Présentation de Michelle Bachelet au colloque parrainé par la Conférence de coordination pour la promotion de l’égalité des sexes, organisée par le Bureau du Conseil des ministres

Date:

Présentation de Michelle Bachelet au colloque parrainé par la Conférence de coordination pour la promotion de l'égalité des sexes, organisée par le Bureau du Conseil des ministres. Mardi 13 novembre 2012.

[Seul le texte prononcé fait foi]

Bonjour. Je suis ravie de me trouver ici à Tokyo avec vous tous. Je souhaiterais tout d'abord remercier les membres de la Conférence de coordination pour la promotion de l'égalité des sexes qui ont parrainé ce colloque, et en particulier Mme Hideko KUNII, Présidente du conseil de Ricoh IT Solutions Company, et coordinatrice des Principes d'autonomisation des femmes dans le secteur privé, dans le cadre de la Conférence de coordination.

C'est la première fois que je viens au Japon en tant que Directrice exécutive d'ONU Femmes et j'étais très impatiente d'effectuer ce voyage.

Je souhaiterais également exprimer mes sincères remerciements au gouvernement et au peuple japonais pour le leadership dont ils font preuve en matière de multilatéralisme, de paix internationale, de développement durable et de sécurité humaine. Cette action est restée ferme et solide, malgré les périodes difficiles et éprouvantes traversées par le peuple japonais.

J'arrive de New York, où nous sommes encore sous le coup de la tempête dont vous avez entendu parler, l'ouragan Sandy.

L'année dernière, le Japon a beaucoup souffert du grand tremblement de terre et du tsunami qui ont touché l'est du pays. Des peuples du monde entier se sont associés à la peine du Japon. Le monde s'est associé à votre émotion et votre tristesse après le cataclysme, et nous avons partagé vos espoirs de reconstruction et de périodes plus favorables.

Votre détermination, votre force et votre résistance ont constitué un exemple pour le monde entier. Nous avons tous beaucoup à apprendre de vous, le peuple japonais.

Aujourd'hui, partout dans le monde, souffle le vent du changement. Nous vivons une époque tourmentée, faite d'incertitudes et de transformations. Les peuples veulent croire en un avenir meilleur.

L'espoir peut résider dans bien des endroits différents. Dans l'histoire d'une des centenaires japonaises, par exemple, une poétesse qui n'a commencé à écrire qu'à 92 ans. Toyo Shibata est aujourd'hui gée de 101 ans. Son œuvre a trouvé un écho. Elle a vendu plus d'un million d'exemplaires de sa première anthologie de poèmes intitulée Ne renoncez jamais.

Ses poèmes transmettent le message d'espoir émanant d'une femme qui n'a jamais renoncé pendant plus d'un siècle. Ici au Japon comme dans le monde entier, j'ai vu à quel point les peuples peuvent résister et se rassembler en signe de solidarité.

Dans tous les pays, les peuples souhaitent une vie agréable pour leurs familles et leurs enfants. Ils veulent vivre sans peur et en paix. Ils désirent l'égalité des chances pour pouvoir réaliser leur potentiel.

Depuis des années, les gens admirent le Japon et le respectent pour l'attention particulière qu'il porte au concept de sécurité humaine et pour la connaissance qu'il en a. Sadako Ogata et d'autres ressortissants japonais ont poussé ce paradigme encore plus loin en mettant l'accent sur les droits humains, la dignité humaine, le fait de vivre à l'abri de la peur et du besoin, et la protection de l'environnement. Le concept de sécurité humaine a bénéficié d'une large reconnaissance au sein de la communauté internationale.

Je vais aujourd'hui évoquer à quel point l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes sont essentiels à la sécurité humaine et nous donnent à tous de l'espoir en l'avenir.

Dans ce pays, vous avez un proverbe qui dit : « Le Japon est un pays où l'aube ne point pas sans une femme ». Je voudrais remercier le Japon pour son solide soutien aux Nations Unies, son amitié envers ONU Femmes et son partenariat pour l'égalité des sexes dans le monde entier.

