Ethiopie: Reprendre espoir en la vie

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La Directrice du refuge Maria Munir Yusuf (à gauche) fait visiter à Mme Bachelet (à droite) le centre contre la violence sexiste destiné aux femmes pauvres d'Addis-Abeba.
La Directrice du refuge Maria Munir Yusuf (à gauche) fait visiter à Mme Bachelet (à droite) le centre contre la violence sexiste destiné aux femmes pauvres d'Addis-Abeba. (Photo: ONU Femmes)

Le refuge n'est pas visible de la rue et ne se découvre qu'une fois franchi un imposant portail. Des fleurs bordent les allées qui relient une série de modestes btiments à un étage. Des éclats de rire, de la musique et des danses se font entendre, car on célèbre aujourd'hui la survie et la force des femmes.

Les femmes et les enfants se regroupent devant les btiments. Tous sont rassemblés pour saluer la Directrice exécutive d'ONU Femmes, Michelle Bachelet, qui est venue visiter l'une des installations construite à Addis-Abeba, en Ethiopie, pour protéger les femmes pauvres de la violence sexiste. Beaucoup arrivent à l'Association d'asile et de développement pour les femmes (AWSAD) brisées par les abus. Elles en repartent avec un corps et un esprit neufs, dotées de nouvelles qualifications et de la confiance nécessaire pour entamer une vie nouvelle.

Mme Bachelet écoute attentivement certaines d'entre elles raconter leur histoire. « La police m'a trouvée inconsciente, avec une dent en moins et la mchoire brisée par mon mari » raconte l'une d'entre elles, au visage encore marqué de bleus et de cicatrices. « On m'a envoyé dans un hôpital privé, mais comme je n'avais pas d'argent, ils m'ont orientée ici afin de recevoir un traitement médical. Aujourd'hui, je suis en bonne santé et j'ai été formée au métier de coiffeuse. Je suis extrêmement reconnaissante, et heureuse de cette opportunité qui m'est donnée de mener une nouvelle vie en toute indépendance ».

Son mari purge une peine de sept ans de prison, après que le refuge l'ait aidée à mener l'affaire devant les tribunaux. Elle s'inquiète de ce qui va arriver une fois qu'il sera relché. La formation à l'auto-défense que le refuge propose également aux résidents est-elle utile ? « Oui, oui, oui ! » s'exclame-t-elle.

Une autre femme s'avance, vêtue d'un élégant et long drapé violet. « Cette enceinte est petite, mais on y accomplit un travail remarquable en réglant beaucoup de problèmes », déclare-t-elle. « On n'en ressort pas sans solution ».

A son arrivée, celle-ci était clouée au lit, dévastée par les abus perpétrés par son mari et traumatisée par l'annonce de sa séropositivité.

« Je me suis mise à pleurer quand j'ai appris la nouvelle » explique-t-elle à voix douce. « Mais je suis restée une femme heureuse, avec un enfant sain ». Elle est restée au refuge pendant un an, avant de le quitter pour ouvir une petite boutique de vêtements pour bébés. Elle est aujourd'hui revenue au refuge pour retrouver les gens qui lui manquent là-bas.

« C'est votre grande famille » dit Mme Bachelet, au moment d'échanger une chaleureuse étreinte.

L'AWSAD témoigne de ce qu'une poignée de femmes activistes peuvent faire avec un petit financement de démarrage et beaucoup de volonté. Maria Munir Yusuf, directrice du centre et ancienne juge de la Haute cour, fait visiter le refuge à Mme Bachelet. Elles s'arrêtent dans la clinique, visitent des dortoirs immaculés, admirent des objets artisanaux réalisés par des femmes apprenant la couture et la broderie, et dégustent des plats qui viennent d'être cuisinés par les résidentes du refuge.

Mme Bachelet (à gauche) observe une session de formation permettant aux femmes d'obtenir un certificat de garde d'enfants dans un centre pour les femmes victimes de violences sexiste à Addis Ababa. Ce certificat permet à ces femmes de trouver un emploi dans des crèches, des orphelinats et des garderies. (Photo: ONU Femmes)

Mme Yusuf souligne que l'idée du refuge est née du constat selon lequel les femmes victimes de violences ne disposaient que de peu de services de soutien - en particulier celles qui étaient pauvres. Comme de nombreux pays, l'Ethiopie est dotée d'une législation pour mettre fin à la violence contre les femmes mais de moyens limités pour la faire appliquer.

Même les juges continuent de suggérer aux femmes victimes de violences conjugales de se tourner vers leurs familles ou vers les sages de leur communauté plutôt que de venir au tribunal - des familles et des sages qui se contentent souvent de faire pression sur les femmes pour qu'elles retournent auprès des auteurs de ces abus. Selon les enquêtes nationales, jusqu'à 60% des femmes éthiopiennes subissent des violences domestiques au cours de leur existence.

« Beaucoup de femmes arrivent ici totalement démunies. Elles ne sont même plus capables de raconter leurs mésaventures. Nous leur donnons des vêtements, de la nourriture, leur fournissons des soins médicaux, des conseils juridiques, leur enseignons de nouvelles qualifications - tout ce dont elles ont besoin pour changer de vie » explique Mme Yusuf.

Le refuge peut accueillir 50 personnes, mais on y compte souvent le double de femmes et d'enfants résidents, indique Mme Yusuf dans un éclat de rire. « Nous sommes des femmes. Nous savons gérer la situation. Et nous ne baissons jamais les bras ».

« Cela montre tout ce que nous sommes capables de réaliser » affirme Mme Bachelet, faisant part de son expérience concernant de telles insuffisances de services pendant sa présidence au Chili. Grce à l'appui du gouvernement, 70 refuges ont été mis en place.

Mme Bachelet a souligné qu'il était important que les femmes disposent d'une autonomie économique pour pouvoir échapper à la violence. « Si vous êtes pauvre et que vous n'avez pas d'autre choix, l'abus peut perdurer pendant des années. Si vous pouvez au contraire acquérir des qualifications, et comprendre que les choses peuvent être différentes, un choix beaucoup plus vastes se présentent à vous ».

L'AWSAD ouvrira un second refuge début février, avec l'appui d'ONU Femmes. Après avoir écouté les témoignages de toutes ces femmes, Mmes Bachelet et Yusuf ont rejoint plusieurs dizaines de résidentes du refuge pour quelques pas de danse dans la cour, sous le chaud soleil d'hiver. Elles célèbrent les avancées réalisées, pour chacune d'entre elles mais aussi pour les institutions qui ouvrent la voie à des vies meilleures.