La Constitution Tunisienne: une percée pour les droits des femmes

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Suite à la révolution et à des mois de protestation en 2011, l’Assemblée constituante de Tunisie a adopté une nouvelle Constitution le 26 janvier 2014, véritable tremplin du changement pour l’égalité des sexes dans les États Arabes.

La nouvelle Constitution tunisienne a fait les grands titres de l’actualité internationale. Elle consacre les droits des hommes et des femmes dans la même direction, selon de nombreux Tunisiens/nes. 

Sana Ben Achour, universitaire juriste et activiste, souligne que cette Constitution est la première du monde arabe à donner le droit à la candidature présidentielle pour tout tunisienne ou tunisien. Dans cette même lignée, elle dit que « l’article 46 témoigne d’une avancée formidable. De prime abord, il garantit aux tunisiennes leurs droits acquis, se référant ainsi au Code du Statut Personnel (1959) qui prévoyait déjà un panel de droits et libertés inédits dans le monde arabe tel que le droit au divorce, au mariage par consentement mutuel ou encore l’interdiction de la polygamie. »

En plus, Mme. Ben Achour indique que l’Etat veillera à ce qu’il y ait une égalité des sexes dans le travail mais surtout qu’il l’encouragera à travers, notamment, des mesures de discrimination positive. 

A plaque for Place de 14 janvier, 2011, a plaza in Tunis named after a meeting place during the revolution. Photo: Arne Hoel / World Bank
Une plaque pour la Place de 14 janvier, 2011, en Tunis, une place de rencontre durant la révolution. Photo: Arne Hoel / World Bank

« L’article 46 relatif à la parité, garantissant une égalité entre les hommes et les femmes dans toutes les assemblées élues, est d’autant plus progressiste qu’il n’a pas fait l’objet de constitutionnalisation dans la plupart des pays occidentaux » a dit Héla Skhiri, Chargée de Programme National d’ONU Femmes en Tunisie. 

Toutes ces avancées sont le résultat de plusieurs mois de plaidoyer et grâce au concours de la société civile, soutenue par ONU Femmes et plusieurs organisations, l’article 20 qui garantit une égalité en droits et devoirs a finalement pu être voté. 

En marge du vote, ONU Femmes a travaillé en partenariat avec l’Association Tunisienne des Femmes Démocrates (AFTD), dans le cadre du projet intitulé « Women’s March for a Constitution integrating Equality and Citizenship », (La marche des femmes pour une Constitution intégrant l’égalité et la citoyenneté), pour garantir des contributions de qualité et ciblées au cours du processus participatif d’élaboration de la Constitution. De ce fait, des membres de l’AFTD et d’autres organisations non gouvernementales (ONG) ont consulté et identifié des arguments forts en faveur de l’égalité des sexes qui leur ont permis de mener des activités de sensibilisation et de plaidoyer au sein de leurs communautés respectives et de renforcer leur participation effective au processus de l’élaboration de la Constitution. 

Pour soutenir le processus d’élaboration de la Constitution, ONU Femmes a également appuyé, en mars 2013, le Centre de Recherche, d'Études, de Documentation et d'Information sur la Femme (CREDIF) dans l’organisation d’événements de plaidoyer, y compris un débat de haut-niveau sur l’intégration du principe de parité dans la Constitution. Cet événement a rassemblé des membres de l’Assemblée constituante nationale, des décideurs gouvernementaux, et des représentants de la société civile à un moment crucial du processus d’élaboration.

ONU Femmes, en partenariat avec le Ministère des affaires de la femme et de la famille et le Centre Wilson (L’initiative mondiale sur le leadership des femmes) a également réuni des parties prenantes variées autour d’une table ronde sur « les droits des femmes dans l’élaboration de la Constitution tunisienne » en avril 2013 à Tunis. Celle-ci avait pour but d’échanger des expériences et des bonnes pratiques entre différents pays de la région sur l’intégration des principes d’égalité des sexes dans les constitutions nationales. Au cours de l’événement, 36 participants d’institutions gouvernementales et d’ONG ont partagé les expériences de leurs pays en matière d’inclusion des principes d’égalité des sexes, de droits fondamentaux et de non-discrimination dans leurs constitutions respectives.

Hafidha Chekir, juriste et activiste, membre fondateur de l’ATFD a participé dans ces processus et dit : “ONU Femmes a jusque-là fait un important travail autour de la ratification de la CEDAW ; il est important qu’elle continue, en partenariat avec la société civile à encourager la levée des réserves comme le stipule la Constitution. En effet, elle énonce un texte positif et confirme la valeur supra légale des conventions internationales ce qui implique que l’Etat se doit de poursuivre ses engagements internationaux. »

Alors que les attentes liées à la nouvelle Constitution sont élevées, des inquiétudes subsistent.

Mme. Chekir remarque que « pour ce qui est des droits politiques, l’article 34 prévoit la représentativité des femmes au sein des assemblées élues. Cependant, il n’en est rien pour le gouvernement. »

De plus, la plupart des droits énoncés concernent la sphère publique et sont liés à la citoyenneté. 

Cependant, en matière de violence à l’encontre des femmes, Mme Ben Achour dit que le texte est clair : «L’obligation de faire s’impose à l’Etat à travers les pouvoirs publics par des mesures d’éradication de toute forme de violence à l’encontre des femmes. L’espace est donc ouvert aux reformes légales qui s’imposent. »

L’année passée, le Gouvernement de la Tunisie s’est engagé à adopter des mesures concrètes pour combattre la violence fondée sur le genre par le biais de son Plan d’action national pour l’élimination de la violence envers les femmes, comme partie de l’initiative « Engageons-nous » d’ONU Femmes.

Dans cette lignée, ONU Femmes soutient diverses organisations de lutte contre la violence faite aux femmes. Plus généralement, le travail de l’organisation, pour les droits des femmes, permet un travail de sensibilisation auprès de la société, qui sera clé pour soutenir les nouvelles garanties constitutionnelles. 

« Cet effort ne peut être probant dans les faits que si les Tunisiennes et Tunisiens confondus participent aussi à la concrétisation de ce fondement » dit Mme. Skhiri. « L’apport d’ONU Femmes peut faire une réelle différence car il permet non seulement le soutien au travail effectif et de plaidoyer de la société civile, d’influer les stratégies et politiques à travers le partenariat avec les instances gouvernementales, mais surtout l’inclusion des principes d’égalité dans les mentalités. »