Les femmes des Balkans font avancer la paix et la politique

Avec le soutien d'ONU Femmes, les femmes leaders dans les Balkans mettent le genre au centre de la politique et poursuivent l'autonomisation des femmes dans le but de ramener la paix et la stabilité dans la région.

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Émergeant des avatars d’un passé tragique, plusieurs décennies après le démembrement de l’ancienne Yougoslavie et du conflit qui a secoué les Balkans dans les années 1990, un groupe solide de femmes se constitue pour triompher des divergences ethniques et politiques, et pour créer un avenir meilleur.

Balkans panel discussion
(De gauche à droite) Réunies à la Conférence internationale de Saranda, en Albanie, Memnuna Zvizdic, Slavica Strikovic, Edita Tahiri et Dijana Vukomanovic discutent du rôle qui appartient aux femmes pour activer la mise en œuvre de l’Accord de Bruxelles Photo : Art Murtezai/ONU Femmes

Avec le soutien financier et technique d’ONU Femmes, le Lobby régional des femmes pour la paix, la sécurité et la justice en Europe du Sud-Est (RWLSEE) travaille à mieux autonomiser les femmes, à introduire la dimension du genre dans la vie politique et à relever la participation des femmes aux processus de décision à travers les Balkans. Fondé en 2006, ce groupe rassemble des femmes d’influence jouant un rôle de leader dans la vie politique et la société civile d’Albanie, de Bosnie-Herzégovine, de Croatie, du Kosovo (en vertu de la Résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations Unies) 1, de l’Ancienne République yougoslave de Macédoine 2, du Monténégro et de la Serbie.

« Le RWLSEE est une organisation unique, la seule de la région à réunir des femmes leaders des sept pays qui la composent. Il montre qu’il est possible de construire la paix au terme d’un passé difficile, de travailler ensemble afin de trouver des solutions communes, de dépasser les divergences d’opinions et d’œuvrer à la réalisation d’un agenda positif en reléguant l’histoire au passé », déclare Edita Tahiri, Premier ministre adjoint du Kosovo et présidente du RWLSEE. 

Mme Tahiri souligne que ce groupe, dont elle est l’une des fondatrices, estime que les femmes ont un rôle crucial à jouer pour apporter la paix et la stabilité aux Balkans. Le groupe souhaite relever les moyens d’action des femmes de la région, ce qui ne pourra pas se faire sans de la collaboration et une vision unifiée.

« Les débuts n’ont pas été faciles. Pour notre première rencontre, nous nous sommes réunies à Dubrovnik, en Croatie. Je dois dire que la première séance a plutôt été la confrontation de nos divisions que la recherche d’un terrain d’entente. Nous étions enlisées dans le passé. Mais pendant la seconde journée, nous avons commencé à réfléchir aux moyens de faire des progrès pour réaliser un avenir meilleur », se rappelle-t-elle. 

Lors de la dernière rencontre du groupe à Saranda, en Albanie, fin septembre, plus de 70 femmes politiques et activistes éminentes de la société civile de la région entière sont venues participer à une conférence internationale dédiée aux moyens de relever le rôle des femmes dans la vie politique, la recherche de la paix et la sécurité. Cette conférence a bénéficié des activités d’organisation, de médiation et d’animation d’ONU Femmes avec l’appui des gouvernements suédois et albanais. Elle a abouti à l’adoption d’une déclaration conjointe par des députées du Kosovo et de la Serbie. Les participantes ont convenu d’intensifier les contacts en réseau et la coopération entre femmes politiques et militantes de la société civile à travers les Balkans occidentaux, et notamment d’y encourager la participation de jeunes femmes à la vie politique.

Malgré les discussions tendues qui ont marqué la journée, les divergences semblaient avoir disparu en début de soirée. Au cours d’une réunion sociale destinée à détendre l’atmosphère et qui symbolisait aussi la volonté d’intensifier la collaboration, les participantes ont dansé la main dans la main aux rythmes d’une musique folklorique des Balkans, et elles ont mangé et ri ensemble.

« Si l’on tient compte des conflits ethniques et nationalistes qui perdurent dans les Balkans, et le fait que la région lutte sur la voie de sa pleine intégration dans l’Union européenne, il est évident que les efforts déployés par le Lobby des femmes sont cruciaux et tout à fait souhaitables pour instaurer une paix durable », déclare Ingibjorg Gisladottir, Directrice régionale d’ONU Femmes pour l’Europe et l’Asie centrale.

Au cours de leurs conférences régionales, ces femmes haut-placées discutent de questions afférentes à l’autonomisation des femmes. Leur but est de voir leurs recommandations traduites dans la réalité de leurs pays respectifs. 

Les résultats de leurs efforts sont déjà manifestes. Mme Tahiri affirme que tous les pays de la région ont maintenant institué des quotas pour la participation de femmes aux activités parlementaires.

« Les femmes représentent la moitié des effectifs de chaque société et leur participation enrichit l’élaboration des politiques », déclare de son côté Teuta Arifi, participante à la conférence et maire de Tetova, une ville ethniquement diversifiée de (l’ancienne République yougoslave de) Macédoine.

Ancienne députée et Premier ministre-adjoint, Mme Arifi a été la première femme d’origine ethnique albanaise à être élue au parlement macédonien, en 2002. « Mais j’ai dû affronter la campagne virulente de mes adversaires, dirigée contre ma personne. Et je pense que cette campagne a été d’autant plus acharnée que j’étais une femme ».

Par le biais d’une série de dialogues interethniques entre femmes politiques kosovares et serbes et en proche partenariat avec ONU Femmes, le RWLSEE soutient également la mise en œuvre de l’Accord de Bruxelles. Signé en avril 2013 entre la Serbie et le Kosovo, cet accord constitue la première démarche officielle visant à normaliser les relations entre les deux pays, 14 ans après la fin de la guerre. Mme Tahiri était un membre important de l’équipe de négociation.

Pour assurer le rôle des femmes dans la mise en œuvre de l’Accord de Bruxelles, ONU Femmes soutient le Lobby par le biais d’un projet financé par le Ministère suédois des affaires étrangères. Ce projet vise à rompre les barrières de méfiance en impliquant des femmes du Kosovo et de la Serbie dans les efforts de parvenir à un règlement inclusif et durable des conflits de la région, et y instaurer la stabilité, la paix et la sécurité au long terme.

1 Kosovo dans toutes les références subséquentes.
2 (L’ARYM) Macédoine dans toutes les références subséquentes.