Déclaration d’ Addis Abeba suite à la réunion ministérielle préparatoire africaine de la cinquante-septième session de la Commission de la condition de la femme
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Préambule
Nous, Ministres responsables du genre et de la condition féminine, Ministres des affaires étrangères, et hauts fonctionnaires africains, nous sommes réunis à Addis-Abeba, en Éthiopie, du 14 au 16 janvier 2013 pour préparer la cinquante-septième session de la Commission de la condition de la femme sur le thème prioritaire « Élimination et prévention de toutes les formes de violence contre les femmes et les filles ».
Trente-neuf États membres et 225 délégués comprenant également des membres du corps diplomatique éthiopien, des experts, des représentants des organisations de la société civile (OSC), des organisations intergouvernementales, des représentants de l’Union africaine et du système des Nations Unies ont participé à la Réunion.
La Réunion a été organisée par ONU Femmes en partenariat avec la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (CENUA) et en collaboration avec la Commission de l’Union africaine (CUA).
Les objectifs de la réunion étaient de :
(i) réfléchir et proposer des stratégies pour mettre fin aux violences contre les femmes, en préparation à la cinquante-septième session de la Commission de la condition de la femme, qui se tiendra à New York du 4 au 15 mars 2013,
(ii) définir une vision commune du mandat, du rôle et de la signification de la Commission de la condition de la femme, et de la manière dont l’Afrique peut mieux tirer parti des conclusions auxquelles est arrivée la Commission pour contraindre les gouvernements à respecter les engagements qu’ils ont pris en matière d’égalité des sexes et d’autonomisation des femmes, notamment l’élimination et la prévention de la violence à l’encontre des femmes,
(iii) partager les savoirs et les meilleures pratiques émanant des expériences régionales et nationales,
(iv) proposer des recommandations, des priorités et des messages clefs quant à la manière d’accélérer les actions à l’échelle mondiale, régionale et nationale visant à mettre fin aux violences contre les femmes,
(v) élaborer une stratégie pour exhorter les parties prenantes à participer à la conception du Document final de la cinquante-septième session de la Commission de la condition de la femme et à son suivi, et y contribuer concrètement, et proposer les modalités de mise en œuvre de ce document au niveau national.
Sachant que les violences contre les femmes représentent un problème mondial généralisé, persistant et insidieux, lié aux droits de l’homme et au développement, qui se manifestent sous des formes multiples et croisées, notamment par la mutilation génitale féminine, le viol, la traite des femmes, le mariage forcé, les mariages précoces et la violence conjugale ;
Reconnaissant que les violences contre les femmes et filles se produisent en périodes de conflit et de paix ;
Vivement préoccupés par le recours au viol an tant qu’arme de guerre dans les pays touchés par les conflits tels que le Mali et la République démocratique du Congo (RDC) ;
Reconnaissant que les violences contre les femmes et les filles ont des dimensions régionales et nationales bien précises et sont profondément ancrées dans les inégalités systémiques entre les hommes et les femmes liées à des pratiques culturelles néfastes qui perpétuent les préjugés, la discrimination et la victimisation ;
Conscients de l’existence de certaines valeurs culturelles, religieuses et traditionnelles positives sur le continent africain ;
Réaffirmant les engagements importants pris par les États membres, les gouvernements et les populations d’Afrique, grâce à la ratification de normes internationales et de cadres régionaux visant à mettre fin aux violences contre les femmes, y compris le Programme d’action de Beijing, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), les résolutions 1325, 1820, 1880 et 1890 du Conseil de sécurité de l’ONU, la résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies sur l’intensification de l’action menée pour éliminer toutes les formes de violence à l’égard des femmes et la résolution de 2012 sur l’élimination de la mutilation génitale féminine ;
Reconnaissant en outre le Protocole de la Charte des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits de la femme en Afrique, la Déclaration solennelle sur l’égalité entre les hommes et les femmes en Afrique de l’Union africaine, la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (Protocole de la CIRGL sur la prévention et l’élimination des violences sexuelles à l’encontre des femmes et des enfants), la Déclaration de Kampala prononcée par les Chefs d’État de la CIRGL sur les violences sexuelles et sexistes, et la Campagne africaine sur l’élimination des violences à l’encontre des femmes ;
Prenant notamment note des dispositions de l’article 14 sur les droits en matière de santé et de procréation du Protocole de la Charte des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits de la femme en Afrique, qui appelle les « États parties à veiller à ce que les droits des femmes, y compris en matière de santé sexuelle et reproductive, soient respectés et promus » et « à défendre les droits des femmes à la procréation » (Protocole de Maputo, 2003) ;
Conscients du leadership exceptionnel de la Commission de l’Union africaine en matière d’engagements relatifs à l’égalité des sexes ;
Se félicitant du cadre fourni pour exprimer la détermination, prendre l’engagement et mener une action plus soutenue afin de mettre fin aux violences contre les femmes et les filles et, à cet égard, de la vision et du leadership d’ONU Femmes et du partenariat stratégique de la CENUA en vue d’organiser la réunion ministérielle préparatoire africaine à la cinquante-septième session de la Commission de la condition de la femme ;
Notant l’écart existant entre les engagements et l’action, et réaffirmant la politique de tolérance zéro à l’égard des violences contre les femmes et les filles ;
NOUS DÉCLARONS qu’en Afrique, mettre fin aux violences contre les femmes N’EST PAS UNE OPTION, mais une priorité pour le développement, la paix et la sécurité, les droits de l’homme et la cohésion économique et sociale ;