ONU Femmes a été créée en 2010 pour tenir une promesse faite dans la Charte des Nations Unies, celle de parvenir à l'égalité des droits des hommes et des femmes. ONU Femmes, comme les agences spécialisées de l'ONU, a un mandat universel. Nous aidons les gouvernements à établir des normes pour définir la forme que l'égalité des sexes pourrait prendre et la façon d'y parvenir. Lorsque les pays mettent en œuvre les engagements qu'ils ont pris en signant des conventions internationales, ils sollicitent notre avis sur les mesures les plus efficaces à prendre.

Tous les pays prennent le chemin de l'égalité absolue des sexes et sont confrontés à des défis spécifiques qui présentent parfois des similitudes. Ils peuvent beaucoup apprendre les uns des autres. C'est la raison pour laquelle, à ONU Femmes, nous essayons d'analyser les enseignements tirés de l'expérience pour en faire profiter le plus grand nombre.

Laissez-moi vous citer quelques exemples. Nous avons soutenu un programme qui a connu un grand succès, mis en place par les autorités urbaines dans plusieurs villes telles que Le Caire, Delhi et Kigali, pour lutter contre la violence à l'égard des femmes dans les lieux publics. Dublin et Oslo nous ont récemment demandé s'ils pouvaient appliquer les leçons tirées de ces expériences.

ONU Femmes est toujours disposée à fournir des conseils techniques à tous les pays. L'an dernier nous avons aidé le Conseil de l'Europe à mettre en place une Convention révolutionnaire destinée à éliminer la violence contre les femmes en prodiguant des conseils d'experts.

Il y a quelques semaines, ONU Femmes a publié un Recueil de données sur les femmes, la paix et la sécurité, qui regroupe des conseils pratiques sur une série de questions, telles que la préparation des Plans nationaux d'action en faveur des femmes, de la paix et de la sécurité, que le Conseil de sécurité a conseillé à tous les pays d'appliquer. Grce à notre mandat universel, nous pouvons prodiguer nos conseils à tous, bien que l'appui programmatique assuré au moyen des fonds de développement ne soit réservé qu'aux pays en voie de développement.

L'égalité dépend de nous tous. Cette année, j'ai fixé trois priorités à ONU Femmes : promouvoir la participation et le leadership politiques des femmes, accroître les possibilités économiques qui s'offrent à elles et mettre un terme à la violence envers les femmes et les filles.

Je remercie le Japon pour le rôle majeur qu'il a joué dans la promotion de la participation et du leadership politique des femmes. L'an dernier, le Japon a co-parrainé la résolution de l'Assemblée générale sur la participation politique des femmes, qui a été adoptée par consensus par les États membres de l'ONU lors de sa 66ème session.

La résolution de l'Assemblée générale reconnaît les contributions essentielles que les femmes du monde entier continuent de faire sur le plan du rétablissement et du maintien de la paix et de la sécurité internationales et de la pleine réalisation de tous les droits de l'homme, de la promotion du développement durable et de la croissance économique ainsi que de l'éradication de la pauvreté, de la famine et des maladies.

Elle réaffirme que la participation active des femmes sur un pied d'égalité avec les hommes à tous les niveaux de la prise de décisions est décisive pour parvenir à l'égalité, au développement durable, à la paix et à la démocratie.

La représentation des femmes est importante pour quantité de raisons. Tout d'abord, c'est une simple question de justice. Les femmes constituent 51 pourcent de la population mondiale et devraient donc être pleinement représentées au sein des instances décisionnelles élues.

La représentation des femmes est également essentielle pour assurer une démocratie active et prospère. Des experts en matière constitutionnelle ont ainsi remarqué que les expériences vécues par les femmes étaient différentes de celles vécues par les hommes, et que leurs voix et idées devaient être prises en compte pour appliquer des politiques efficaces qui répondent aux besoins de l'ensemble de la population.

De par mon expérience en tant que présidente du Chili, je sais que lorsque des femmes se trouvent autour de la table, la nature des discussions n'est pas la même, la recherche de solutions est plus active et les résultats obtenus sont meilleurs. Lorsque les femmes et les hommes prennent des décisions ensemble, la politique gouvernementale a des chances d'être plus efficace pour promouvoir le bien commun, le dialogue est plus large et davantage en mesure de répondre à la demande publique.

