Où je me tiens : « C’est en parlant davantage du harcèlement sexuel que nous parviendrons à faire évoluer les mentalités de nos sociétés »
Diplômée en droit et militante des droits des femmes en Thaïlande, Thararat Panya, 23 ans, a été victime d’agression sexuelle et utilise ce vécu pour faire évoluer les mentalités à l’université Thammasat de Bangkok.Date:
Un jour, je suis sortie boire un verre avec des amis. On était tous ivres, alors on est allé dormir dans la chambre d’un ami. C’est une pratique assez courante à l’université, entre étudiants. Quand je me suis réveillée pendant la nuit, je me suis retrouvée coincée par les jambes de mon ami qui en profitait pour toucher mon intimité...
J’ai décidé de raconter cette agression sexuelle à mes amis proches. Beaucoup de gens m’ont encouragée et soutenue tout au long du processus. J’ai signalé au doyen de la faculté de droit ce qui s’était passé et j’ai demandé à ce qu’il y ait une enquête. En fin de compte, le coupable a été exclu pendant un semestre.
C’est à ce moment-là que j’ai décidé de publier mon expérience sur les réseaux sociaux. Le fait d’en parler publiquement m’a permis de gagner une bataille intérieure. Si je voulais que les choses changent, je devais me faire entendre.
Certains commentaires ont été très virulents, m’accusant d’avoir pris le risque de me retrouver dans une situation propice à une agression éventuelle. Même si je m’étais préparée, je ne m’attendais pas à déclencher une tempête d’une telle ampleur. Je me suis alors rendue compte qu’il n’y a jamais eu de discussion en bonne et due forme sur ce sujet dans notre société. Les Thaïlandaises... ont peur de contrevenir aux normes sociales selon lesquelles une femme doit se taire.
En outre, l’absence de procédure claire rend le signalement d’une agression sexuelle difficile. Si la loi est explicite concernant les conséquences, les démarches de signalement doivent être simplifiées. Par exemple, lorsqu’une femme signale une agression à la police, elle doit répéter son histoire de nombreuses fois à différents interlocuteurs. Ne serait-il pas plus simple d’enregistrer son témoignage au lieu de lui faire revivre son traumatisme ?
On reproche à la femme ce qu’il lui arrive, mais personne ne remet en question les agissements de l’homme. Je pense que si nous parvenons un jour à parler du harcèlement sexuel dans notre société, nous parviendrons à faire évoluer les mentalités.
La prise de parole comporte des risques, mais j’encourage vivement les victimes à se manifester. Vous êtes en droit de traduire le ou les coupables en justice. Je souhaiterais également inviter les universités à mettre en place des protocoles décrivant en détail les étapes et les procédures permettant de signaler et d’enquêter sur des affaires de violence liée au genre. »
Thararat Panya est diplômée de l’université Thammasat à Bangkok en Thaïlande. Elle a raconté son histoire lors de la dernière tournée universitaire HeForShe d’ONU Femmes et au cours d’un forum sur les 16 Jours d’activisme à l’ONU. Elle a lancé, il y a quelques années, la première vague de mouvements étudiants pour revendiquer que justice soit faite pour elle-même et d’autres victimes d’agression et de harcèlement sexuels survenus sur le campus. Ce qui lui est arrivé a motivé la décision de l’université Thammasat de créer un Comité chargé de la lutte contre le harcèlement sexuel sur le campus et de la promotion de la mixité.En octobre 2019, ONU Femmes a présenté aux membres du Comité sa Note d’orientation concernant la violence sur les campus : prévention et interventionet apporté une contribution technique à l’examen du plan de travail du Comité. ONU Femmes se joindra à l’université ce 25 novembre pour l’annonce officielle d’une politique de tolérance zéro vis-à-vis du harcèlement sexuel sur le campus.