Interview with Ms. Khadija Ouldemmou, Project Leader, Democratic Association of Moroccan Women (ADFM), and advocate for Soulalyates women

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Khadija OuldemmouAprès avoir voté plusieurs circulaires favorables à l’accès des femmes Soulalyates aux terres, le gouvernement à crée un site internet www.terrescollectives.ma afin d’informer les populations sur leurs droits et comment les faire respecter. Une avancée de plus obtenue grâce à la mobilisation sans précédent des femmes Soulalyates ces dernières années.

Quels sont à votre avis les avantages du portail sur les terres collectives mis en place par le Ministère de l’Intérieur ?

Le site Internet permet d’identifier géographiquement toutes les terres collectives à travers le Maroc, détermine le nombre des communes collectives, leur superficie, etc. Les informations accessibles sur le site expliquent les spécificités des femmes Soulalyates. Nous considérons que c’est une initiative importante et très positive. Surtout si l’on considère que le dossier des Soulalyates était au départ un petit dossier qui a démarré en 2007 avec ces femmes qui ont eu recours à notre association (ADFM) pour qu’on les appuie dans la revendication de leurs droits. Aujourd’hui c’est un véritable débat de la société.

On en parle dans la presse, à la TV, sur Internet, c’est un sujet qui intéresse les médias. Nous pensons que c’est ce plaidoyer qui a incité le Ministère de l’Intérieur à mettre en place un site web, à réfléchir à un nouvel organigramme pour la gestion des terres collectives en considérant une gestion régionale sous la supervision et le contrôle de la Direction de Affaires Rurales (DAR), et cela dans le but de faciliter la gestion des plaintes et l’accès des personnes aux services des affaires rurales.

Est-ce que la circulaire du Ministère (2012) de tutelle est suffisante pour que les Soulalyates bénéficient au même titre que les hommes de l’accès aux terres?

Nous considérons cette dernière circulaire comme un grand pas en avant, une avancée pour les femmes Soulalyates, car elle fait référence aux Droits universels de la personne, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et la nouvelle Constitution. La circulaire fait également référence au combat de ces femmes et des organisations non gouvernementales qui les appuient.

Elle considère donc l’égalité entre les sexes dans toutes les caractéristiques et aspects qui concernent les terres collectives, que ce soit par rapport à la distribution de lots de terrains (la part d’usufruit) ou la distribution ou redistribution des terres à caractère agricoles, aux compensations découlant de transactions immobilières, la distribution de l’héritage d’un bénéficiaire décédé, etc. L’appellation même de cette circulaire est basée sur la notion d’égalité puisqu’il s’agit d’une circulaire visant à « rétablir les femmes dans leur droit de jouissance de l’usufruit qui revient aux membres des communes Soulalyates ».

Est ce que cette circulaire est appliquée concrètement dans toutes les provinces et régions concernées par cette problématique ? Quelles sont les contraintes auxquelles les femmes font face ?

La circulaire existe mais son application pose des problèmes. Les représentants des tribus rejettent ces circulaires et ne reconnaissent pas le droit des femmes à bénéficier de ces terres et de leurs revenus au même titre que les hommes. Il y a également ceux qui reconnaissent ce droit, mais considèrent que seulement quelques femmes peuvent en bénéficier, selon des critères établis, par exemple les veuves, les handicapées, les femmes âgées, non mariées ou sans famille.

Alors que d’autres tribus considèrent dans la liste des ayant droits seulement ceux/celles disposant d’une carte d’identité nationale. Il y a également un manque de vulgarisation de ces circulaires, et de grands efforts de sensibilisation des hommes et des femmes doivent être accomplis. Il y a encore certaines femmes qui ne connaissent pas leurs droits ou considèrent que seuls les hommes peuvent hériter. Aujourd’hui, le Ministère de I’Intérieur n’accepte plus les listes des ayant droits qui n’incluent pas de femmes.

Quelle est la valeur ajoutée des dispositions de la nouvelle Constitution sur l’accès aux terres collectives ?

Dans tous nos courriers et requêtes, nous faisons désormais référence aux dispositions de la nouvelle constitution marocaine, que ce soit par rapport à l’égalité des sexes, à l’accès du citoyen à l’information, en cas d’abus, etc. La nouvelle constitution donne un appui solide et encore plus de légitimité au mouvement des femmes Soulalyates.

Quelles sont les prochaines étapes de ce combat ? Comment l’ADFM continuera à appuyer le mouvement des Soulalyates ?

Nous avons différents profils de femmes Soulalyates: celles qui sont analphabètes mais souhaitent bénéficier au même titre des hommes des cessions et revenus des terres collectives, celles qui sont pleinement conscientes de leurs droits et qui cherchent notre appui pour les guider dans les démarches pour y accéder, et enfin celles qui se retrouvent entrainées par ce mouvement de revendication.

Notre association essaie de répondre aux besoins de ces différentes catégories à travers une stratégie qui se base sur deux principaux axes : le renforcement des capacités (des formations en communication, prise de parole, leadership etc.) et le plaidoyer. Par ailleurs, ces femmes sont également sensibilisées sur leurs droits, informées sur les procédures et démarches à suivre pour les faire respecter suivant la région d’où elles sont originaires.

La prochaine étape stratégique de notre appui au mouvement des Soulalaytes consistera à identifier un groupe d’élite de 20-25 femmes Soulalyates (toutes régions confondues) qui bénéficieront de formations plus poussées notamment en communication, prise de parole et sur les nouveautés des circulaires. L’objectif est de les préparer à participer à la réflexion et au débat national sur cette problématique. Nous ne pouvons pas renforcer les capacités de toutes les Soulalyates à travers le Maroc.

Mais notre valeur ajoutée et notre expertise à l’ADFM consiste à former ces personnes pour devenir des leaders et des portes paroles de ce mouvement qui pourront s’engager dans un plaidoyer et argumenter leurs revendications. Ce que j’ai personnellement constaté, depuis le commencement de cet appui, c’est que les femmes Soulalyates ont une force intérieure incroyable et c’est cela qui nous a incité à leur apprendre à canaliser cette force et s’organiser pour revendiquer leurs droits.

Lisez notre entretien avec Mme Khadija Ouldemmou de l’Association Démocratique des Femmes du #Maroc!owl.li/hCWIF

— ONU Femmes (@ONUFemmes) February 12, 2013