Des lois types pour lutter contre la traite des personnes dans les États arabes

Un programme de trois ans en faveur de la lutte contre la traite des personnes soutenu par le Fonds d’affectation spéciale des Nations Unies pour mettre fin à la violence à l’égard des femmes permet d’activer l’application de la loi contre ce crime en Égypte, en Jordanie et au Maroc.

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C’est une simple offre d’emploi publiée dans son journal local qui avait attiré Rosita* en Jordanie. « Travaillez en tant que cheffe pour un salaire de 400 dollars US, plus logement et repas gratuits » lui promettait l’annonce. 

An anonymous trafficking victim. Photo: UNICEF/Shehzad Noorani
Photo: UNICEF/Shehzad Noorani

« J’ai reçu une invitation d’une agence de recrutement en Jordanie afin d’obtenir un visa », se souvient-elle. « [L’homme qui m’a fait passer l’entretien] m’a dit que j’aurais ma propre chambre équipée d’un téléviseur et d’un téléphone de sorte que je puisse contacter ma famille ».

Une offre alléchante impossible à refuser.

Quand Rosita est montée dans l’avion dans son pays natal du Guatemala, un sentiment d’euphorie s’est emparé d’elle. Elle a rencontré 15 autres femmes qui avaient reçu des offres similaires, et elles ont alors discuté avec enthousiasme de cette opportunité qui les attendait en Jordanie.

À leur arrivée, cet optimisme se transforme rapidement en peur.

« On nous a emmenées de l’aéroport à un appartement », raconte Rosita. « On nous y a enfermées à clé, sans eau, ni nourriture ou électricité ».

Les femmes étaient involontairement tombées dans le piège de la traite des personnes, un problème très répandu dans les États arabes de la région. L’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime estime que les femmes et les jeunes filles représentent 70 pour cent de toutes les victimes de la traite des personnes à l’échelle mondiale.

Contrairement à beaucoup d’autres dans la même situation, Rosita et ses amies ont pu s’échapper et se réfugier dans un foyer en Jordanie. Le personnel du foyer les a aidées à récupérer leurs passeports qui avaient été volés par les trafiquants et à retourner au Guatemala.

Ce foyer est géré par le Jordanian Women’s Union (JWU), qui a mis en œuvre le programme de lutte contre la traite des personnes dans trois pays de 2011 à 2013, en partenariat avec le Centre égyptien pour l’Assistance aux femmes et l’Union de l’Action Féminine au Maroc.

Pour réduire l’exposition des femmes à la traite des personnes, le programme a bénéficié de près de 1 million de dollars US de la part du Fonds d’affectation spéciale des Nations Unies pour mettre fin à la violence à l’égard des femmes. Grâce aux efforts concertés des gouvernements, des ONG et des représentantes et représentants juridiques, ce programme est parvenu avec succès à établir des lois pour lutter contre la traite des personnes et à assurer une meilleure application des lois, il a fourni des services fondés sur les droits visant à l’autonomisation des victimes et il a sensibilisé l’opinion publique à ce problème grâce à l’organisation de campagnes et l’établissement de réseaux.

Sur le plan juridique, les partenaires du projet ont présenté et examiné les concepts et les définitions de la traite des personnes, en conformité avec le Protocole des Nations Unies visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes et en particulier celle des femmes et des enfants, qu’ils ont fini par adopter. Ces concepts et définitions servent désormais de base pour la rédaction d’une loi régionale et de trois lois nationales types pour lutter contre la traite des personnes. 

« Certains membres pensaient que nous leur faisions perdre leur temps en portant sans cesse la discussion sur la définition et la terminologie », explique Nadia Shamroukh, la coordinatrice régionale du projet. « Sans consensus, nous n’aurions pas avancé d’un pas dans le cadre du projet ».

Étant donné la nature transfrontalière de la traite des personnes, un comité juridique régional a été mis sur pied, composé d’avocat(e)s, de juges et d’expert(e)s en matière de droit international des droits humains originaires de plusieurs pays arabes. Des réunions régionales se sont tenues afin de rédiger une loi type axée sur la protection, la pénalisation, la punition des auteurs des crimes ainsi que sur le rétablissement et le rapatriement des victimes. Le processus de rédaction et de révision des lois nationales a démarré après que le modèle régional ait été convenu au mois de décembre 2013.

Les cadres juridiques diffèrent dans les trois pays. En Jordanie, une loi existe sur la lutte contre la traite des personnes, mais celle-ci n’était pas mise en œuvre. Dix parlementaires ont soutenu la présentation de la loi type au Parlement, mais celle-ci doit encore être adoptée. Cependant, après les séances de formation au système juridique, le nombre de renvois entre le JWU et l’Unité de lutte contre la traite des personnes a enregistré une hausse, et les partenaires ont signalé une meilleure application de la loi déjà existante.

En Égypte, un projet de loi existait, mais il n’avait pas encore été adopté par le Parlement. À cause de divers facteurs politiques, cette loi et toutes les modifications y afférentes doivent encore été adoptées par le Parlement.

Au Maroc, aucune loi n’érigeait clairement la traite des femmes en infraction pénale. Un projet de loi a été approuvé par le gouvernement marocain au mois de mai 2015, et il devrait être adopté par le Parlement début 2016.

Au cours de la première année du projet, trois réseaux nationaux composés de représentant(e)s d’ONG, d’activistes des droits humains et de parties prenantes du gouvernement ont été établis. Plus de 100 agents de police, juges et procureur(e)s ont été formés sur le phénomène de la traite des personnes en Jordanie, en Égypte et au Maroc. Près de 400 femmes ont bénéficié de conseils juridiques et d’un soutien psychosocial, et quatre lignes d’assistance téléphonique ont été mises sur pied pour dispenser des services aux victimes de la traite des personnes. Trois foyers ont ouvert leurs portes pour offrir un lieu sûr aux femmes, et 35 organisations ont bénéficié d’une formation afin de fournir des services spécialisés aux femmes victimes de la traite des personnes en Jordanie.

« Les partenaires des gouvernements ont facilité l’accès des travailleuses et travailleurs sociaux et des avocat(e)s aux différentes institutions publiques lorsqu’elles et ils s’occupent de cas de traite des personnes », a déclaré la coordinatrice adjointe du projet Aseel Abu Al Bandora, basée en Jordanie. « Parfois, il ne fallait guère plus qu’un coup de fil à l’un des représentants du gouvernement pour obtenir une réponse ou pour faciliter les procédures au commissariat de police ou au tribunal ».

Lorsque les cadres juridiques des trois pays ont été révisés, les comités nationaux ont passé en revue le Code pénal et celui du travail afin de rédiger des lois qui contourneraient les obstacles juridiques. La couverture médiatique et la sensibilisation des représentantes et représentants des gouvernements, des ONG et de toute la communauté ont également contribué à mobiliser le soutien des législateurs, des instances régionales et des organisations nationales autour des projets de loi.

Cette année, grâce au financement du gouvernement norvégien, les partenaires du projet vont élargir leurs coalitions, ajouter de nouveaux pays à leur liste et mener une campagne pour promouvoir la loi régionale dans les instances gouvernementales et chez les parties prenantes.

*Le nom a été modifié pour protéger l’identité de la personne.