Des études ont également démontré qu'une plus grande variété de sujets était évoquée lorsque davantage de femmes siégeaient au parlement. Une enquête réalisée dans 19 pays de l'OCDE entre 1970 et 1990 a fait apparaître une forte corrélation entre la représentation des femmes au parlement et le renforcement des politiques portant sur la garde des enfants et le congé parental.

Pour ces raisons et d'autres encore, ONU Femmes travaille à la création de « parlements sensibles aux questions de genre » avec trois objectifs principaux. Le premier objectif consiste à augmenter le nombre de femmes qui participent, en tant que membres du parlement. Le deuxième objectif est de faciliter la participation des femmes par l'intermédiaire des parlements, en tant que députées ou d'électrices.

Enfin, le troisième objectif vise à promouvoir un contenu tenant compte des questions de genre lors des discussions et du vote des lois au Parlement, pour faire en sorte que les lois et les politiques adoptées répondent aux vastes besoins de la société, qui comprend des femmes et les perspectives qu'elles représentent.

Le travail qu'ONU Femmes a mené à bien avec des parlementaires du monde entier nous a montré que les institutions elles-mêmes peuvent procéder à des ajustements apparemment mineurs qui permettent aux femmes d'avoir une plus grande influence et de participer davantage. Cela peut aller de la modification des horaires des réunions à des btiments construits de façon à être plus conviviaux pour les femmes et les mères.

Cela peut aussi consister à organiser l'environnement de travail de façon à prévoir des espaces d'expression pour les femmes, grce par exemple à la création de groupes de paroles pour femmes.

Un aspect essentiel de la réussite réside dans la participation des femmes à l'établissement du budget, l'un des rôles essentiels de tous les parlements nationaux. En prenant des mesures spécifiques pour que les besoins des femmes et leurs précieuses expériences soient pris en compte, on peut assurer que les budgets nationaux non seulement répondent aux besoins essentiels des femmes mais leur donnent également les moyens d'être des citoyennes à part entière et productives au sein de leur société, en mesure de faire valoir leurs droits.

ONU Femmes a énormément travaillé dans le domaine de l'établissement de budgets tenant compte des questions de genre et est prête à apporter ses ressources et son appui aux parlements qui souhaitent approfondir leur action dans ce domaine.

Dans l'ensemble, nous savons que la participation des femmes aux processus de prise de décisions présente de nombreux avantages, que j'ai déjà mentionnés. Nous savons également que la présence d'un plus grand nombre de femmes en politique mène à une plus grande ouverture d'esprit et transparence, favorisant ainsi une responsabilité accrue vis-à-vis des citoyens.

Un autre avantage est celui dit de l'effet modèle. Il est en effet apparu que le fait de compter davantage de femmes dans le monde politique, dans les salles de conseils et dans les principales organisations avait des effets positifs sur les performances intellectuelles et les ambitions professionnelles des jeunes femmes.

Toutefois, malgré ces nombreux avantages, les femmes restent systématiquement sous-représentées au sein des instances décisionnelles élues.

Les femmes représentent aujourd'hui 20 pourcent des parlementaires dans le monde et 13,4 pourcent des membres du parlement japonais.

Je suis favorable à l'adoption de mesures spéciales temporaires, telles que l'établissement de quotas, pour accroître le nombre de femmes siégeant au parlement et occupant des postes de responsabilité. Cela est conforme aux critères des accords internationaux et est une façon efficace de promouvoir l'égalité. Sur les 33 pays qui comptent aujourd'hui plus de 30 pourcent des femmes parlementaires, 26 ont mis en place des mesures temporaires spéciales pour atteindre cet objectif.

Il faut que davantage de femmes occupant des postes de responsabilité travaillent au côté des hommes pour créer des sociétés durables d'un point de vue économique, environnemental et social.

Je viens d'évoquer la participation et le leadership politiques croissants des femmes. Je vais maintenant aborder le sujet de la promotion des possibilités économiques qui s'offrent aux femmes.

Nous possédons un nombre croissant d'études, émanant du secteur privé, du FMI et des Nations Unies, qui aboutissent toutes à la même conclusion. La réduction de l'écart entre les sexes dans la force de travail et l'élimination des obstacles à une participation totale des femmes aide réellement les pays à survivre et à prospérer dans le monde actuel, mondialisé, concurrentiel et en perpétuel mouvement.

