Dans l’Amazonie bolivienne, les femmes protègent la forêt et se donnent les moyens d’agir

Alors qu’au Brésil et dans les régions orientales de la Bolivie, certaines parties de l’Amazonie sont en proie aux flammes - victimes en grande partie du défrichement par brûlis de terres arables –, des communautés du nord de la Bolivie protègent leurs forêts en mettant en œuvre une série de projets d’autonomisation économique.

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In the northern Bolivian Amazon, a sustainable venture is involving the local community in processing wild fruits from the Amazon jungle, and at the same time, protecting the forests against felling of trees and pollution. Photo: UN Women/Teófila Guarachi.
Dans l’Amazonie bolivienne septentrionale, une initiative durable impliquant la communauté locale permet à cette dernière de transformer les fruits sauvages de la forêt amazonienne tout en la protégeant des abattages et de la pollution. Photo : ONU Femmes/Teófila Guarachi.

À minuit, tandis que les stridulations des grillons bercent la forêt, Sandra Justiniano, 35 ans, se rend dans la petiete usine de transformation, où elle et d’autres femmes autochtones de la communauté de Buen Retiro située dans le nord de l’Amazonie bolivienne travaillent à extraire la pulpe de wassaï et des fruits du patawa.

« Grâce à ce projet [...] nos vies se sont améliorées », explique Sandra Justiniano, présidente de l’Association agricole des producteurs amazoniens de wassaï et de patawa de Riberalta. « Il nous a permis d’enrichir nos connaissances, de perfectionner notre économie et d’améliorer nos vies et celles de nos enfants ».

Grâce aux financements de l’Agence italienne pour la coopération au développement (AICS), d’ONU Femmes et du ministère bolivien du Développement productif et de l’Économie plurielle (MDPyEP), dix entreprises dirigées par des femmes dans quatre municipalités ont pu recevoir une assistance technique et technologique ainsi que des actifs pour optimiser leur production. Lancé en mai 2018, ce programme implique plus de 240 femmes.

Sandra Justiniano believes that the Amazon forest is integral to the life and culture of her people. “We must take care of it, stop the felling of trees, the burning …,” she says. Photo: UN Women/Teófila Guarachi.
Sandra Justiniano estime que la forêt amazonienne est indissociable de la vie et de la culture de son peuple. « Nous devons en prendre soin, enrayer l’abattage des arbres, mettre fin à la pratique du brûlis [...] », explique-t-elle. Photo : ONU Femmes/Teófila Guarachi.

L’initiative de Buen Retiro mobilise 24 hommes et femmes qui travaillent à la transformation du wassaï, du patawa et du cupuaçu – des fruits sauvages endémiques de la forêt amazonienne. Selon Sandra Justiniano, grâce à ce projet qui regroupe près de 200 cueilleurs de fruits issus des communautés avoisinantes, la forêt est mieux gérée et les relations avec les fournisseurs se sont améliorées.

« Ces fournisseurs et leurs familles sont désormais formés à prendre soin de la forêt. Ils ont appris comment protéger notre terre nourricière », explique-t-elle. « Les discussions, les séances de formation et les ateliers qu’ONU Femmes nous a organisés leur profitent également [...]. Ils savent que s’ils coupent un wassaï, ce palmier mettra 20 ans à repousser, et toute la communauté en pâtira. Alors, nous leur apprenons à prendre soin de la forêt et à ne pas faire de feu en période sèche ».

Les membres de la communauté dans laquelle vit Mme Justiniano sont majoritairement autochtones, et le projet intègre leur savoir-faire ancestral en matière d’entretien et de gestion de la forêt.

« Nous sommes nés dans la forêt », raconte-t-elle. « Nous y avons grandi et elle pourvoit à nos besoins, car nos enfants y grandissent aussi. C’est pourquoi nous devons en prendre soin, ne plus abattre les arbres, ne plus les brûler [...]. Nous devons également éviter d’y jeter nos ordures, les plastiques et les batteries qui polluent. Voilà pourquoi nous sensibilisons toutes les communautés sur la manière de prendre de soin de notre forêt, afin de transmettre ces connaissances à nos filles et à nos fils [...]. Nous sommes responsables de la protection de notre forêt ».

The community of Buen Retiro in the northern Bolivian Amazon. Photo: UN Women/Teófila Guarachi.
La communauté de Buen Retiro dans l’Amazonie bolivienne septentrionale. Photo : ONU Femmes/Teófila Guarachi.

Violeta Domínguez, qui représente ONU Femmes en Bolivie, indique que le projet a porté ses premiers fruits, notamment l’autonomisation économique des femmes et des foyers dirigés par des femmes, le renforcement du territoire amazonien et la revitalisation de l’économie locale. Elle souligne que, dans de nombreux cas, l’autonomisation économique des femmes permet également de briser la spirale de la violence basée sur le genre.

Tous les projets proposent une formation spécialisée en manutention des machines et en développement de compétences financières et entrepreneuriales. Ils abordent également les questions de la sensibilisation à l’égalité des sexes et des masculinités, et présentent les lois pour lutter contre la violence basée sur le genre et les moyens de prévention.

Partenaire clé du programme, le gouvernement bolivien s’est engagé dans des projets menés par des femmes autochtones, auxquelles il a fourni divers actifs de production tels qu’un générateur et des machines utilisées pour la transformation des fruits et l’étiquetage des produits.

A scene from the processing facilities of the Buen Retiro venture. The project has provided technology and assets to improve the production of 10 women-led enterprises in four municipalities. Photo: UN Women/Teófila Guarachi.
Séquence de transformation dans l’usine de Buen Retiro. Le projet a procuré des moyens technologiques et des actifs permettant d’optimiser le rendement de 10 entreprises dirigées par des femmes, dans quatre municipalités. Photo : ONU Femmes/Teófila Guarachi.

De nombreuses femmes impliquées dans le projet avec Sandra Justiniano sont des mères célibataires dont les perspectives économiques sont limitées.

« Ce projet a permis d’améliorer nos revenus ; nous avons appris à mieux nous prendre en charge, nous avons acquis des connaissances à propos de nos droits et de nos finances, nous avons appris à présenter des projets et nous comprenons désormais le principe des marchés en expansion [...] », déclare Sandra Justiniano. « Nous n’avons plus peur de nous exprimer en public et de nous engager activement, nous sommes capables de présenter nos propositions économiques aux autorités et de négocier avec elles. C’est ça, l’autonomisation ».

Avant le lancement du projet d’ONU Femmes, l’usine de Buen Retiro vendait chaque jour 200 litres de jus de wassaï, produit à la main. Elle vend désormais près de 500 litres par jour, et peut récupérer la pulpe pour la revendre. Elle approvisionne également le programme municipal de petits-déjeuners scolaires. L’Association sera bientôt en mesure de présenter ses produits dans les foires nationales à Santa Cruz et à La Paz. Elle négocie même avec des entreprises pour approvisionner d’autres régions du pays.

« Mais tout cela ne sera possible que si nous prenons soin de la forêt », prévient Sandra Justiniano.

ONU Femmes travaille à l’échelon intergouvernemental en vue de renforcer le rôle des femmes dans la lutte contre les changements climatiques et pour une gestion renforcée des forêts partout dans le monde. ONU Femmes a publié un rapport sur les questions de genre dans la biodiversité et, à l’approche du Sommet Action Climat du 23 septembre, l’organisation a rédigé un manuel sur les modalités d’une approche tenant compte des questions de genre dans les projets et programmes liés aux ressources terrestres, afin qu’ils bénéficient à l’environnement, plutôt que de lui nuire.