Cinq innovations ayant fait progresser les droits des femmes

Date: 01 March 2019

De la bicyclette à Internet, voici quelques-unes des innovations qui vont de soi aujourd’hui, mais qui ont véritablement transformé la vie des femmes et des filles dans le monde entier.


L’« Hippo Roller »


L’accès à l’eau potable est une nécessité humaine. Elle est indispensable pour boire, cuisiner, nettoyer, se laver, parmi bien d’autres choses. Pourtant, aujourd’hui encore, 2,1 milliards de personnes — environ 30 pour cent de la population mondiale — n’ont pas accès à de l’eau salubre et à portée de main dans leurs foyers. Et malheureusement, la corvée qui consiste à aller chercher de l’eau incombe de manière injuste à des millions de femmes et de filles qui se trouvent ainsi au cœur de la crise de l’eau, en particulier dans les zones rurales. Cette tâche entraîne pour elles un risque accru de violence lors des longs trajets souvent très dangereux pour aller chercher de l’eau, et une perte de temps précieux qui ne peut pas être consacré à d’autres activités, que ce soit un travail générateur de revenus, l’école, ou même des activités de jeux et loisirs – tout ceci privant les femmes et les filles d’une vie pleine et épanouie. Au début des années 1990, deux Sud-Africains ont inventé l’« aqua roller », aujourd’hui plus connu sous le nom d’Hippo Roller, pour tenter d’alléger le temps et les efforts nécessaires à l’approvisionnement en eau dans les environnements ruraux souvent rudes. L’Hippo Roller est un conteneur portable en forme de tonneau roulant à même le sol et pouvant transporter une quantité d’eau jusqu’à cinq fois plus importante qu’un seau normal. À ce jour, cette invention a transformé la vie d’un demi-million de personnes dans plus de 20 pays. Même s’il ne s’agit pas d’une solution permanente au problème de l’eau, cette innovation représente, tout comme d’autres solutions novatrices, tel le LifeStraw (filtre à eau personnel), des efforts dignes d’être soulignés pour leur contribution à l’amélioration des conditions de vie des femmes et des filles dans les communautés rurales.

Photo: UN Photo/Albert González Farran



La bicyclette


Symbole d’une « féminité libre, sans entrave », comme l’a si bien dit Susan B. Anthony, cette activiste américaine qui a lutté pour les droits des femmes, la bicyclette a donné aux femmes une nouvelle liberté de mouvement, a remis en cause les stéréotypes sur leur force physique et a transformé les codes vestimentaires. Coïncidant avec la première vague du féminisme, l’invention par un ingénieur anglais dans les années 1880 de la bicyclette moderne, telle que nous la connaissons aujourd’hui, est apparue comme une bonne alternative au bicycle, cet engin doté d’une roue avant énorme et d’une autre à l’arrière beaucoup plus petite, aujourd’hui totalement impraticable. Bien qu’elle n’ait pas été inventée à l’origine pour les femmes, la bicyclette leur a assez paradoxalement procuré une indépendance. Dans certaines régions du monde à l’époque, cela signifiait que les femmes pouvaient se déplacer librement sans avoir besoin de chaperons, de voitures et de chevaux. Bien entendu, cela ne s’est pas fait sans heurts : on leur disait que faire de la bicyclette était « immoral », et les médecins sont même allés jusqu’à affirmer que cela pouvait provoquer chez elles une maladie terrifiante appelée « face de bicycle », un trouble particulier pouvant affecter l’apparence et le teint des femmes. En dépit des mythes les plus farfelus qui circulaient, la bicyclette est devenue de plus en plus populaire et les femmes ont tenu bon. Les femmes de l’époque victorienne et les réformistes se joignant à elles ont réclamé des tenues plus rationnelles et des sous-vêtements plus amples pour faire du vélo. Et d’autres ont remis en question les perceptions dominantes sur la féminité, comme Annie Londonderry, une Lettone émigrée aux États-Unis qui est devenue la première femme à faire le tour du monde à vélo entre 1894 et 1895. Plus d’un siècle plus tard, la course à l’égalité dure encore…

Photo: John Oxley Library, State Library of Queensland via Wikimedia Commons



INTERNET


Tout comme cela avait été le cas avec l’avènement de l’imprimante, de la radio, de la télévision et du téléphone, Internet a révolutionné la façon dont les femmes et les filles vivent leur vie. Que ce soit par le biais des sites Web, des médias sociaux, de la messagerie instantanée ou des courriels, il a ouvert la voie à l’activisme en ligne, au développement des communautés, aux possibilités de carrière et d’apprentissage, à une meilleure prise de conscience et à un engagement accru sur la question des droits des femmes. De plus, il a permis aux femmes de créer des entreprises, de lancer des campagnes politiques et d’autres activités encore. De #MeToo à #NiUnaMenos et #TimesUp, les mouvements créés sur les médias sociaux, en particulier, ont mis en lumière les inégalités entre les sexes et la violence à l’égard des femmes comme jamais auparavant, et exercé des pressions sur les responsables publics et privés pour faire changer les choses. Mais à l’instar de toute technologie, l’Internet a aussi son côté obscur : les inégalités qui existent en dehors du monde en ligne, notamment la misogynie, les avances excessives, la haine, le harcèlement, la traite, ont également envahi la toile. La désinformation sur les droits des femmes menace de faire reculer ces droits. Et pour 49 % de la population mondiale qui n’a pas accès à l’Internet, le fossé numérique laisse les plus pauvres et les plus vulnérables dans l’obscurité et sans les compétences et l’éducation nécessaires pour survivre dans le contexte économique actuel, qui évolue si rapidement sous l’impulsion des technologies. Il sera essentiel de parvenir à combler ce fossé dans les années à venir.