Le Japon, comme d'autres pays, a beaucoup à gagner de l'égalité des sexes - celle-ci étant bénéfique non seulement pour les femmes, mais également pour les hommes, en permettant la croissance de l'économie et en assurant de meilleures perspectives d'avenir.

L'Indicateur mondial des écarts entre les sexes 2012 du Forum économique mondial, récemment publié, classe le Japon à la 101ème place sur 135 pays, du fait de la faible participation des femmes à la vie politique, à la vie économique et aux possibilités qui y sont offertes.

Si les femmes dans le monde contribuent à l'économie et à sa productivité, elles continuent d'être confrontées à de nombreux obstacles par rapport aux hommes. Cela est non seulement dommageable aux femmes, mais freine également les performances économiques.

Au cours des 30 dernières années, 552 millions de personnes ont rejoint le marché de l'emploi dans le monde. Aujourd'hui, 4 travailleurs sur 10 dans le monde sont des femmes. Mais la moitié des travailleuses du monde continuent d'occuper des emplois précaires, d'être piégées à des postes instables et ne relevant souvent pas du droit du travail.

Dans toutes les régions et dans la plupart des professions, les femmes sont payées moins que les hommes pour le même travail, ou pour un travail de valeur égale. En fait, dans la majorité des pays, les salaires des femmes représentent entre 70 et 90 pour cent de ceux des hommes.

Ici au Japon, les femmes gagnent environ deux-tiers du revenu gagné par les hommes, et, comme dans les autres pays, les femmes sont en majorité des employées non régulières et sont sous-représentées aux postes de supervision et de gestion.

Mais il ne s'agit pas seulement d'augmenter le revenu et de promouvoir l'égalité des femmes -même si cela est important. Le travail des femmes est crucial pour obtenir des résultats économiques satisfaisants. Une étude récente menée au sein des pays de l'OCDE montre que le taux de participation des femmes à la main-d'œuvre a une corrélation positive avec le Produit intérieur brut. En d'autres termes, les nations ayant des taux élevés de travailleuses affichent également des résultats économiques supérieurs.

L'augmentation de la participation des femmes au marché du travail pourrait donc se traduire par des avancées économiques pour l'économie japonaise. La question essentielle est celle-ci : le Japon a besoin de plus de travailleuses pour assurer sa croissance et son redressement économiques.

Aujourd'hui, près de 3,4 millions de Japonaises qui ne participent pas à la main-d'œuvre sont désireuses de travailler. Si ces femmes entraient sur le marché du travail, le PIB du Japon augmenterait de 1,5 pour cent.

Si 65 pour cent des femmes diplômées de l'enseignement supérieur sont employées, trop de Japonaises abandonnent leur emploi quand elles deviennent mère. Les données montrent que plus de 60 pour cent des femmes japonaises quittent leur poste à la naissance de leur premier enfant. Et cela n'est pas une question d'ordre privé, mais de politique publique.

Les politiques peuvent aider les parents qui travaillent, tant les mères que les pères, à concilier leurs vies professionnelle et familiale et à bénéficier de l'égalité des chances. J'en ai fait l'expérience au Chili. En tant que jeune mère et pédiatre, j'ai assisté à la lutte qui consiste à équilibrer la famille et la carrière, et vu la manière dont l'absence de garde d'enfants empêche les femmes d'occuper un emploi rémunéré.

La possibilité de contribuer à éliminer ces obstacles a été l'une des raisons de mon entrée en politique. C'est pourquoi j'ai appuyé les politiques qui ont permis d'élargir les services de santé et de garde d'enfants proposés aux familles, et j'ai donné la priorité aux dépenses publiques destinées à la protection sociale, telles que les retraites des personnes gées.

Ici au Japon, les données montrent qu'après 30 ans, les femmes japonaises passent plus de temps à effectuer des travaux non rémunérés tels que la cuisine, le ménage et les soins des enfants, qu'à des emplois rémunérés. Une fois atteint l'ge d'avoir un enfant, les femmes japonaises passent entre deux et huit fois plus de temps à des emplois non rémunérés qu'à des emplois apportant une compensation financière.

