En Éthiopie, un refuge accueille les jeunes filles victimes d’abus sexuels et leur redonne l’espoir d’un avenir meilleur

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Dans une rue poussiéreuse de banlieue, derrière de hautes murailles blanchies à la chaux, une clôture et des barbelés, se cache une petite maison de brique, une parmi tant d'autres dans la ville éthiopienne d'Amara. Mais cette adresse n'est pas comme les autres : elle est là pour donner un avenir à des femmes et à des filles qui ont été victimes d'abus innommables.

Le refuge de l'AWSD (en anglais « Association for Women's Sanctuary and Development » ou Association pour la protection et le développement des femmes), qui bénéficie du soutien d'ONU Femmes, est un lieu plein de joie et de vie, résonnant des jeux des enfants et sentant bon l'injera, le pain éthiopien en train de cuire.

« Les femmes de ma génération sont plus conscientes de leurs droits que les générations précédentes et comme nous travaillons avec la police, elle aussi est en train de changer d'attitude », nous dit la responsable du projet (dont le nom a été omis pour des raisons de sécurité)« mais beaucoup de femmes ne connaissent pas leurs droits et ne savent pas ce qu'elles peuvent faire lorsqu'elles ont été violées ou sont victimes de violences », ajoute-t-elle.

Afin que les occupants du refuge puissent y vivre en toute sécurité, la responsable du projet dit qu'il est essentiel d'en respecter le caractère secret. « Personne, pas même les voisins, ne sait à quoi sert cette maison. Et même la police ignore où elle se trouve. »

Au cours de l'année écoulée, le refuge a abrité 125 femmes pendant un minimum de trois mois chacune et leur a fourni un suivi intense ainsi que des soins médicaux. Un des aspects fondamentaux du centre, c'est qu'il fournit à chacune des rescapées une formation en cuisine, en informatique, en coiffure ou en couture et borderie.

La maison comporte une clinique, ouverte en continu, un local réservé à la formation, une cuisine, un service de conseils, un jardin d'herbes aromatiques, des pièces d'habitation et un bureau administratif. Chaque recoin est utilisé : ainsi le local des finances qui abrite les bureaux, les ordinateurs et les imprimantes de deux employées contient aussi deux lits d'appoint.

Hana (dont nous avons modifié le nom) a 15 ans. Elle est née à Gonder, à 800 kilomètres d'Adama. Il y a deux ans, sa tante a convaincu ses parents de l'envoyer à Adama pour y recevoir une éducation. Au lieu de cela, elle s'est retrouvée bonne à tout faire chez sa tante et a été violée par son cousin. Hana est tombée enceinte et s'est fait mettre à la porte. Trop honteuse pour rentrer à la maison, elle s'est réfugiée chez une vieille dame du voisinage qui a signalé son cas à la police, qui a contacté le refuge.

« J'ai appris à nourrir, à laver et à changer mon fils. Sans le refuge, je n'aurais eu nulle part où aller. J'ai terminé la troisième année à l'école et j'aimerais y retourner un jour. Pour l'instant, je veux apprendre à faire la cuisine pour pouvoir travailler et gagner ma vie et subvenir aux besoins de mon bébé », nous dit Hana.

Mais la responsable du projet n'est pas optimiste pour ce qui est des chances qu'a la jeune femme d'obtenir justice. « Il est indéniable que le crime a été signalé avec du retard. La police s'en occupe, mais Hana n'a pas de quoi payer un test de paternité et il n'y a donc pas de preuves. »

Une autre jeune fille qui a trouvé refuge ici est Rahima (dont nous avons modifié le nom) ; elle a 12 ans et vient d'un village proche d'Addis-Abeba. Violée par ses cousins adultes, elle s'est réveillée après une semaine dans le coma avec une fracture de la hanche. Un de ses agresseurs est actuellement devant la justice et l'autre s'est enfui. Le refuge finance pour elle des séances de physiothérapie qui lui permettent d'espérer remarcher un jour sans béquilles. Ce sont les parents de Rahima qui l'ont amenée ici parce qu'ils n'ont pas les moyens de payer le traitement dont elle a besoin. Mais sa famille et son école lui manquent.

Selon la responsable du projet, il y a une forte demande pour les services que fournit le refuge, et la police appelle tous les jours pour signaler de nouveaux cas de femmes battues ou violées. Malheureusement, le refuge ne peut toutes les accueillir faute d'espace et de ressources. Mais pour celles qui franchissent les portes du refuge, c'est un sanctuaire dont les services représentent une chance d'autonomisation et de réadaptation.