Allocution de clôture de Michelle Bachelet à la 57e session de la Commission de la condition de la femme

Date:

Allocution de clôture de Michelle Bachelet Secrétaire générale adjointe et Directrice exécutive d’ONU Femmes, à la 57e session de la Commission de la condition de la femme

[L’allocution prononcée fait foi]

Madame la Présidente,
Excellences et distingués délégués,
Chers collègues et amis, mesdames et messieurs,

Au moment où nous concluons une 57e session historique de la Commission de la condition de la femme, je vous adresse à tous mes cordiales salutations.

Nous avons vécu deux semaines particulièrement intenses. Nous avons bénéficié de l’une des participations les plus élevées des États membres, des organisations intergouvernementales, des organisations de la société civile et des collaborateurs des Nations Unies.

Je voudrais premièrement souligner à quel point j’ai apprécié votre participation. Mes remerciements s’adressent tout particulièrement à la Présidente de la Commission, Madame l’ambassadrice Marjon Kamara du Libéria, pour la conduite ferme et assurée qu’elle a maintenue au cours de nos travaux, et à la Vice-présidente de la Commission, Mme Ana Marie Hernando des Philippines, qui a assuré les fonctions de modératrice des négociations avec beaucoup d’habilité. Je remercie également le Bureau de la session.

À vous tous, chers délégués, je dis « merci » pour la détermination et l’entrain dont vous avez fait preuve pour accomplir ce travail. J’espère que vous pourrez désormais prendre un moment de repos et un repas bien mérités. Je remercie les membres de mon personnel chez ONU Femmes pour le travail infatigable et vraiment impressionnant qu’ils ont accompli. Vous serez d’accord avec moi pour considérer que ces dames forment une équipe formidable ! Merci aussi aux journalistes pour leur couverture très étendue de cette session. Nous avons vu des manchettes de journaux consacrées à la Commission de la condition de la femme ; cette couverture, ainsi que celles dont nous bénéficierons dans l’avenir, ne pourront que favoriser la réalisation des droits des femmes partout dans le monde. À tous, j’adresse mes remerciements les plus sincères.

Il est au crédit de cette Commission que depuis sa première session il y a 66 ans, elle n’a jamais manqué d’inviter les représentants de la société civile, en proposant ainsi un véritable modèle d’inclusion. Je rends tout particulièrement hommage aux milliers de représentants de la société civile qui sont venus ici pour faire entendre leurs voix.

L’intérêt et la participation dont cette 57e session de la CSW a fait l’objet reflètent toute l’importante et l’urgence, dans tous nos pays, de mettre fin à la violence contre les femmes et les filles. Nos travaux se sont poursuivis sous les regards du monde. Nous sommes venus ici il y a deux semaines en ayant à la fois l’occasion et l’obligation de faire tout ce qui était en notre pouvoir pour protéger les droits des femmes et des filles et leur droit de vivre dans la dignité, sans être victimes d’actes de violence et de discrimination. Les gens voulaient des actions concrètes. Nous n’avions donc pas le droit de manquer à notre devoir envers les femmes du monde. Et nous ne les avons pas déçues. Oui, nous avons été à la hauteur !

Il y soixante-six ans, la Commission de la condition de la femme s’est réunie pour la première fois en attirant la participation de 15 États membres. Depuis lors, nous avons été les témoins de progrès cruciaux vers la jouissance par les femmes des mêmes droits que les hommes. Les États membres qui ont assisté à cette 57e session qui prend fin aujourd’hui étaient au nombre de 131.

Depuis sa création, la Commission n’a cessé de progresser, guidée qu’elle était par l’un des principes consacrés par la Charte des Nations-Unies : l’égalité des droits des hommes et des femmes.

Aujourd’hui, 66 ans plus tard, le monde est très différent de ce qu’il était alors. Nous constatons qu’il existe un mouvement vraiment mondial pour l’autonomisation des femmes et l’égalité des sexes. Des traités relatifs aux droits de la femme tels que la CEDAF, des accords internationaux conclus au Caire comme à Beijing, et des résolutions du Conseil de sécurité, servent aujourd’hui à faire avancer cette cause. Tous ces travaux nous serviront d’appui pour progresser. Les appels à l’inclusion, à l’égalité et à l’octroi aux femmes de droits pleins et entiers, d’opportunités et de possibilités de participation, ne cessent de se multiplier.