La perte de tant de travailleuses au moment de leur maternité constitue un frein à la croissance et à la productivité. Selon les recherches effectuées par Goldman Sachs, si le Japon était en mesure d'éliminer l'écart entre les sexes en matière d'emploi, cela résulterait en une augmentation du nombre de travailleurs de 8,2 millions, ce qui pourrait faire croître le PIB du Japon jusqu'à 15 pour cent.

L'augmentation de la croissance pourrait bénéficier à la population vieillissante du Japon.

Les études montrent que les femmes et les hommes affichent des taux de pauvreté similaires, de l'ordre de 15 pour cent, jusqu'à 64 ans. Mais ces taux divergent sensiblement à des ges plus élevés, le taux de pauvreté des femmes augmentant à 27 pour cent à 80 ans et plus.

Cela signifie que les femmes japonaises deviennent plus pauvres à mesure qu'elles prennent de l'ge. Et les femmes gées entre 80 et 89 ans devant devenir le groupe d'ge le plus important au Japon d'ici à 2060, les politiques visant à assurer la participation des femmes à la main-d'œuvre et à garantir leur protection sociale peuvent renforcer la cohésion sociale de la société japonaise dans les décennies à venir.

Partout dans le monde, dans certains endroits plus que dans d'autres, une croyance persistance veut que les mères ne devraient pas travailler mais rester au foyer pour prendre soin de la maison et des enfants. On estime que c'est aux hommes de gagner de l'argent et aux femmes de prendre soin de la famille et de la maison.

Le nouveau plan d'action gouvernemental visant à revitaliser l'économie japonaise en augmentant la participation des femmes reconnaît le besoin de changer les attitudes et normes de genre parallèlement à la réforme des politiques.

Et les normes de genre ne sont pas immuables. Les cultures changent en permanence. Depuis mon arrivée au Japon, on m'a parlé du phénomène des « Iku-men », ces hommes et maris qui participent activement à l'éducation des enfants.

J'ai également entendu parler de certaines importantes initiatives récemment déployées par le secteur privé, dont celles du Keizai Doyukai, l'Association japonaise des cadres d'entreprises, visant à fixer un objectif de 30 pour cent de femmes à des postes de responsabilité. Ces initiatives sont hautement encourageantes.

Promouvoir l'égalité des droits, des chances et de la participation des femmes et permettre aux parents d'équilibrer leur vie professionnelle et familiale sont autant d'initiatives qui aident les pays à croître et à demeurer solides.

Je suis bien entendu consciente du fait qu'il est particulièrement difficile d'adopter une politique fiscale appropriée lorsque la croissance est faible et que la récession frappe, comme nous le voyons dans de nombreuses économies à travers le monde actuellement contraintes de prendre des mesures d'austérité.

Le Japon est lui aussi confronté à des choix difficiles. Compte tenu de sa dette élevée, le pays n'est pas en mesure d'augmenter les dépenses sociales sur une grande échelle. Je suis convaincue que le fait de donner priorité à l'égalité des chances des femmes et à l'égalité des sexes peut assurer un double dividende en stimulant la croissance économique tout en renforçant la cohésion sociale.

À ONU Femmes, nous avons appris qu'il convient, pour réaliser l'autonomisation des femmes et l'égalité des sexes, de travailler sur plusieurs fronts à la fois. Hier soir, j'ai eu l'honneur d'assister à un événement d'illumination de la Tour de Tokyo en violet pour attirer l'attention sur la fin de la violence à l'égard des femmes et des filles. Cette violence à l'égard des femmes survient partout dans le monde, et ONU Femmes travaille avec les différents pays en vue de la prévenir et de l'éliminer.

Partout dans le monde, une première étape a été franchie. Le silence qui, pendant tant d'année, a permis la perpétuation de ces crimes, est rompu.

Aujourd'hui, plus de 125 pays sont dotés de lois spécifiques qui pénalisent la violence domestique, ce qui constitue une avancée remarquable par rapport à la situation d'il n'y a encore que dix ans. Les études montrent que les pays dotés de lois fortes affichent des taux de violence à l'égard des femmes inférieurs.

