ONU Femmes évalue les besoins des migrantes et réfugiées en Serbie et en ARY de Macédoine
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« Terrifiée devant l'avancée de l'État islamique, je me suis résolue à dire adieu à mon mari et à vendre mon commerce afin de prendre la fuite avec ma fille. Je voulais lui permettre de poursuivre ses études de droit et de connaître une vie de bonheur et de paix. Après des années de conflit et de désordre en Syrie, cela n'était plus possible », déclare Sawsan, 48 ans, originaire de Hama.
Accompagnée de sa fille Rafa, elle fait la queue à la frontière entre la Grèce et l'ancienne République yougoslave de Macédoine (ARYM)*, en attendant d'être reçue au centre de réception de Gevgelija avec des milliers d'autres demandeuses et demandeurs d'asile. Espérant trouver la sécurité et un meilleur avenir, cela fait une semaine qu'elles ont quitté leur pays déchiré par la guerre.
Sawsan et sa fille font partie de plus d'un million de migrantes, migrants et de demandeurs d'asile qui en 2015 ont pris la mer à partir d'une des régions les plus ravagées du monde pour rallier l'Europe de l'Ouest. D'après le Haut-commissariat pour les réfugiés, près d'un demandeur d'asile sur cinq arrivant en Serbie et en ARYM est une femme.
Cependant, il ressort d'une récente évaluation par ONU Femmes de la situation spécifique des femmes parmi les réfugiés et les migrants dans ces deux pays, que leurs besoins et vulnérabilités figurent rarement en tête des préoccupations de la planification et de la réponse humanitaires. Cette évaluation a été menée en octobre-novembre 2015 pour mieux apprécier les besoins, les priorités et les facteurs de risque spécifiques que les femmes et les filles doivent affronter, et la mesure dans laquelle le soutien qui leur est apporté actuellement dans les pays de transit répond à ces mêmes besoins. Sur une période de trois semaines, des détentrices et détenteurs d’information clés représentant 48 organisations – des fonctionnaires, des responsables et personnes permanentes d'agences des Nations Unies et des membres d'ONG locales et internationales et d'organisations de volontaires – ont été entendus. Des migrantes, migrants et des réfugiées, réfugiés des deux sexes ont aussi été questionnés.
« Les agences de l'ONU et les organisations non gouvernementales ont réalisé un immense travail sous de très fortes pressions pour réagir à la plus grave crise de personnes réfugiées que l'Europe ait connue depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale », déclare Ingibjorg Gisladottir, Directrice régionale d'ONU Femmes pour l'Europe et l'Asie centrale. « Mais les réfugiées qui se déplacent sur la route des Balkans occidentaux ont des besoins spécifiques, des exigences prioritaires et des droits à la protection de la dignité auxquels il n'est pas répondu entièrement ».
Parmi les problèmes qui surgissent tout au long de leur voyage, l’on peut mentionner la séparation avec la famille, le stress et les traumatismes psychosociaux, les complications de santé, les cas de préjudice physique et de blessure, et les risques d'exploitation et de violence basés sur le genre. Les barrières linguistiques et culturelles, ainsi que le désir des demandeuses et demandeurs d'asile de traverser les pays de transit aussi rapidement que possible alourdissent d'autant plus la tâche des actrices et acteurs humanitaires soucieux de déployer des services essentiels et de repérer et appuyer les groupes les plus vulnérables.
Une des réfugiées interrogées en ARYM dans le cadre de l'évaluation est Ishan, âgée de 33 ans : « La partie la plus terrible de notre long trajet a été la traversée en mer, qui présentait de gros risques, surtout avec mes deux enfants ». Ishan dirigeait une agence bancaire avant d'être forcée de fuir avec sa famille par les tirs d'artillerie intenses qui ont frappé son quartier à la périphérie de Damas. Elle souligne que des réfugiées se déplacent pendant des jours, parfois même pendant des mois, en ne bénéficiant que rarement d'un espace privé et sûr pour se laver et se reposer. De plus, ces femmes n’ont pas d’informations sur les routes qu'elles doivent emprunter et des services dont elles pourront bénéficier.
En 2015, les collectivités locales et les organisations nationales et internationales en ARYM et en Serbie ont été obligées de rapidement développer leurs dispositifs d'accueil, car le nombre des arrivants approchait 10 000 réfugiées et réfugiés, migrantes et migrants par jour. D'après les statistiques du HCR, depuis le 1er janvier 2015, près de 42 pour cent de ces personnes réfugiées et migrantes sont des femmes (17 pour cent) et des enfants (25 pour cent).
Grâce à de bonnes pratiques, il a été possible d'aider de nombreuses femmes et filles transitant par les deux pays. Ces pratiques concernent le repérage rapide de groupes vulnérables, y compris de femmes dans les centres d'enregistrement ; la distribution de kits d'hygiène et de vêtements pour les femmes ; l'offre de quelques services de santé sexuelle et procréative ; la collecte et la communication de données désagrégées par sexe et âge ; et l'aménagement d'abris pour les femmes avec des enfants en bas âge.
Mais malgré ces mesures tenant compte du genre valables, l'évaluation menée par ONU Femmes montre que la planification des interventions d’urgence, les services mêmes, les capacités de protection et la diffusion d'informations ne répond pas suffisamment aux besoins des femmes et des filles, ainsi qu'à leurs vulnérabilités particulières. L'évaluation fait ressortir la nécessité d'étendre ou d'établir des services ciblant les femmes et les filles, en prévoyant notamment un meilleur suivi des mesures de protection, de prévention des actes de violence et des interventions ; la mise en place de mesures de soutien psychologique et d'appui face aux traumatismes ; l'aménagement d'espaces réservés aux femmes ; le renforcement des capacités d'enregistrement aux centres de transit et des points d'entrée afin d'assurer la collecte de données détaillées, désagrégées par le sexe et par l'âge ; et le déploiement de services de conseil sexuel et procréatif à plein temps aux centres de transit et de réception.
ONU Femmes collabore avec Oxfam pour aider à la distribution d'articles de nécessité urgente, particulièrement pour les femmes et les filles. Pour le début de 2016, ONU Femmes, en partenariat avec Oxfam, prévoit d'apporter un soutien à la diffusion d'informations ciblées auprès de femmes, de renforcer les capacités des interlocutrices et interlocuteurs locaux, et de lancer des activités de plaidoyer liées aux droits des femmes migrantes et réfugiées.
Ces prochains mois, ONU Femmes appuiera l'utilisation de mécanismes nationaux de promotion de l'égalité des sexes dans la coordination interministérielle face à la réponse à donner à la crise des réfugiées, réfugiés ainsi que des migrantes et migrants. Elle collaborera aussi avec des autorités nationales et locales pour réduire les tensions entre les personnes réfugiées, migrantes et les communautés d'accueil, tout en veillant à ce que les besoins des femmes figurent en bonne place dans le cadre de cette réponse. ONU Femmes contribuera également à l'établissement au niveau régional d’un réseau d'ONG locales - qui comprendra des organisations de femmes – regroupées sur la base des pays originaires des réfugiés et des migrants ainsi que des pays de transit et de destination, dans le but de diffuser des informations, d’agencer les interventions en cours et de mener un plaidoyer en leur faveur.
Lire le rapport intégral ici.
* Le sigle ARYM est utilisé dans les références à la Macédoine dans le reste du texte.