D’innombrables indices nous permettent de constater que les avancées vers une paix et un développement durables dépendront des progrès, en souffrance depuis bien longtemps, qui seront réalisés au profit des femmes et des filles de notre monde. Celles-ci forment la moitié de la population de la planète. Si nous voulons faire de réels progrès en faveur de la paix, l’égalité et le développement, alors il nous faudra faire de réels progrès pour et avec les femmes et les filles du monde.

Mais aujourd’hui, comme nous le faisions déjà il y 66 ans, nous combattons encore pour la réalisation de la promesse articulée par les fondateurs des Nations-Unies : la promesse de droits égaux pour les hommes et les femmes.

Il y deux semaines, alors que nous nous sommes rassemblés pour cette 57e session historique de la Commission de la condition de la femme, nous venions de prendre connaissance de cas de violence très médiatisés ayant provoqué l’indignation du monde ainsi que des appels pressants à la justice. Alors même que nous poursuivions nos travaux pendant ces deux semaines, d’innombrables femmes et filles à travers le monde ont été victimes d’actes de violence constituant des violations flagrantes de leurs droits.

Nous sommes venus ici conscients du fait qu’il y a dix ans, quand la Commission s’est saisie du dossier de la violence contre les femmes et la violation de leurs droits, elle n’était pas parvenue à un accord. Lors de la session de l’année dernière, consacrée à la situation des femmes en milieu rural, nous ne sommes pas davantage parvenus à un accord.

Nous savons tous à quel point la violence contre les femmes est répandue. La violence ignore les frontières. Elle ne fait pas de distinction selon la nationalité, l’ethnie, la classe sociale, la culture ou l’appartenance religieuse. Et elle est la cause de dommages immenses infligés aux individus, aux familles et aux sociétés.

Nous sommes venus à cette 57e session munis d’une seconde chance ; en sachant que les regards du monde étaient tournés vers nous et que cette fois-ci, cette année-ci, nous ne pouvions pas décevoir les espoirs des femmes et des filles à travers le monde.

Nous sommes venus entièrement résolus à enregistrer des progrès, à établir des normes mondiales pour les actions à entreprendre en vue de prévenir et d’éliminer l’une des violations les plus graves des droits de l’homme commises aujourd’hui : les actes de violence commis contre des femmes et des filles.

Ces deux dernières semaines, nous nous sommes penchés sur des questions d’intérêt prioritaire pour les être humains du monde entier : éliminer toutes les formes de violence contre les femmes et les filles, mettre fin à l’impunité dont les auteurs de tels actes ont pu bénéficier, impliquer pleinement les hommes et les jeunes hommes, et faire progresser l’autonomisation des femmes et l’égalité des sexes afin de prévenir et d’éliminer de telles violations des droits de la femme.

Cette session a été marquée par la forte animation, la pertinence et la substance de ses travaux, comme en témoignent nos délibérations mêmes ainsi que les 128 manifestations parallèles officielles et les nombreuses rencontres que des ONG ont tenues en marge de la session. Des questions importantes et très actuelles y ont été abordées : mettre fin aux mariages des enfants et aux mariages précoces forcés, protéger les droits des personnes handicapées, et mettre à la disposition des survivantes de la violence l’appareil judiciaire et les services d’assistance dont elles ont tant besoin.

On a débattu des moyens de mettre fin aux violences sexuelles dans les situations de conflit, d’affronter la traite des personnes et de protéger les droits sexuels et procréatifs. On a également évoqué les rôles de la culture, de la religion et de la famille.

Vous avez mené de nombreuses négociations de grande intensité jusqu’à des heures tardives, examinant chaque mot et chaque paragraphe, débattant patiemment et énergiquement en vue de formuler une déclaration forte.

Comme je l’ai déjà dit, nous sommes arrivés à un point critique de notre histoire.