La violence à l'égard des femmes est l'une des pires violations des droits de l'homme, et s'accompagne de hauts niveaux d'impunité.

Elle constitue un crime généralisé qui est rarement puni, est profondément enraciné dans l'inégalité entre les sexes, et exige une réponse holistique. Une telle réponse nécessite une législation efficace, des campagnes pour mettre fin à la tolérance vis-à-vis de ces crimes, des programmes de prévention, la protection des rescapées et la fourniture de services en leur faveur, ainsi que des recherches et une collecte des données appropriée.

Dans le monde aujourd'hui, jusqu'à sept femmes sur dix sont la cible de violences physiques et/ou sexuelles au cours de leur existence, et 603 millions de femmes vivent dans des pays où la violence domestique n'est toujours pas considérée comme un crime. Ici au Japon, une femme mariée sur trois a connu une forme quelconque de violence physique et/ou sexuelle.

Nous devons tous faire davantage pour mettre fin à ce type de violence. Je félicite le Japon pour sa politique nationale en matière d'égalité des sexes, qui intègre des mesures sur la violence à l'égard des femmes, ainsi que pour sa législation spécifique de lutte contre la violence domestique, le harcèlement sexuel, la violence sexuelle et la traite. Je salue également le Japon pour ses initiatives telles que les wagons de métro réservés aux femmes, ainsi que d'autres mesures en train d'être mises en place en vue d'assurer aux femmes des services tels que les refuges, des bureaux de conseil et des centres de conseils conjugaux.

Je me félicite également des mesures visant à former la police, le personnel judiciaire et les agents de l'immigration afin de leur donner les moyens de traiter avec efficacité et doigté les cas des femmes victimes de la violence, et de leur faire obtenir justice.

La quête de la justice n'est peut-être jamais aussi difficile que dans les pays touchés par les conflits. Aujourd'hui, 90 pour cent des victimes de conflits ne sont pas des combattants. Les femmes et les filles sont visées par la violence sexuelle, et disposent rarement des ressources nécessaires pour se protéger ou accéder aux ressources qui les aideraient à reconstruire leurs vies.

Reconnaissant les conséquences dévastatrices de la violence et des conflits sur les sociétés, et en particulier sur les femmes et les filles, ainsi que le rôle crucial joué par les femmes dans la reconstruction des sociétés après un conflit, le Conseil de sécurité des Nations Unies (CSNU) a adopté à l'unanimité l'historique Résolution 1325 sur « les femmes et la paix et la sécurité » en l'an 2000.

Cette résolution demande urgemment à la communauté internationale de mieux protéger les femmes et les filles contre les violations des droits de l'homme et d'assurer que les auteurs de tels crimes ne restent pas impunis.

Le gouvernement du Japon a appuyé l'adoption de cette résolution. Vous avez ensuite continué d'appuyer l'application de la Résolution 1325 sur les femmes et la paix et la sécurité, en particulier dans le domaine du désarmement, de la démobilisation et de la réintégration.

En collaboration avec ses partenaires, ONU Femmes appuie le rôle des femmes dans la paix et la sécurité dans près de 40 pays. Ce soutien passe notamment par le renforcement des coalitions de femmes pour la paix, et par leur participation aux processus de paix, en travaillant avec les soldats du maintien de la paix pour aider à identifier et à prévenir la violence sexuelle liée aux conflits, et constituer des institutions de justice et de sécurité qui protègent les femmes et les filles de la violence et de la discrimination. Nous appuyons également les initiatives visant à promouvoir des services publics qui répondent aux besoins des femmes et qui favorisent l'accès des femmes aux opportunités économiques.

Nous pouvons prendre ces mesures ensemble, car nous savons que les femmes sont plus que de simples victimes des conflits. Les femmes sont des agents de la paix, de la réconciliation et de la stabilité. Et une femme constitue un immense réservoir d'intelligence, de sagesse et de potentiels, que nous devons pleinement exploiter pour mettre avec succès les générations à venir à l'abri du fléau de la guerre et réaliser la vision et les objectifs des Nations Unies.

Les gouvernements et les Nations Unies doivent agir courageusement et rapidement en temps de paix comme de guerre afin de donner la priorité aux droits fondamentaux des femmes.