NOUS DÉCLARONS ADOPTER UNE POLITIQUE DE TOLÉRANCE ZÉRO à l’égard de toutes les formes de violence à l’encontre des femmes et des filles en Afrique ;
Nous nous ENGAGEONS À NOUVEAU à renforcer les lois et les politiques et à mettre en œuvre des actions stratégiques pour mettre fin aux violences à l’encontre des femmes et des filles ; à prendre des mesures pour PRÉVENIR ces violences afin qu’elles ne se produisent pas en premier lieu ; et à RÉPONDRE de manière appropriée à chaque fois qu’elles se produisent comme suit :
I. AU NIVEAU DE LA PRÉVENTION
Nous nous engageons à :
1.1 Élaborer, assurer le suivi et évaluer l’efficacité de mesures visant à mettre en œuvre une politique de tolérance zéro à l’égard des violences contre les femmes et les filles ;
1.2 Renforcer les pratiques culturelles positives actuelles en matière de respect et de relations non violentes au sein des familles, des écoles, des communautés et des institutions publiques ;
1.3 Examiner les programmes scolaires à tous les niveaux pour y inclure la santé sexuelle et reproductive, conformément à l’article 14 du Protocole de Maputo ;
1.4 Promouvoir l’information, la sensibilisation et la formation de la police, des procureurs, des juges, des militaires, des dirigeants religieux, culturels et communautaires, et de la communauté dans son ensemble en ce qui concerne les droits des femmes et l’élimination des violences contre les femmes et les filles ;
1.5 Impliquer et mobiliser les chefs traditionnels, les hommes et les garçons dans des initiatives visant à éliminer les violences à l’encontre des femmes et des filles ;
1.6 Documenter les pratiques néfastes qui perpétuent les violences contre les femmes et les filles et élaborer des stratégies claires en vue de leur élimination ;
1.7 Appliquer le Protocole de la CIRGL sur la prévention et l’élimination des violences sexuelles à l’encontre des femmes et des enfants pour mettre fin à l’impunité dans les périodes de conflit et dans les situations d’après conflit ;
1.8 Accroître les meilleures pratiques aux niveaux régional, national et local aux fins du renforcement des initiatives en faveur des familles et des communautés et d’autres stratégies préventives ;
1.9 Continuer à promouvoir l’autonomisation des femmes au niveau communautaire afin qu’elles puissant revendiquer leurs droits ;
1.10 Mettre en œuvre une politique qui n’accorde aucune amnistie aux auteurs de violences sexuelles dans les situations de conflit armé.
II. AU NIVEAU DE LA RÉPONSE
Nous sommes déterminés à :
2.1 Veiller à ce que l’élimination des violences contre les femmes et les filles soit un aspect prioritaire du programme pour l’après 2015, assorti de cibles et d’indicateurs clairs ;
2.2 Promulguer et faire appliquer des lois et politiques en matière de violences contre les femmes et les filles ;
2.3 Veiller à ce que le droit des femmes à la santé, y compris sexuelle et reproductive, soit promu grâce à l’éducation et la fourniture de services, conformément à l’Article 14 du Protocole à la Charte des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits de la femme en Afrique ;
2.4 Aider les pays où la pratique de la mutilation génitale féminine existe à s’approprier et mettre en œuvre la résolution de l’Assemblée générale sur la mutilation génitale féminine (2012) ;
2.5 Mettre en œuvre une approche multisectorielle comprenant notamment la création de centres intégrés, afin d’inciter efficacement toutes les parties prenantes à fournir des services et à appuyer les victimes de violences contre les femmes et les filles ;
2.6 Renforcer l’adhésion de tous les ministères dans la détermination à mettre fin aux violences contre les femmes et les filles, notamment les ministères des Finances, de la Planification économique, de la Justice, de l’Éducation, de l’Intérieur et d’autres ;
2.7 Recommander l’octroi de ressources appropriées pour mettre fin aux violences contre les femmes et les filles provenant des secteurs et donateurs publics et privés ;
2.8 Mettre en place des mécanismes de financement spéciaux pour mettre fin aux violences contre les femmes et les filles en périodes de conflit et dans le cadre d’actions humanitaires et de développement ;
2.9 Intensifier les initiatives d’autonomisation économique à l’intention des femmes en tant que moyens d’améliorer la condition féminine et de prévenir les violences à l’encontre des femmes et des filles ;
2.10 Assurer la représentation et la participation efficace des femmes à tous les processus de paix et la mise en œuvre des initiatives communautaires de relèvement et consolidation de la paix conformément à la résolution 1325 de l’ONU ;
2.11 Utiliser la campagne « Tous unis pour mettre fin à la violence à l’égard des femmes africaines » et la Décennie des femmes africaines en tant que cadres de plaidoyer pour mettre en œuvre une politique de tolérance zéro dans toute l’Afrique ;
2.12 Prendre des mesures, aux niveaux national et communautaire, pour accélérer les enquêtes et les poursuites contre les auteurs de violences contre les femmes et les filles, notamment dans les tribunaux spéciaux, mais pas seulement ;
2.13 Mettre en place des mécanismes réguliers pour recueillir, analyser et diffuser des informations sur les violences contre les femmes et les filles, assurer le suivi et évaluer l’efficacité de la politique de tolérance zéro pour mettre fin aux violences contre les femmes et les filles ;
2.14 Accroître la participation/l’engagement des hommes et des garçons dans les programmes visant à mettre fin aux violences contre les femmes et les filles ;
2.15 Impliquer la société civile à l’élaboration et l’application de normes régionales et nationales, ainsi que dans les délégations gouvernementales aux fins d’une meilleure intégration des préoccupations régionales et nationales ;
2.16 Mettre en place un cadre de suivi aux fins de la mise en œuvre des conclusions de la cinquante-septième session de la Convention de la condition de la femme aux niveaux national, régional et international.
ADOPTÉE LE seizième jour de janvier 2013, à Addis-Abeba, en Éthiopie.