Photo: Unsplash



 

La serviette hygiénique


Et si vous deviez utiliser de la laine, de la mousse, de la peau d’animaux, de vieux chiffons, du papier journal, ou une ceinture sanitaire pour vos règles ? Si cela semble d’un autre âge, ça l’est effectivement, de même que les autres mythes plus encore arriérés qui sont toujours entretenus, comme le fait que les femmes durant leurs règles devraient être complètement isolées, qu’elles sont sales, qu’elles peuvent faire pourrir la nourriture, ou même être mangées par des requins en nageant. Pourtant, il y a déjà plus d’un siècle que des infirmières en France ont créé les premières serviettes hygiéniques jetables, invention accidentelle qui servait à contrôler les saignements excessifs des soldats. C’est à la fin du XIXe siècle que les premières serviettes jetables sont sorties sur le marché, mais il a fallu attendre plusieurs décennies pour qu’elles deviennent un peu plus pratiques à utiliser et faciles à acquérir pour les femmes (si elles en avaient les moyens). Cette invention révolutionnaire a permis d’améliorer l’hygiène et la santé des femmes et des filles, la fréquentation scolaire, leurs chances de gagner leur vie et leurs perspectives sur le plan économique. Néanmoins, en dépit de certains efforts, les serviettes hygiéniques restent encore aujourd’hui hors de portée de millions de femmes et de filles qui vivent dans la pauvreté ; de surcroît, elles sont taxées dans plusieurs pays du monde, parfois même comme des articles « de luxe ». Au-delà du problème de l’accès aux serviettes hygiéniques, les règles restent un sujet tabou. Dans certains pays, la stigmatisation et la discrimination entourant la menstruation empêchent les femmes et les filles de pénétrer physiquement dans certains endroits, leur maison, leur école, leur lieu de travail ou les lieux de culte. Si seulement une invention un jour permettait d’éradiquer la discrimination envers les femmes…

Photo: UN Women/Jeongwon Seo



 

Pantalons


Des chapeaux roses jusqu’aux tailleurs-pantalons, les vêtements féminins ont le pouvoir de s’attaquer aux stéréotypes, de transformer les notions d’identité sexuelle et de symboliser la résistance et le pouvoir. De plus, cela se résume parfois à des considérations pratiques. Essayez de monter à bicyclette avec une robe victorienne pesant 7 kilos. Les pantalons seraient préférables, n’est-ce pas ? Pas tant toutefois pour les pointilleux, qui insistent sur la nécessité pour les femmes d’être à leur place. En fait, la façon dont les pantalons ont évolué est un aspect fascinant des liens inextricables qui existent entre la mode, le féminisme et le sexisme. Prenez, par exemple, l’héroïne française emblématique Jeanne d’Arc, une guerrière célèbre pour s’être déguisée avec une armure, des tuniques et des culottes pour homme. Quand elle a été brûlée sur un bûcher en tant qu’hérétique par les Anglais en 1431, quelles ont été les accusations les plus préjudiciables portées contre elle ? Le fait qu’elle avait porté des vêtements d’homme. Bien des siècles plus tard, les femmes ont dû faire face à de violentes réactions pour leur port de pantalons larges au XIXe siècle, et elles se sont fait arrêter pour avoir porté ce type de vêtements au début du XXe siècle. Comme souvent dans l’histoire, la réalité dicte la mode et celle-ci repousse les limites : les deux guerres mondiales, par exemple, ont incité les femmes à porter des pantalons, à mesure qu’elles occupaient des postes traditionnellement réservés aux hommes. À mesure que le monde du travail changeait pour des millions de femmes, des pionnières telles que la conceptrice française Coco Chanel ont fait bousculer la mode en jetant les bases du tailleur-pantalon, un vêtement à deux pièces que les femmes d’après-guerre entrant dans le monde du travail ont adopté et qui constitue aujourd’hui un symbole de pouvoir. Et pour les millions de femmes vivant dans la pauvreté qui travaillent aujourd’hui dans les champs ou les usines, le fait qu’elles portent un vêtement plus souple, plus masculin traditionnellement n’est pas tant une expression de la mode qu’une nécessité apportant la faculté d’être mobile, de gagner sa vie et de se nourrir.

 


Photo: Wikimedia Commons