Remarques de Mme Lakshmi Puri Directrice exécutive adjointe d’ONU Femmes : « La violence à l’égard des femmes – Nos préoccupations, notre réponse »

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Remarques de Mme Lakshmi Puri Directrice exécutive adjointe d’ONU Femmes à l’ événement parallèle du Conseil de l’Europe :« La violence à l’égard des femmes – Nos préoccupations, notre réponse ».

Excellences,
Mesdames et Messieurs,

Bon après-midi, et merci d’avoir invité ONU Femmes à cet important événement. C’est un plaisir de se trouver ici aux côtés d’autres porte-drapeaux de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes, qui sont également de fervents partisans d’ONU Femmes – le Conseil de l’Europe et ses distingués représentants du Comité des ministres et de l’Assemblée parlementaire, ainsi que de Mme Vallaud-Belkacem, ministre des Droits de la femme de la France.

Nous avons déjà entendu parler aujourd’hui de l’importance de la Convention d’Istanbul et du rôle qu’elle joue dans le renforcement du cadre normatif international pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes.

À ONU Femmes, nous saluons tout particulièrement la Convention d’Istanbul en tant que complément important de l’ensemble de normes et standards en évolution à travers la planète.

Et nous avons travaillé étroitement avec le Conseil de l’Europe afin de mettre en exergue la grande valeur de la Convention, et avons incité d’autres parties à devenir signataires de la Convention, y compris des non-membres du Conseil de l’Europe.

La Convention d’Istanbul complète les normes juridiques existantes, et élargit le cadre international en matière d’égalité des sexes et d’autonomisation des femmes. Elle constitue une norme d’excellence et, de fait, si je puis dire, est primus inter pares parmi les instruments ciblant spécifiquement l’élimination de la violence à l’égard des femmes.

L’Europe dispose désormais d’une convention forte et juridiquement contraignante, qui édicte des directives et des engagements clairs sur le plan de la prévention, de la protection, des poursuites judiciaires et de la réponse à la violence à l’égard des femmes, notamment dans le domaine de la violence domestique.

Un certain nombre d’autres accords régionaux ont directement ou indirectement traité de la question de la violence à l’égard des femmes.

Figurent au nombre de ceux-ci des déclarations – telle que la Déclaration sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes de l’Association des nations du Sud-Est asiatique – de même que des chartes et des protocoles – tels que le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits de la femme en Afrique et le Protocole de Maputo – ou encore des conventions à part entière.

Mais, à ce jour, il n’existe que deux conventions sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes : la Convention de Belém do Pará, adoptée par l’Organisation des États américains en 1994, et la Convention d’Istanbul.

Outre qu’ils fournissent les cadres juridiques nécessaires à l’élimination de la violence à l’égard des femmes, ces documents ont une importance symbolique. Chaque nouvel accord passé entre des États souverains pour réaffirmer les droits fondamentaux inviolables des femmes fait peser la balance du côté des changements positifs.

Les conventions consolident et reflètent le consensus mondial croissant qui se fait jour vis-à-vis du mouvement en faveur de l’élimination de la violence à l’égard des femmes, et contribuent à éliminer les rapports de force sous-jacents inégaux entre les femmes et les hommes.

Pris ensemble, ces textes constituent un train puissant de normes et standards mondiaux et régionaux qui sont intégrés dans les lois, les politiques et les actions nationales et locales.

La Convention d’Istanbul s’appuie sur le travail important mené à bien dans divers forums, y compris la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, complété par la Recommandation générale 19 du Comité de la CEDAW, la Déclaration sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes, ainsi que la Déclaration et le Programme d’action de Beijing.

Et au moment où nous nous rencontrons ici aux Nations Unies, à l’occasion de la Commission de la condition de la femme, que pouvons-nous apprendre de la Convention d’Istanbul qui puisse guider nos initiatives ? Quels éléments de la Convention voudrions-nous voir faire partie du résultat progressiste et orienté vers l’avenir que doivent être les Conclusions concertées de la CSW ?

Nous pourrions examiner de nombreux aspects importants de la Convention, mais permettez-moi d’en mettre en exergue quelques-uns qui vont au-delà du besoin de prévention et de protection, y compris la fourniture des services et les poursuites judiciaires, qui, comme nous le savons déjà, font partie de la réponse globale à toutes les formes de violence à l’égard des femmes.

En premier lieu, la Convention établit un lien crucial entre l’élimination de la violence à l’égard des femmes et la réalisation de l’égalité des sexes et l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.

