En Chine, des initiatives aident les filles délaissées à se protéger

Le Fonds d’affectation spéciale des Nations Unies pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes contribue actuellement à soutenir des initiatives destinées à prévenir les violences sexuelles telles que la création de lieux sûrs pour les filles de migrants et l’organisation de formations à l’intention des enfants, des enseignants, des responsables communautaires et des autorités publiques.

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Yuan Yuan*, une sage petite écolière de deuxième année, souffre d’un trouble mental modéré qui affecte ses capacités à apprendre et à communiquer. Il y a quelques années, son père, handicapé mental, a quitté sa famille pour trouver du travail en ville, puis n’a plus jamais donné de nouvelles. Sa mère, incapable de subvenir aux besoins de la famille, est aussi partie sans jamais revenir. Depuis, ce sont les grands-parents paternels de Yuan Yuan qui s’occupent d’elle. Malheureusement, ils ne sont pas toujours là.

« Il y a un homme qui me fait peur… il s’est moqué de moi et m’a touchée. Je le déteste », a raconté la petite Yuan Yuan de huit ans à Zhang Xinyu, responsable de programme du Centre de développement culturel de Beijing pour les femmes rurales (BCDC). Mme Zhang Xinyu lui a rendu visite après qu’une fédération de femmes locale l’ait avertie que Yuan Yuan se plaignait d’avoir été abusée sexuellement par un voisin de 70 ans. Le BCDC a financé le traitement médical de Yuan Yuan et a œuvré avec la fédération de femmes locale pour empêcher le voisin de s’approcher de nouveau de la petite fille, et pouvoir réagir au besoin.

In China, girls learn how to say "no" when they are about to be hurt
À l’école primaire Fuhe de Suizhou, dans le centre de la Chine, les élèves apprennent à se protéger dans le cadre des relations humaines. L’exercice consiste à les inciter à dire « non » à leur camarade lorsqu’ils estiment que celui-ci est trop près et que le ballon pourrait exploser et les blesser.
Photo : Xinyu Zhang

Comme Yuan Yuan, plus de 2 500 filles reçoivent l’aide d’un programme financé par le Fonds d’affectation spéciale des Nations Unies pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, lui-même administré par ONU Femmes au nom des Nations Unies. Ce programme rassemble des enseignants, des tuteurs, des agents de police locaux et des prestataires de soins de santé afin de protéger les filles délaissées de Chine.

En Chine, une migration interne d’une ampleur à peine croyable a été provoquée par le contraste entre la rapidité de la croissance économique générée par les usines de fabrication dans l’est du pays, et le taux élevé de chômage et les bas salaires qui prévalent dans les régions du centre et de l’ouest. On estime que 263 millions de personnes ont migré des zones rurales vers les villes industrielles.[i] Bien souvent, les parents sont contraints d’émigrer vers les villes sans leurs enfants, car le système d’enregistrement des ménages (appelé hukou) stipule que ceux-ci peuvent être inscrits uniquement à l’école publique de leur ville ou village d’origine.

Selon le rapport 2012 de la Fédération des femmes de Chine, le pays compte plus de 61 millions d’enfants délaissés, dont plus de 28 millions de filles. Près de 33 pour cent de ces enfants sont élevés par leurs grands-parents, tandis que 10,7 pour cent d’entre eux sont élevés par des proches ou des villageois. Au moins 3,4 pour cent des enfants délaissés doivent se débrouiller tout seul.[ii]

En plus du soutien financier fourni par le Fonds d’affectation spéciale des Nations Unies, ONU Femmes apporte une assistance technique au BCDC sur la réduction des risques de violences sexuelles à l’encontre des enfants des zones rurales, en particulier pour les filles dont les parents ont migré vers les villes. Ce programme comporte les objectifs suivants : améliorer les connaissances et les capacités d’autoprotection des filles en matière de sexualité ; s’assurer que les tuteurs et les membres de la communauté possèdent la volonté et les capacités nécessaires pour contribuer à réduire la vulnérabilité des enfants face aux abus sexuels ; modifier les environnements sociaux qui incitent aux violences sexuelles ; et favoriser l’émancipation des femmes et des filles.

