Interview de Sahely Ferdous, casque bleu et Surintendante au sein de l’Unité de police constituée du Bangladesh en Haïti

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Une des 102 femmes servant au sein du contingent bangladais entièrement féminin de l'ONU. La féminisation de la force de maintien de la paix aide l'ONU à établir de meilleures relations avec les femmes dans sa lutte contre la violence sexuelle. Crédit photo : ONU Femmes/Hadrien Bonnaud

La Journée internationale des Casques bleus des Nations Unies, commémorée le 29 mai de chaque année, offre l'occasion de saluer les 120.000 soldats du maintien de la paix servant dans 17 missions présentes dans certains des environnements les plus instables et dangereux au monde. Le contingent bangladais affecté à la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH) est constitué entièrement de femmes. Montrant l'exemple, les 102 femmes qui le composent contribuent à restaurer la paix et la sécurité dans l'île des Caraïbes, en mettant un accent spécifique sur l'éradication de la violence à l'égard des femmes.

Quel type d'impact les femmes officiers ont-elles tendance à avoir sur les communautés d'Haïti, et en particulier sur les femmes ?

Mes soldates ont participé aux formations sur le code de conduite ainsi que sur l'exploitation et les abus sexuels. Nous avons remarqué que la présence de femmes comme soldates du maintien de la paix renforce l'appui psychologique aux victimes, leur permettant d'être plus à l'aise pour signaler des violences sexuelles ou physiques. Les femmes se sentent plus rassurées avec elles qu'avec un officier homme. Nous avons observé que les soldates sont plus patientes avec les femmes victimes ; les femmes peuvent mieux comprendre le harcèlement. Elles peuvent également apporter des conseils sur diverses questions telles que la santé, l'éducation, les finances et les affaires du foyer.

A quels défis principaux les femmes d'Haïti sont-elles aujourd'hui confrontées, et avez-vous observé des progrès sensibles à cet égard ?

Ce qui est le plus important pour les femmes d'Haïti est d'être mieux protégées contre la violence et la discrimination sexuelle, d'être indépendantes sur le plan économique et de pouvoir participer et être impliquées davantage au sein du gouvernement central et local. Des changements ont lieu, tel que le développement des infrastructures dans différentes parties de Port-au-Prince et la réinstallation de personnes déplacées dans des zones résidentielles plus appropriées. Plus d'enfants que jamais auparavant vont à l'école. Mais il reste à régler des problèmes importants si l'on veut réduire le viol et la violence sexuelle.

Comment faites-vous face à la question de la violence sexuelle en Haïti ?

La violence sexuelle est un problème majeur au sein de la société haïtienne. Les femmes et les filles sont en situation de vulnérabilité dans les camps de personnes déplacées (IDP), en raison de la médiocrité du système d'hébergement. La violence sexuelle a diminué grce à la mise en œuvre de mesures de sécurité ; la MINUSTAH, avec la police locale, mène à bien régulièrement des patrouilles. Les actes de violence sexuelle sont plus fréquemment déclarés aujourd'hui, grce à la présence des femmes officiers.

Pour faire face à la violence sexuelle, il est important d'assurer la sécurité. Lorsqu'une victime de violences sexuelles signale un fait criminel, elle s'expose à des menaces éventuelles de la part de ses agresseurs ; si elle ne le fait pas, ces derniers peuvent profiter de son silence. La sécurité et l'appui émotionnel doivent donc être assurés de concert.

De quelle manière votre unité fait-elle face à l'éloignement familial, dans un pays où la langue, la nourriture et la culture sont si différentes ?

C'est vrai, cet éloignement est difficile, mais les officiers femmes gèrent cette situation. Elles ont accès à Internet et aux équipements mobiles, ce qui leur permet de communiquer quotidiennement avec les membres de leurs familles. Elles éprouvent en outre de la fierté à pouvoir travailler sous le drapeau d'une organisation internationale ; cela prouve qu'elles sont capables de travailler pour la paix.

En qualité de femme et de dirigeante au sein de la police des Nations Unies, pensez-vous que les femmes commencent à être considérées comme des agents du changement ?

Notre contingent de femmes aura un impact à long terme sur la population haïtienne, notamment sur les femmes et les filles. La plupart des femmes se félicitent de notre présence et de nos activités. Elles nous considèrent comme un symbole de l'autonomisation des femmes, et cela leur donne envie de se ménager elles aussi une place aux niveaux social et économique.