu’elles puissent faire valoir leurs droits à un emploi décent. Le Fonds travaille étroitement avec ses partenaires pour créer des environnements de travail non discriminatoires dans les usines cambodgiennes.
Chhun Srey Sros, 24 ans, vit à Sangkat Chaom Chao et travaille dans une usine cambodgienne dans laquelle le Fonds d’affectation spéciale des Nations Unies et son partenaire, CARE, ont développé et distribué des supports éducatifs et ont contribué à l’élaboration d’une politique en matière de harcèlement sexuel sur le lieu de travail. Sixième d’une fratrie de 10 enfants, Chhun Srey Sros a abonné l’école en seconde pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille. Elle travaille dans le textile depuis 3 ans et gagne jusqu’à 200 dollars US par mois en comptant les heures supplémentaires.

« Dans la culture cambodgienne, les hommes sont considérés comme de l’or et les femmes comme des chiffons. C’est injuste. Il est difficile d’être une femme », explique Chhun Srey Sros. Le harcèlement sexuel, que ce soit dans la rue ou sur le lieu de travail, est courant au Cambodge. Grâce au programme de lutte contre le harcèlement sexuel au travail soutenu par ONU Femmes, Chhun Srey Sros et bon nombre de ses collègues ont appris à dénoncer ces pratiques. L’objectif du projet est de sensibiliser 40 000 ouvrières du textile entre 2013 et 2016.

« Je mange ici tous les jours, car Tata sait bien cuisiner » : Chhun Srey Sros s’arrête pour le petit-déjeuner près de la petite chambre qu’elle loue à Phnom Penh et qu’elle partage avec ses frères et sœurs. Elle mange la même chose tous les jours, un porridge de riz, pour lequel elle paie 1500 riels (0,3 dollar US). Elle commence à travailler à 6 h 30, sept jours sur sept, et termine à 15 h 30, sauf lorsqu’elle fait des heures supplémentaires.

« J’ai beaucoup appris depuis le lancement du projet sur le harcèlement sexuel. Je comprends mieux comment nous pouvons y mettre fin en étant solidaires. »
Chhun Srey Sros a été promue au rang de superviseur et dirige une équipe chargée de couper les ourlets pour les vêtements confectionnés par l’usine.

« Cela fait 3 ans que je travaille ici. Après la mort de mon père, mes neuf frères et sœurs et moi avons dû travailler pour subvenir à nos besoins. Mes sœurs travaillent toutes dans cette usine ou dans d’autres aux alentours. »
L’usine de Sangkat Chaom Chao où travaille Chhun Srey Sros fait figure d’avant-garde dans la lutte contre le harcèlement sexuel sur le lieu de travail. Le projet a contribué à mettre en place une campagne de lutte contre le harcèlement au sein de l’usine, et celle-ci a désormais adopté une politique qui encourage les ouvrières et ouvriers à dénoncer ces comportements et prévoit des sanctions à l’encontre des agresseurs.

Chhun Srey Sros profite de sa pause-déjeuner avec sa sœur Srey Roth, âgée de 23 ans. « J’ai beaucoup d’amis à l’usine, y compris ma sœur. Le déjeuner est un moment de convivialité, même si nous n’avons pas beaucoup de temps. La soupe khmère est mon plat préféré. »

En rentrant de l’usine, Chhun Srey Sros traverse un marché à Sangkat Chaom Chao et achète des provisions. Elle rentre chez elle et prépare le repas en écoutant la radio. Elle n’a pas de télévision. Mais elle ne met pas trop fort, pour ne pas déranger ses voisins.

« Les femmes de ma communauté ont parfois peur de sortir tard, par peur du qu’en-dira-t-on. Si l’on ne passe pas la nuit à la maison, on nous juge et on nous traite de tous les noms. » Chhun Srey Sros essaie de rentrer avant la tombée de la nuit, pour éviter les rumeurs. Mais le projet lui a donné l’assurance nécessaire pour dénoncer ces discriminations. D’après elle, « ce n’est pas justice, et c’est discriminatoire ».
Elle rêve de mettre suffisamment d’argent de côté pour ouvrir sa propre épicerie dans sa ville natale et fonder une famille.
Photos: ONU Femmes Cambodge/Charles Fox