« La voix des femmes et les défis qu'elles relèvent devront être un élément central de la réponse adaptative à un climat changeant » — expert écologique

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Brahim Jaafar. Photo Courtesy of Brahim Jaafar
Photo Courtesy of Brahim Jaafar

Brahim Jaafar, Dr en Ecologie, est actuellement le coordonnateur national du programme de développement territorial de Tafilalet auprès du PNUD et la Direction de l'Aménagement de Territoire du Maroc. Avec plus de 20 ans d’expérience dans le domaine de gestion des projets et programmes de gestion de ressources naturelles et de développement durable au Maroc. Il parle avec ONU Femmes au sujet de l’importance d’aborder le changement climatique d’une perspective genre.

Pourquoi devrions-nous aborder le changement climatique d’une perspective genre ?

Le changement climatique affecte de nombreux secteurs (eau, agriculture, tourisme, écosystèmes, etc.) avec des incidences négatives sur la réalisation des objectifs du développement durable. Il est donc impératif pour les communautés d’agir pour contribuer à l’atténuation des effets du changement climatique et de mettre en place des stratégies d’adaptation.

Dans ce contexte les femmes sont d’abord plus exposées que les hommes aux effets du changement climatique. Les femmes agissent différemment sur ces enjeux. D’où l’importance de prendre en compte ces inégalités d’exposition et de faire en sorte que les effets du changement climatique n’aggravent pas les inégalités entre hommes et femmes.

Faire face au changement climatique et à la vulnérabilité des territoires et des communautés doit reposer sur une planification qui met l'accent sur les approches préventives multisectorielles sensibles au genre et exige le développement d’approches qui permettra d’obtenir une prise en compte de la composante adaptation.

Cela doit placer indéniablement le partage de la connaissance, la formation et la sensibilisation de la population et des groupes vulnérables, dont principalement les femmes, au cœur de ses priorités.

Enfin, en raison de la portée transversale et multisectorielle des effets du changement climatique, un effort important de recherche et de développement doit être consenti pour améliorer la compréhension des liens, complexes, entre le changement climatique, les territoires et les sociétés. Les approches systémiques tenant compte du genre doivent être encouragées et développées dans le cadre d’une coopération internationale à maintenir et à renforcer.

Quels défis avez-vous rencontrés dans votre plaidoyer sur le rôle des femmes dans la lutte contre le changement climatique ?

Workshop on strengthening the capacities of female leaders of agricultural cooperatives in oasis regions as part of the monitoring and evaluation of adaptation projects for climate change in Errachidia Maroc. Photo courtesy of Brahim Jaafar (far left).
Atelier de renfoncement des capacités des femmes présidentes de coopératives des produits de terroirs des oasis dans le domaine de l’évaluation et suivi des projets d’adaptation au changement climatique en Errachidia, Maroc. Photo gracieuseté de Brahim Jaafar.

A travers notre expérience dans le programme des oasis de Tafilalet et à travers les projets menés en collaboration avec ONU Femmes dans les Oasis du sud est marocain, on a eu devant nous des communautés pleines laborieuses et qui disposent d’un savoir-faire local qui se prête à l’adaptation au changement climatique. Cependant les femmes qui sont au premier rang dans la mise en œuvre des actions d’adaptation n’ont pas accès à la propriété des terres et ne possèdent pas le pouvoir décisionnel pour mener des actions de leur réhabilitation. Le problème de l’analphabétisme qui touche en majorité les femmes n’est pas en faveur de leur autonomisation, et exige des agents de développement des exploits importants pour arriver à des résultats tangibles en matière de développement.

Quels résultats sensibles au genre espérez-vous voir dans l’accord universel à être atteint à Paris ?

Comme vous le savez, dans quelques jours se tiendra la COP21 en France. Et en 2016, c’est le Maroc qui accueillera la COP22. Parmi d’autres, le R20 considère qu’il est indispensable de s’assurer que la voix des femmes est bien prise en compte à l’occasion de ces événements majeurs et internationaux. C’est pourquoi le R20 avait lancé une initiative : une campagne mondiale « Women Leading Climate Action towards COP21 », afin de démontrer le pouvoir des femmes dans la lutte contre le changement climatique, et aussi inspirer et soutenir les actions menées par les femmes dans le monde entier.

Nous devons tous et toutes contribuer efficacement et également à cette COP pour plaidoyer sur l’implication des femmes dans les instances de décision sur le changement climatique. La voix des femmes, leurs responsabilités, leurs connaissances de l'environnement et les défis qu'elles relèvent devront être un élément central de la réponse adaptative à un climat changeant.

Nous espérons soutenir et renforcer les mécanismes de financement actuels dédiés au droit et à l’autonomisation socio-économique des femmes à l’échelle des pays en voie de développement, mais aussi de mobiliser les instances internationales pour promouvoir le transfert des connaissances et des technologies en faveur des projets d’adaptation et d’atténuation du changement climatique aux profits et en priorité aux communautés vulnérables.

En termes de ce transfert de technologie, nous espérons cibler la promotion de l’employabilité et de l’entreprenariat des femmes et des jeunes filles dans les métiers vert et de l’économie verte.