La violence contre les femmes sud-africaines vivant avec le VIH: recherche sur les perceptions et les expériences

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Les inégalités entre les sexes et la violence à l'égard des femmes sont des facteurs-clés de l'épidémie de VIH/sida. La violence à l'égard des femmes et le VIH/sida se renforcent mutuellement. Si la violence à l'égard des femmes aggrave les risques et la vulnérabilité à l'exposition et à la transmission du VIH, le fait d'avoir un statut séropositif expose davantage les femmes à la violence, à la maltraitance et aux autres violations des droits.

Mais il existe peu de données documentées sur ces expériences. Pour combler cette lacune et générer des connaissances sur la base des expériences directes des femmes vivant avec le VIH, l'organisation sud-africaine de la société civile AIDS Legal Network (ALN) a mené à bien des recherches sur les perceptions et les expériences de la violence et d'autres atteintes aux droits de l'homme dont sont victimes les femmes vivant avec le VIH en Afrique du Sud.

Les Ambassadrices des femmes séropositives sud-africaines disent qu'elles mettront les résultats des recherches à profit pour se mobiliser au niveau local. Crédit photo : Johanna Kehler

Appuyé par le Fonds d'affectation spéciale des Nations Unies pour mettre fin à la violence à l'égard des femmes, qui est géré par ONU Femmes au nom du système des Nations Unies, le rapport est lancé dans tout le pays à l'occasion des 16 Jours d'activisme contre la violence basée sur le genre. Suite au premier lancement, dans la province de KwaZulu-Natal, Johanna Kehler, Directrice exécutive de Aids Legal Network, commente pour nous les résultats:

1. La page de couverture du rapport comporte la citation d'une femme vivant avec le VIH : « Si j'avais su ce qui allait arriver, je n'en aurais jamais parlé ». Pourquoi avoir choisi cette déclaration ?

Nous l'avons choisie car nous estimons qu'elle reflète bien le sentiment d'humiliation, le rejet et les abus dont sont victimes les femmes lorsqu'elles révèlent leur séropositivité. De nombreuses femmes qui comptaient sur l'appui de leur famille ont, au contraire, connu un continuum de violence dans tous les aspects de leur vie, de la part de leurs partenaires, familles, amis, communautés et prestataires de services.

Plusieurs femmes ont expliqué avoir décidé de déménager de leur communauté pour prendre un nouveau départ au sein d'une nouvelle communauté où les gens ignoraient leur séropositivité. Je pense que cette courte citation résume l'interminable cycle de la violence qu'endurent les femmes une fois leur séropositivité connue.

2. Le programme mis en œuvre par l'ALN avec le soutien du Fonds d'affectation spéciale répertorie les cas de violences et d'autres atteintes aux droits dont sont victimes les femmes séropositives, et lutte contre ces dernières. Pourquoi est-il si important de se focaliser sur ce groupe cible ?

On manque d'informations et de données sur la violence commise contre les femmes séropositives. On dispose en particulier de peu de connaissances issues des expériences des femmes elles-mêmes. Dans un contexte comme celui de l'Afrique du Sud, où la violence sexuelle et basée sur le genre et le VIH/sida a atteint des proportions endémiques, il convient de comprendre pleinement la manière dont ces pandémies affectent la vie des femmes vivant avec le VIH/sida.

3. Ces recherches ont-elles fait apparaître des résultats que vous avez trouvé particulièrement surprenants ou novateurs ?

Nous avons été particulièrement frappés par la gravité et l'ampleur de la violence dont les femmes sont quotidiennement victimes, ainsi que par la force qu'il leur a fallu pour raconter ces horribles récits de violence. Ces recherches démontrent également la complète déconnexion entre la réalité vécue par les femmes et la perception de leurs communautés.

Les communautés ont tendance à penser qu'après avoir révélé leur séropositivité, les femmes reçoivent l'appui de leurs familles et des prestataires de services. Or, c'est exactement le contraire de ce qui se passe dans la vie réelle de ces femmes, qui sont confrontées à la discrimination et à la maltraitance de la part de leur famille comme des fournisseurs de services. Même si beaucoup de membres de la communauté sont dans une certaine mesure conscients de certains des risques de violation des droits auxquels les femmes sont confrontées lorsqu'elles révèlent leur séropositivité, ils ont toujours tendance à penser que les femmes se doivent de parler, en dépit des risques.

4. Les recherches aujourd'hui achevées, comment comptez-vous utiliser les résultats pour promouvoir les changements sur le plan de l'élimination de la violence à l'égard des femmes et du VIH/sida ?

La recherche est un important outil de plaidoyer pour influencer les politiques et la programmation. Nous utiliserons les résultats et les connaissances générées pour nous engager auprès des fournisseurs de soins de santé et pour tenter d'influencer la manière dont les services sont assurés. Nous voulons également utiliser ces recherches pour influencer les décideurs politiques et enrichir la riposte nationale vis-à-vis des femmes et du VIH/sida en Afrique du Sud. Grce à notre programme, nous utiliserons également les recherches comme base pour réaliser des interventions communautaires visant à sensibiliser le public sur les droits des femmes vivant avec le VIH.

5. Quelles recommandations principales peut-on dégager de ces recherches ?
En premier lieu, les recherches montrent le besoin de concevoir et de mettre en œuvre des programmes qui sont basés et étayés par les expériences des femmes vivant avec le VIH/sida, pour assurer des réponses efficaces à leurs besoins et réalité. En deuxième lieu, il y a un besoin impérieux de promouvoir l'éducation et la sensibilisation sur les droits dans toute la société sud-africaine, pour lutter contre la violence et les autres violations des droits perpétrées à l'égard des femmes vivant avec le VIH.

Enfin, les données montrent l'urgence qu'il y a à reconcevoir la fourniture des services et de renforcer les capacités des fournisseurs de services vis-à-vis des risques, des vulnérabilités et de la violence. Grce à notre programme, nous continuerons de travailler à renforcer l'accès des femmes à la prévention, aux essais et aux traitements, ainsi qu'aux services de soins et d'appui contre le VIH/sida, sans peur de subir la violence et d'autres atteintes aux droits.

Gender Violence and HIV - Perceptions and Experiences of Violence and Other Rights Abuses against Women Living with HIV in the Eastern Cape, KwaZulu Natal and Western Cape, South Africa (« Violence basée sur le genre et VIH : perceptions et expériences de la violence et d'autres atteintes aux droits contre les femmes vivant avec le VIH dans les provinces sud-africaines du Cap oriental, du KwaZulu-Natal et du Cap occidental »)- (Aids Legal Network 2012)
Les recherches menées par l'AIDS Legal Network peuvent être téléchargéesici