Depuis l'adoption de la Résolution 1325 sur les femmes, la paix et la sécurité, les acteurs gouvernementaux et de la société civile ont travaillé à faire davantage participer les femmes aux pourparlers de paix et à la consolidation de la paix.

12 ans plus tard, toutefois, nous constatons que les femmes se trouvent toujours exclues des pourparlers officiels, et les femmes de la société civile connaissent toujours des difficultés pour participer aux processus de paix.

Dans les 24 principaux processus de paix qui se sont déroulés depuis le début des années 1990, elles ont constitué en moyenne 8 pour cent des membres des délégations de négociation représentant les parties à un conflit. Sur les 28 missions de maintien de la paix, politiques et de consolidation de la paix des Nations Unies, seules cinq sont dirigées par des femmes.

Sur les 11 accords de paix signés à travers le monde en 2011, seulement deux ont intégré des dispositions en vue d'améliorer la situation et le leadership des femmes pendant le redressement postconflictuel. L'an dernier, les femmes ont participé aux délégations de négociation dans seulement quatre des processus de paix effectifs.

Cela est criminel, car nous savons que le fait que les femmes soient absentes des pourparlers de paix et du contrôle des accords de paix a des conséquences sur le contenu de ces accords, et augmente le risque de résurgence des conflits armés et la possibilité de cycles de violence encore pires.

Si l'on fait le bilan, on voit qu'historiquement, plus de la moitié des accords de paix échouent dans les cinq ans. Pourtant, l'expérience et les recherches montrent que le fait d'impliquer les femmes est à la fois une chose juste et avisée à faire, si l'on veut parvenir à des meilleurs résultats. C'est une chose juste, car les femmes sont touchées de manière disproportionnée par les conflits, et qu'elles méritent de participer aux décisions qui façonnent leur propre vie.

Et c'est une chose avisée, car les femmes qui participent à ces processus permettent de créer une paix plus durable. Les femmes impliquées dans les pourparlers de paix soulèvent en général des questions relatives aux droits de l'homme, à la justice, à l'emploi et aux soins de santé, qui sont cruciales pour la paix et la stabilité.

Depuis janvier 2011, ONU Femmes et le Département des affaires politiques ont suivi une stratégie commune visant à augmenter le nombre de femmes médiatrices, observatrices et négociatrices dans les processus de paix gérés par les Nations Unies.

Les capacités d'intervention rapide ont été renforcées. Des directives sur la manière de traiter de la violence sexuelle dans le cadre des pourparlers de paix ont été élaborées, et les États membres sont désormais invités à faire une utilisation active de cette expertise pour rendre les initiatives de médiation et de prévention des conflits plus inclusives. Des centaines de femmes d'Afrique, des Balkans et d'Asie ont été formées comme médiatrices.

Je remercie le Japon pour le rôle qu'il a joué dans la promotion de la paix et de la sécurité, dans le cadre de sa contribution et de son aide à la réalisation de la paix mondiale. En particulier, les contributions financières du Japon et l'aide spéciale qu'il apporte aux efforts de reconstruction déployés dans un certain nombre de pays frappés par des catastrophes naturelles ou des conflits, tels qu'Haïti et l'Afghanistan, ont été utiles pour aider ces pays à promouvoir l'avènement d'une société plus stables et pacifique.

En conclusion, j'estime qu'il est plus que jamais nécessaire de libérer le plein potentiel des femmes dans les domaines économiques et politiques, et dans la société. Compte tenu des nouvelles demandes auxquelles nous sommes aujourd'hui confrontés en tant qu'humanité, dans des domaines allant des changements climatiques à la crise financière en passant par la pauvreté et les conflits, nous ne pouvons plus nous permettre de marginaliser ou d'exclure les femmes.

Ce merveilleux monde nouveau exige un nouveau leadership d'exception. Un leadership qui soit éthique et favorise la paix, la justice et l'égalité. Nous avons besoin d'un leadership inclusif.

Alors que nous contemplons l'avenir avec espoir, nous avons besoin d'un leadership d'hommes et de femmes.

Je remercie le gouvernement et le peuple japonais de leur engagement en faveur de la paix, de la justice et de l'égalité.

Merci de votre attention.