Mes amis,

Les appels provenant d’êtres humains innombrables ont été entendus. Les 45 États membres de cette Commission sont parvenus à un accord à propos de la prévention et de l’élimination de la violence contre les femmes et les filles. Je vous remercie de votre détermination et de votre dur travail au service des femmes et des filles, ainsi que de leur avenir. Vous avez su mettre vos divergences de côté. Vous avez su adhérer à l’esprit de Charte des Nations Unies.

Notre humanité commune nous a unis, l’emportant sur nos divisions. Cette humanité commune est ce qui nous donne la conviction selon laquelle éliminer la violence contre les femmes est les filles constitue non seulement une obligation, mais également une œuvre qu’il est possible de mener à bien, et que l’impératif de la tâche doit l’emporter sur tous les doutes, toutes les difficultés et toutes les inflexibilités qui pourraient exister.

L’accord que nous avons conclu constitue un pas de plus vers la réalisation des droits et de la dignité des femmes et des filles.

Mais nous ne pouvons nous arrêter là. Il nous reste encore beaucoup à faire. Il faut que nos propos soient suivis d’effets, d’actions. Le moment de la mise en œuvre et de la redevabilité est venu. Il nous faut continuer à avancer, avec courage, conviction et engagement.

Au cours de cette 57e session, il a été possible, en plus des conclusions qui ont été arrêtées, d’adopter des résolutions concernant l’organisation et les modalités de travail futures de la Commission de la condition de la femme, et concernant aussi la situation des femmes palestiniennes et l’assistance à leur apporter. ONU Femmes se réjouit de la perspective de poursuivre sa collaboration avec des pays et partenaires en vue de contribuer aux moyens d’étendre les travaux de la Commission. Nous nous réjouissons aussi de la perspective d’appuyer les préparatifs de la Commission pour sa 59e session en 2015, à laquelle elle fera le point de la mise en œuvre de la Déclaration et de la Plateforme d’action de Beijing.

ONU Femmes soutient entièrement les préparatifs touchant au thème prioritaire de l’année prochaine, qui portera sur la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement relatifs aux femmes et aux filles. Nous continuerons à travailler dur cette année sur des questions émergentes afin que des thèmes clés liés à l’égalité des sexes, par exemple l’élimination de la violence contre les femmes, soient priorisés dans le cadre des travaux postérieurs à 2015.

Alors que nous clôturons la session, nous allons désormais nous occuper de mise en œuvre et de redevabilité dans le cadre des actions qui permettront de prévenir et mettre fin à la violence contre les femmes et les filles. Je salue la décision des 53 gouvernements ainsi que de l’Union européenne d’adhérer à l’initiative ENGAGEONS-NOUS et d’annoncer des actions visant à prévenir et à éliminer la violence contre les femmes.

Je l’ai déjà dit, et je le réaffirme encore : il ne peut y avoir de paix ou de progrès tant qu’il existera de la discrimination et de la violence contre les femmes.

Tout retour en arrière est impossible. Nous allons poursuivre notre route. Nous aurons à suivre le rythme des transformations sociales et de l’évolution des attitudes, des croyances, des valeurs et des espoirs et aspirations des populations du monde. Leur espoir, qui est le nôtre, est que l’égalité des sexes devienne une réalité en ce 21ème siècle.

Je vous remercie de votre attention.

Mais permettez-moi d’ajouter une remarque personnelle. Cette session sera la dernière de la Commission de la condition de la femme à laquelle j’aurai assisté. Pour des raisons personnelles, je vais retourner dans mon pays. Mais soyez certains que je continuerai à travailler pour l’autonomisation des femmes et l’égalité des sexes.

Ce fut pour moi un privilège de pouvoir participer à ce moment historique avec vous. La Commission de la condition de la femme a été créée avec beaucoup de prévoyance pour demeurer le premier forum mondial dédié à l’avancement des droits de la femme.

Vous avez le privilège, mais également la responsabilité, de travailler ensemble pour un monde meilleur. Je vous exhorte à ne jamais vous arrêter dans la poursuite de cet effort. Des millions et des millions de femmes et de filles ont mis leur espoir et leur confiance en vous.

Comme le dit notre chanson, « Nous sommes Une Femme, et nous brillerons ! »

À tous, merci encore.

Lien connexe