Il ne fait pas de doute que l’exercice du droit à vivre à l’abri de la violence est étroitement lié à la capacité des femmes à exercer et à jouir pleinement des droits et libertés civils, politiques, économiques, sociaux et culturels qui sont les leurs.

Il est essentiel de s’attaquer aux causes profondes de la violence. La violence à l’égard des femmes n’apparaît pas toute seule : elle est intrinsèquement liée à des formes multiples de discrimination sexiste dans les domaines politiques, économiques et sociaux.

Cela est particulièrement important au niveau de la prévention. La prévention ne passe pas seulement par les campagnes de sensibilisation : un écosystème complet de politiques doit être mis en place, et des liens doivent être établis avec d’autres politiques relatives au genre pour la rendre efficace.

En deuxième lieu, la Convention met un accent particulier sur l’importance de la prévention précoce, point qu’ONU Femmes a elle aussi défendu. La meilleure manière de mettre fin à la violence est d’empêcher qu’elle se produise dès le départ.

À cet effet, il convient de mener davantage de campagnes de sensibilisation, mais aussi de mettre en place des programmes éducatifs pour enseigner les droits de l’homme, l’égalité et le respect mutuel.

Il convient de prendre des mesures pour changer les modèles existants de comportement des femmes et des hommes qui sont fondés sur les préjugés, les stéréotypes basés sur le genre et les normes sociales qui perpétuent ou tolèrent la violence à l’égard des femmes.

Cela exige notamment de s’attaquer aux modèles étroits de la masculinité et de travailler avec les hommes et les garçons, non pas uniquement pour qu’ils prennent position contre la violence à l’égard des femmes, mais pour changer fondamentalement les relations entre les sexes.

Cette approche est reconnue dans la Convention, et doit être reflétée dans les Conclusions concertées de la CSW. A ce propos, il convient de réaffirmer que la culture, la coutume, la religion, la tradition ou le présumé « honneur » ne peuvent être invoqués comme raisons pour justifier un quelconque acte de violence.

Cela est clair dans la CEDAW, dans le Programme d’action de Beijing et dans la Convention d’Istanbul. Cela doit l’être également dans les Conclusions concertées de la présente session de la CSW.

Mesdames et Messieurs,

Avant de conclure, je souhaiterais faire une remarque sur l’écart énorme qui existe entre l’engagement et l’action. Malgré l’existence de vastes ensembles de normes et de standards, sept femmes sur dix continuent d’être victimes de la violence physique ou sexuelle de la part d’un partenaire intime au cours de leur existence.

603 millions de femmes vivent dans un pays où la violence domestique n’est pas considérée comme un crime. Une fille sur trois des pays en développement risque d’être mariée en tant qu’enfant mariée. Il est temps de passer à l’action.

Aux côtés d’autres normes et standards, la Convention est déterminante pour accélérer la mise en œuvre, en raison de l’accent qu’elle met sur la diligence requise par les États pour ce qui est de prévenir et de répondre à la violence à l’égard des femmes.

Cela envoie un message clair qui contredit la perception durable selon laquelle la violence à l’égard des femmes est une question privée. Celle-ci est au contraire une question qui exige que des engagements et des mesures soient prises au plus haut niveau politique et à tous les échelons de l’État.

Les mécanismes d’établissement de rapports et de contrôle définis dans la Convention sont en outre, comme la CEDAW, essentiels pour provoquer les changements nécessaires sur le plan des lois, des politiques et des programmes.

Nous l’avons vu avec la Convention de Belem do Para, dont les mécanismes incitent grandement à la mise en œuvre.

Permettez-moi donc de conclure par un puissant appel à l’action. D’abord, il est essentiel que davantage de gouvernements ratifient la Convention d’Istanbul. Il est honteux de constater que près de deux ans après son élaboration, seuls trois pays l’aient ratifiée.

En deuxième lieu, je souhaiterais lancer un appel à l’action afin qu’un accent plus important soit mis sur la mise en œuvre. Nous devons combler l’écart entre les engagements et la réalité que nous constatons aujourd’hui : l’omniprésence de la violence à l’égard des femmes dans tous les pays.

Je voudrais enfin appeler à une conclusion progressiste des travaux de la CSW. Nous ne saurions manquer cette opportunité. Nous avons besoin d’adopter des conclusions concertées qui sont courageuses, tournées vers l’avenir et réalisables. Nous comptons sur tous les États membres pour atteindre ces objectifs.

Merci.