« Nous devons absolument apprendre à nous protéger et à dire NON aux inconnus », affirme Xiao Mei, une élève de 7e année. Xiao Mei ajoute qu’elle est très fière d’avoir pu présenter à ses frères et sœurs son manuel d’apprentissage et les méthodes d’autoprotection qu’elle a apprises. « Ma grande sœur m’a avoué qu’elle était très craintive. Elle m’a dit qu’elle n’avait jamais reçu de telles informations précédemment ».

In China, girl learns how to identify human body parts
Dans le cadre d’un atelier sur la sécurité sexuelle des élèves à l’école primaire centrale Yindian de Suizhou (dans le centre de la Chine), une fillette de six ans trace un cercle autour des parties privées du corps humain après avoir appris où elles se trouvent sur les corps masculins et féminins. Photo : Xinyu Zhang

À la fin de l’année 2013, 500 enseignants locaux, 5 000 élèves et 2 200 tuteurs avaient participé à des programmes de sensibilisation et de prévention à l’égard des violences sexuelles sur les enfants. De plus, 210 « piliers » (des femmes et des hommes actifs et influents au sein de la communauté) avaient suivi des formations sur les dangers des violences sexuelles commises sur les enfants.

Le programme du BCDC a permis de fonder six centres de ressources (trois dans des communautés et trois dans des écoles) afin de prévenir les sévices sexuels et de protéger les enfants contre ces abus. Des groupes d’encadrement ont été fondés dans les villages. Dans les écoles, les enseignants organisent des activités sur la sécurité des filles délaissées, comme des ateliers de lecture, des exposés et des spectacles pour sensibiliser les participants sur la question de la prévention des abus sexuels sur les enfants.

En outre, plusieurs manuels ont pu être créés et distribués grâce au financement du Fonds d’affectation spéciale des Nations Unies ainsi qu’à l’assistance technique fournie par ONU Femmes et certains experts nationaux. Ces guides traitent de l’éducation à la sécurité des filles en fournissant des informations sur la sexualité, les violences sexuelles et le genre, y compris l’égalité entre les hommes et les femmes, la violence à caractère sexiste et les relations qui existent entre ces questions.

Shen Xiaoyan, enseignante à l’école primaire Fuhe de la ville de Suizhou, située dans le centre de la Chine, se souvient de la remarque d’une de ses collègues alors qu’elle préparait une présentation dans le cadre d’une formation sur la sécurité sexuelle des élèves en 2013. « Toutes ces choses [les documents sur l’éducation sexuelle] me paraissent tellement normales maintenant. Je me demande pourquoi cela me mettait mal à l’aise il y a seulement quelques années. »

Le programme a permis de faire évoluer les comportements et de briser les tabous. Plusieurs personnes ont ainsi pu dénoncer des abus sexuels.

« Après avoir participé à la formation et aux activités du projet, les habitants et les représentants des autorités publiques ont voulu rassembler toutes les ressources possibles pour aider les victimes de violences sexuelles », explique Mme Zhang Xinyu du BCDC. « Auparavant, les victimes et leurs familles ne pouvaient pas parler des abus sexuels, car il s’agissait d’un sujet tabou ».

En 2012, dans la lignée de l’attention croissante apportée à la situation critique des enfants délaissés et des abus sexuels dont souffrent les filles délaissées, des propositions inspirées par le programme ont été soumises par la Fédération des femmes à l’Assemblée populaire et à la Conférence consultative politique du peuple chinois à Suizhou, une ville du centre de la Chine. En 2013, le département de l’éducation de Suizhou a publié un document politique en faveur du renforcement de l’éducation à la sécurité pour les élèves des écoles primaires et moyennes.

* Le nom a été changé pour protéger l’identité de l’enfant.

Pour plus d’informations, consultez la section Gros Plan sur la petite fille du nouveau site Internet de la campagne Beijing+20.



Bureau national des statistiques de Chine, 22 février 2013.

Étude sur les enfants délaissés dans les zones rurales et sur la situation des enfants de migrants dans les zones urbaines, Fédération des femmes de Chine, 10 mai 2013. http://acwf.people.com.cn/n/2013/0510/c99013-21437965.html