Les femmes de Binga entrent dans l’histoire au fleuve Zambezi

Date:

« Moi, j'avais l'habitude de vendre des poissons sous les arbres, et puis je les portais sur ma tête. Je me réveillais à 4h du matin et je parcourais une longue distance à pied pour aller acheter les poissons chez les pêcheurs. Maintenant, je dors, je me réveille à des heures normales, et je prends mon thé avant que la capitaine n'arrive. Je n'avais jamais pensé avoir un jour le temps de dormir, manger, travailler et me reposer comme ça! »

Tels sont les mots de Kuli Mungombe, une des dix femmes qui rentrent dans l'histoire du Zimbabwe, car elles possèdent et gèrent une plate-forme de pêche dans le pays. Les femmes, appartenant au groupe ethnique Tonga, sont officiellement entrées l'année dernière dans cette industrie dominée par les hommes, après avoir bénéficiées d'une plateforme et d'équipement appropriés et avoir été formées. Depuis lors, elles travaillent pour élargir l'initiative à Binga, une des zones les moins développées du pays, afin de pouvoir assurer elles-mêmes leur subsistance et celle de leurs familles, et créer des opportunités pour d'autres femmes de la région.

C'est la première fois depuis les années 50 que les femmes de ce groupe ethnique ont pu pêcher. Il faut savoir qu'auparavant, c'était traditionnellement les femmes Tonga qui allaient à la pêche, se servant de leurs paniers, le Zubo. Cependant, des pans entiers de leur culture matrilinéaire ont changé lorsque le groupe a été déplacé par la construction du barrage de Kariba pendant l'ère coloniale. Ceci a réduit l'accès des femmes aux ressources et a mis un terme à leur participation à la pêche de la communauté.

Le Fonds de Zubo Basilizwi, une organisation de développement axée sur les femmes, a fourni la plateforme de pêche aux commerçantes de Siachilaba, avec l'appui d'ONU Femmes. Celle-ci a été conçue en pensant aux femmes à l'esprit, et elle est donc équipée de toilettes et de douches. Elle compte aussi une technologie spéciale de repérage des poissons, et elle est légèrement plus grande que la plupart des plateformes, ce qui offre une plus grande stabilité sur le fleuve.

Ces dix femmes ont été choisies parmi un groupe de 80 poissonnières du village Siachilaba, après avoir obtenu un permis de pêche et passé avec succès l'évaluation physique et l'examen médical requis. Au début, elles ont été assistées par quatre opérateurs de sexe masculin, qui ont contribué à leur formation afin qu'elles puissent prendre en charge l'opération elles-mêmes. Les femmes ont établi des maisons provisoires tout près le long de la rivière, et se consacrent maintenant à plein temps et avec succès à leur nouvelle occupation : leur chiffre d'affaires moyen a doublé depuis l'installation de la plateforme, passant à environ 2.500 de dollars par mois.

Avec le soutien d'ONU Femmes, le Fonds de Zubo Basilizwi aide actuellement les femmes à s'organiser au sein d'associations collectives, à améliorer leurs points de vente et conditions dans le marché de Siachilaba, ainsi qu'à vendre leur produit dans des villes et des cités plus grandes au Zimbabwe. Le programme a mis en place un fonds renouvelable afin de leur fournir des petits prêts.

« J'ai grandi avec la conviction que toute affaire significative était réservée aux hommes, et non pas à nous les femmes », avoue une des opératrices de la plateforme, Sarudzai Mumpande, en décrivant les difficultés auxquelles font traditionnellement face les femmes. « Nous avons depuis lors surmonté les défis parce que nous nous sommes organisées en une entité d'affaires sérieuse ».

Les entrepreneuses ont également établi un plan afin de partager leurs revenus et d'en bénéficier d'autres femmes. Ainsi, leurs revenus seront repartis de sorte que 50% va aux opératrices de la plateforme ; 30% au fonds pour le tissage des paniers destiné aux femmes de la région ; et les 20% restants au Fonds de Zubo Basilizwi, afin d'augmenter le fonds renouvelable pour les femmes d'autres régions. Même si elles sont toujours confrontées à de nombreux défis, les femmes commencent à croire et à accepter le fait d'être maîtresses de leurs propres destins.

« Bien que j'aie grandi ici, je n'étais jamais entrée dans le port. Je n'avais aucune idée de ce qu'on ressent en naviguant sur le fleuve », révèle l'opératrice Violet Mwinde. « J'ai vendu du poisson pendant des années, mais je ne pouvais jamais me permettre d'en manger. Maintenant, nos enfants viennent nous rendre visite pendant les vacances et nous mangeons du poisson. Ma vie a vraiment beaucoup changée. Maintenant, je suis en bonne santé physique et spirituelle. »